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Moyen Orient et Monde - Droits des femmes

Quand les Tunisiennes exigent de se marier avec qui elles veulent

Des organisations locales demandent l'abrogation d'une circulaire datant de 1973 interdisant aux femmes musulmanes de se marier avec un non-musulman.

Des associations se sont mobilisées pour demander l’abrogation de la circulaire interdisant le mariage mixte en Tunisie. Fethi Belaid/AFP

L'énième appel des associations tunisiennes pour autoriser les Tunisiennes musulmanes à se marier à des non-musulmans sera-t-il suffisant pour permettre des avancées en matière de droits des femmes ? La semaine dernière, près d'une soixantaine d'organisations se sont réunies pour dénoncer l'interdiction du mariage mixte basée sur une circulaire du 5 novembre 1973. Selon le document, une Tunisienne musulmane ne peut contracter mariage avec un non-musulman si ce dernier ne présente pas un certificat de conversion devant « l'autorité compétente », c'est-à-dire le mufti de la République.

Il est vrai qu'en 2001, la Cour de cassation a allégé la disposition en précisant que « le passage devant le mufti de la République n'est pas obligatoire » et que « tous les moyens de preuves sont valables pour démontrer la conversion à l'islam, y compris le témoignage de deux personnes ».
Mais en dépit de cela, « cette prohibition est une souffrance pour des milliers de Tunisiennes et leurs familles », ont souligné plusieurs associations dans un communiqué. Les hommes tunisiens musulmans ne sont en revanche par concernés par cette circulaire. « C'est une véritable discrimination », estime Hazar Jhinaoui, porte-parole du parti Les Démocrates. « Une musulmane tunisienne est libre de se marier avec qui elle veut, elle n'a pas besoin d'une loi » lui imposant un partenaire de la même confession, ajoute-t-elle.

 

Un texte inconstitutionnel
Les associations dénoncent la circulaire qui continue d'être appliquée près de 44 ans après sa publication alors qu'elle est devenue incompatible avec la nouvelle Constitution de 2014. Le texte, adopté trois ans après la révolution tunisienne, a marqué une étape majeure en matière de droits des femmes. La nouvelle Constitution défend l'égalité entre tous les citoyens en droits et en devoirs, et engage notamment l'État à « protéger les droits acquis de la femme, et veille à les consolider et à les promouvoir » (article 46).
Il est par ailleurs précisé à l'article 6 que « l'État protège la religion, garantit la liberté de croyance, de conscience et de l'exercice des cultes ». La Tunisie a également ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en 1985, selon laquelle elles peuvent librement choisir leur conjoint. Mais les avancées de 2014 se sont révélées insuffisantes et les règles de la circulaire de 1973 continuent d'être appliquées.

Il faut également noter que l'article 5 du code sur le statut personnel pose des ambiguïtés de traduction alimentant un flou juridique. Dans sa version arabe, il est écrit que les époux ne doivent pas se trouver « dans l'un des cas d'empêchement prévus par la charia (loi islamique) » pour se marier, tandis que la version française fait référence à ceux « prévus par la loi ». Le maintien de ce texte se base donc en partie sur l'article 1er de la Constitution stipulant que l'islam est la religion du pays. Selon les textes religieux, une musulmane ne peut se marier à un homme d'une autre confession que la sienne. L'Office de l'ifta' de la République tunisienne a par ailleurs rappelé par le biais de sa page Facebook qu'il « n'avait pas connaissance d'une loi qui permettrait aux femmes tunisiennes d'épouser un non-musulman ».

 

Mariage inexistant
« Il est aujourd'hui inadmissible qu'une simple circulaire, d'une valeur quasiment nulle (...), commande la vie de milliers (de Tunisiennes) », a insisté Sana Ben Achour, juriste et présidente de l'association Beity, lors d'une conférence de presse. « Il y a des violations flagrantes et graves contre les libertés individuelles qui menacent (de transformer la Tunisie) en un État réactionnaire, et des excès horribles qui touchent la liberté et la citoyenneté », souligne Mohammad Mnassri, juriste et doctorant en droit public à la faculté de droit et des sciences politiques de Tunis.

Seule l'option d'un mariage à l'étranger est alors à la disposition des couples si le futur marié ne souhaite pas se convertir. Les couples désirant revenir en Tunisie doivent alors ensuite faire face à d'autres obstacles : l'impossibilité d'inscrire leur mariage à l'état civil et de bénéficier des droits découlant du mariage. Entre autres, la cour d'appel de Sousse a refusé en 2014 de prononcer le divorce d'une Tunisienne musulmane avec un Italien non musulman au motif que le mariage est inexistant aux yeux de la législation sur le statut personnel.

 

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commentaires (3)

encore des lois arriérées

Talaat Dominique

18 h 29, le 11 avril 2017

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Commentaires (3)

  • encore des lois arriérées

    Talaat Dominique

    18 h 29, le 11 avril 2017

  • LA FEMME TOUT COMME L,HOMME EST LIBRE DE CHOISIR SON PARTENAIRE ET PROGRAMMER SA VIE... L,OBSCURANTISME DES DEUX FACES DE LA MEME MONNAIE NE DEVRAIT PAS EXISTER EN TUNISIE... C,EST UNE HONTE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 36, le 11 avril 2017

  • La vraie liberté avérée ,serait , que les tunisiennes et toutes les femmes en générale ,puissent ne pas se marier avec qui elles ne veulent pas ...!

    M.V.

    11 h 19, le 11 avril 2017

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