Une vingtaine de personnalités chiites « indépendantes », réunies sous l'appellation de « Rencontre de concertation chiite », ont annoncé qu'elles allaient bientôt lancer un feuille de route politique ainsi qu'un mouvement qui pourrait réunir des Libanais appartenant à toutes les composantes du pays.
Réuni en début de semaine au domicile de l'ancien ambassadeur Khalil Kazem el-Khalil, le groupe explique vouloir montrer qu'il existe un troisième point de vue chiite, autre que celui du tandem Amal-Hezbollah, sans toutefois renoncer au dialogue avec les deux leaders chiites. Il serait même actuellement en train de réfléchir à une feuille de route politique. « Nous sommes en train de préparer un document qui sera rendu public dans quelques semaines et qui définira et pourvoira les raisons qui nous font bouger au niveau politique », indique l'éditeur Lokman Slim à L'Orient-Le Jour.
« Notre groupe est bel et bien un mouvement politique indépendant et une façon pour nous de dire qu'il y a des gens qui ont des points de vue différents à l'intérieur de la communauté chiite. Ce qui ne nous empêche pas d'être prêts au dialogue, souligne Khalil el-Khalil. Nous allons bientôt lancer une formation qui englobera des Libanais de tous bords. Ce sera un mouvement purement libanais », ajoute l'ancien ambassadeur.
« Les réserves sont en train de s'estomper »
« Tout ce qui s'est passé dernièrement au Conseil supérieur chiite est une preuve de la mainmise du tandem chiite sur une institution qui nous représente religieusement et politiquement, souligne Lokman Slim. Ajoutons à cela les dernières déclarations du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et de son numéro deux, Naïm Kassem, sur les questions de mœurs ainsi que la parade de Bourj el-Brajneh (le week-end dernier). Tout cela a généré chez nous un sentiment d'inconfort qui nous pousse à en parler en public. Nous essayons d'élargir notre groupe et de nous exprimer face à la politique d'intimidation du tandem chiite. »
Pour rappel, les chiites indépendants avaient mené il y a quelques mois une campagne pour dénoncer une loi proposée par des députés du Hezbollah et d'Amal visant à proroger le mandat du comité exécutif du Conseil supérieur chiite, au lieu de tenir des élections. Hassan Nasrallah s'est quant à lui récemment insurgé contre ceux qui combattent le mariage des mineurs, les accusant de mettre le noyau familial en danger. Naïm Kassem a pour sa part réitéré avant-hier son rejet de toute loi civile du statut personnel et demandé que les lois religieuses soient laissées en place, à l'heure où un grand nombre de femmes chiites dénoncent des sentences du tribunal chérié jaafarite qu'elles jugent injustes au niveau de la garde des enfants.
« Il est clair que beaucoup de chiites ont quelques réserves quand il s'agit d'assumer leur identité politique différente de celle du tandem Amal-Hezbollah, mais il nous semble que cette réserve est en train de s'estomper. Ces personnes essaient de contrer les tendances hypersectaires et refusent tout amalgame, estime Lokman Slim. En tant que Libanais, nous devons assumer notre identité politique et réagir face à ce qui se passe sur le plan interne ainsi que sur le plan interchiite. »
Craintes pour le Liban
Pour l'ancien député de Baabda, Salah Haraké, « le Liban devrait être une société laïque et non pas confessionnelle et communautaire ». « Nous sommes libanais avant d'être chiites et nous avons des remarques sur le tandem chiite, surtout en ces circonstances difficiles, dit-il. Nous ne voulons pas nous élever contre qui que ce soit, nous voulons juste donner un point de vue indépendant. Le Liban ne peut pas continuer comme ça. Nous sommes en plein dans une situation dangereuse et nous craignons que le pays ne soit à l'orée d'un grand problème. Voilà pourquoi il est important de prendre une autre direction », ajoute-t-il.
« Un des problèmes essentiels est le fait que toute la communauté chiite se regroupe autour du tandem (NDLR : Amal-Hezbollah) et qu'il n'y a pas de troisième avis pour remettre les choses au point quand le besoin se fait sentir. Nous avons peur des répercussions de la crise syrienne au Liban, nous craignons que le pays n'explose à cause de cela. Nous attendons de voir comment le gouvernement va travailler dans les mois à venir », conclut-il.
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