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Moyen Orient et Monde - Conflit

« Bouclier du Tigre », ou quand la Turquie montre ses muscles en Irak

L'opération, visant à couper les voies de communication du PKK entre le nord irakien et la frontière syrienne, pourrait être lancée à la fin du mois, selon un journal progouvernemental turc.

Le président turc Recep Tayyip Erodgan à Ankara, le 5 avril 2017. Adem Altan/AFP

La Turquie prépare une offensive terrestre dans le nord de l'Irak contre les bases arrières des séparatistes kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), a rapporté hier le quotidien Yeni Safak, proche du pouvoir turc.
Cette opération, baptisée Bouclier du Tigre, succéderait à Bouclier de l'Euphrate, lancée le 24 août dans le nord de la Syrie contre les jihadistes du groupe État islamique et les milices kurdes, et qui a officiellement pris fin la semaine dernière. Les autorités turques n'ont pas confirmé ces informations dans l'immédiat, mais le président Recep Tayyip Erdogan a affirmé cette semaine, dans une interview télévisée, que Bouclier de l'Euphrate aurait une « deuxième et une troisième étape », en Syrie et en Irak. L'opération Bouclier du Tigre pourrait alors être lancée « fin avril ou début mai », après le référendum du 16 avril sur l'extension des pouvoirs du président Erdogan, affirme Yeni Safak.

« L'annonce de cette nouvelle opération est un moyen de faire diversion alors que nous approchons de la date du référendum dans un contexte de confusion générale dans le pays », souligne Bayram Balci, chercheur au CNRS-Paris et spécialiste de la Turquie, contacté par L'Orient-Le Jour.
Selon le quotidien, des chars, pièces d'artillerie et véhicules de transport blindés utilisés pour l'opération en Syrie seront mobilisés. Le journal dénombre neuf camps du PKK, organisation classée « terroriste » par Ankara et ses alliés occidentaux, dans la région de Sinjar, qui s'étend de Mossoul à la Syrie, au sud de la frontière turque. L'organisation séparatiste kurde y était entrée en 2014, pour, selon elle, en chasser l'EI qui y massacrait les populations yézidies locales. « L'idée est de montrer les muscles du côté d'Ankara puisqu'elle se retrouve isolée et lâchée par tous. Le pays n'est pas prêt pour une nouvelle opération de ce type » , ajoute M. Balci.


(Pour mémoire : « La Turquie se trompe de stratégie » sur la question kurde)

 

Tribus arabes
D'après Yeni Safak, l'opération vise notamment à couper les voies de communication entre Sinjar et les monts Kandil, dans le nord de l'Irak, où se trouverait l'état-major du PKK. Lors de l'entretien télévisé, M. Erdogan a par ailleurs estimé que la région de Sinjar était en phase de devenir un « second Kandil », recensant près de « 2 500 terroristes » sur place tentant de mettre ce projet en place. L'offensive vise à empêcher la jonction de ces zones avec celles contrôlées en Syrie par des milices kurdes qu'Ankara considère comme des émanations du PKK.

Les forces d'Ankara seront en outre appuyées par des Turkmènes d'Irak entraînés dans la base turque de Bachiqa, où sont déployés des soldats turcs depuis décembre 2015, au grand dam de Bagdad, qui ne veut pas d'intervention turque sur son territoire. Cela pose également la question de savoir si des pourparlers ont eu lieu avant l'annonce de l'opération avec le leader du gouvernement régional du Kurdistan (GRK) en Irak, Massoud Barzani, toujours considéré comme la voix diplomatique légitime du GRK. En effet, M. Barzani et M. Erdogan entretiennent des relations cordiales et se sont rencontrés à maintes reprises. Le GRK est une entité autonome en Irak, à différencier du PKK représentant les Kurdes de Turquie. En 2015, Massoud Barzani avait déjà demandé au PKK de quitter les monts Kandil. « Il y aura des opérations conjointes avec les forces peshmergas de M. Barzani, explique Mete Sohtaoglu, chercheur et ancien directeur de l'information à CNN Turquie, à L'Orient-Le Jour. On peut aussi s'attendre à ce que des tribus arabes se joignent aux opérations ».

Une telle opération dans le nord de l'Irak risquerait de raviver les tensions avec Bagdad, mais aussi Washington, qui a maintenu une position méfiante face à l'incursion unilatérale de la Turquie en Syrie. « La Turquie justifiera ces attaques comme étant conformes aux règles des Nations unies, avançant que le PKK attaque la Turquie à partir du sol irakien », note le chercheur. M. Erdogan a juré d'« éradiquer » le PKK après la rupture, à l'été 2015, d'un fragile cessez-le-feu visant à mettre fin à un conflit qui a fait plus de 40 000 morts depuis 1984.

Lundi, le président turc a également déjà annoncé que de nouvelles opérations contre les Unités de protection du peuple (YPG, kurde syrien) étaient en préparation « pour le printemps ». Selon Mete Sohtaoglu, la dernière étape des opérations turques se concentrera sur les Kurdes de Syrie pour empêcher toute coopération avec le PKK. « La troisième phase, sous le nom de Bouclier de la Jazira serait conduite à l'est de l'Euphrate, contre l'YPG dans le nord de la Syrie », conclut Mete Sohtaoglu.

 

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