Depuis la crise des déchets de 2015, pas une personne qui n'ait cette question sur les lèvres : quelle est la meilleure gestion des ordures ménagères pour le Liban ? Dans un pays où les experts en gestion des déchets se sont multipliés sur les écrans de télévision du jour au lendemain, qui a vraiment droit à ce titre ? Comme l'explique Mutasem el-Fadel, professeur à la faculté de génie de l'Université américaine de Beyrouth, département de génie civil et environnemental, la gestion des déchets est une spécialisation à part entière dans le cadre du génie environnemental.
Nature du travail
La gestion des déchets nécessite en gros deux types de travailleurs : d'une part, les ouvriers qui font le travail manuel au niveau de la collecte, du tri et du traitement ; d'autre part, les ingénieurs qui interviennent à chacune de ces étapes. Pour la collecte, ces ingénieurs décident des itinéraires et des méthodes à adopter. À l'usine, ce sont eux qui choisissent les machines à utiliser, supervisent le travail, réparent les installations... Quand des machines sont importées, ce sont les ingénieurs qui suivent des formations pour apprendre à les utiliser. Ces ingénieurs sont ceux que forment le département de Mutasem el-Fadel et d'autres départements similaires dans le pays.
Aptitudes et compétences requises
Mutasem el-Fadel insiste sur le fait que la gestion des déchets est un domaine multidisciplinaire par excellence. La formation en génie environnemental permet d'avoir des compétences diverses qui sont indispensables à l'ingénieur qui va travailler dans le domaine des déchets : à titre d'exemple, le traitement des eaux usées qui se dégagent des déchets nécessite des connaissances en chimie. De même, il faut être au fait des données sur la pollution de l'air afin de contrôler les gaz qui se dégagent des ordures, etc.
Études
On intègre le master en génie environnemental après une moyenne de quatre ans d'études de génie. Pour entrer en master, comme pour toutes les disciplines, il faut avoir des notes très élevées (80 sur 100 dans le cas du département où enseigne Mutasem el-Fadel à l'AUB). Ces études sont multidisciplinaires pour accompagner les domaines complexes en relation avec l'environnement, notamment la gestion des déchets. Les étudiants peuvent choisir de se spécialiser dans cette dernière discipline.
Débouchés
Selon Mutasem el-Fadel, le débouché principal pour les ingénieurs spécialisés en gestion des déchets est dans les usines de traitement. Il déplore toutefois la manière dont les contrats sont remportés dans ce pays, qui ne fait généralement pas la part belle aux spécialistes. Le secteur privé reste le premier employeur des ingénieurs environnementaux. «Beaucoup d'ingénieurs diplômés se retrouvent à travailler dans des bureaux, où on leur confie des tâches diverses pas toujours en accord avec leur spécialisation, tout simplement parce qu'il n'y a pas assez de tâches spécialisées à accomplir sur place », dit-il.
Le domaine public, pour sa part, fournit des emplois qui restent limités, notamment dans les ministères concernés ou dans des institutions comme le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR). Une troisième option est celle des organisations internationales. Beaucoup d'étudiants finissent par émigrer. Enfin, l'ingénieur peut toujours devenir consultant indépendant et prendre en charge des missions telles que les études d'impact environnemental pour les grands projets.
Difficultés et contraintes
Mutasem el-Fadel pense que les seules contraintes à retenir dans ce domaine sont en rapport avec son extrême politisation, ce qui limite la marge de manœuvre des spécialistes. « Au niveau technique, il n'y a rien que l'on ne sache faire, explique-t-il. Chaque technologie a ses avantages et ses inconvénients. Même au niveau mondial, le domaine se développe bien sûr, mais les solutions de traitement des déchets sont bien connues. Il n'y a rien de sorcier donc. Cependant, les spécialistes sont-ils seulement entendus ? »
Sur un autre plan, l'expert souligne aussi la relation étroite, dans ce domaine en particulier, entre les politiques d'État et la création d'emplois, déplorant que le marché du travail reste limité. « Si l'État libanais imposait le respect des lois et des normes environnementales, le secteur privé serait obligé d'embaucher un bien plus grand nombre d'ingénieurs environnementaux, afin de s'assurer de la conformité de ses activités aux normes, dit-il. Ce domaine est en plein essor ailleurs, mais tarde à décoller au Liban. »