Rechercher
Rechercher

Tempête en mer Morte

Rien de plus fastidieux, en vérité, que ces conférences au sommet arabes où, dans la meilleure des hypothèses, les rois et chefs d'État réunis en grande pompe ne font qu'entériner les formules creuses concoctées la veille par leurs ministres des AE.

Passablement hors du commun, s'annoncent toutefois les assises qui se tiendront aujourd'hui sur les bords de la mer Morte, en Jordanie. N'allez pas croire pour autant que les dirigeants émergent enfin de leur torpeur et y vont de quelque programme visant à assurer le bien-être et la prospérité de leurs peuples. Si ce sommet n'est pas tout à fait comme les autres, ce n'est pas non plus parce que les monarchies pétrolières du Golfe ont fait cadeau au Liban d'un engagement de solidarité qui, en réalité, ne leur coûte pas grand-chose. Ce qui fait la particularité de cette conférence, c'est qu'elle promet déjà, avant même d'avoir entamé ses travaux, d'alimenter pour longtemps le débat politique interne. Cela en dépit des précautions de style d'un Liban dessaisi depuis longtemps de ses vieilles gloires diplomatiques et qui, à l'image des États arabes, croit pouvoir tromper son monde et escamoter les questions litigieuses rien qu'avec des mots.

Des mots, le président de la République et le Premier ministre n'en ont pas été avares, ces derniers temps, pour exprimer, à qui mieux mieux, des vues divergentes, notamment sur l'armement du Hezbollah. Miracle de la cohabitation, les voilà pourtant partis hier bras dessus bras dessous pour le sommet, après s'être entendus sur la teneur du discours – politiquement correct, on peut le parier – que prononcera Michel Aoun devant ses pairs arabes. Ce qu'on n'avait pas prévu toutefois, ce qui ne s'était jamais produit auparavant, c'est cette missive envoyée dès lundi à la présidence du sommet par deux anciens présidents et trois anciens chefs de gouvernement libanais qui, sans s'embarrasser de rhétorique, proclament des transitions nettes et tranchées sur nombre de dossiers à prolongements régionaux ou internationaux : notamment, l'attachement à la proclamation de Baabda qui astreignait le Liban à une sorte de neutralité dans le conflit syrien et qui a été violée par le Hezbollah ; et la fidélité aux résolutions de l'ONU décrétant la dissolution de toutes les milices.

Alors, la littérature officielle mise à nu, tournée en ridicule par ce rappel des dures réalités sur le terrain? Comme on pouvait s'y attendre, l'initiative des cinq a suscité la colère du président, du Premier ministre et aussi du président de l'Assemblée. Tous trois y ont vu une intolérable manœuvre de court-circuitage de la délégation au sommet, de même qu'un déplorable étalage de la discorde qui règne entre Libanais. Même si les signataires du document rejettent ces accusations, on reste tout de même perplexe sur leurs motivations : et cela d'autant que deux d'entre eux comptent parmi les proches du chef du gouvernement...

Elle en fait décidément de beaux remous, la mer Morte...

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Rien de plus fastidieux, en vérité, que ces conférences au sommet arabes où, dans la meilleure des hypothèses, les rois et chefs d'État réunis en grande pompe ne font qu'entériner les formules creuses concoctées la veille par leurs ministres des AE.
Passablement hors du commun, s'annoncent toutefois les assises qui se tiendront aujourd'hui sur les bords de la mer Morte, en Jordanie....