Plus d'un souhait a émané récemment des chancelleries occidentales et arabes de voir le Liban réaffirmer son engagement en faveur de la déclaration de Baabda, du respect de la politique de distanciation et de la mise en œuvre d'une stratégie défensive visant à régler la question des armes illégales – aussi bien celles du Hezbollah que des factions palestiniennes. L'appel s'adresse au régime actuel, invité à constituer une instance de dialogue national à cette fin. Tout porte à croire toutefois que cet appel est voué à rester un vœu pieux.
Certes, le chef de l'État ainsi que le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil préconisent la mise au point d'une stratégie défensive, mais ils le font avec des réassurances accentuées envers le Hezbollah. Ils défendent la stratégie défensive seulement comme canal de communication sur la question des armes illégales, ces armes faisant l'objet d'un « appui unanime des Libanais » lorsqu'il s'agit de la lutte du Hezbollah contre Israël, selon les termes employés par M. Bassil lors de sa récente visite à Washington.
C'est dire la complaisance manifeste du régime à l'égard du Hezbollah, sur laquelle même les milieux des Forces libanaises (FL) ne se font pas d'illusions.
Du reste, et contrairement à l'avis de ceux qui parient sur une marginalisation progressive du Hezbollah à l'échelle régionale, celui-ci se passerait aujourd'hui plus que jamais d'un éventuel dialogue sur la stratégie défensive. En effet, sa participation militaire au conflit syrien, bien que l'ayant placé dans la ligne de mire de puissances occidentales et régionales, a confirmé, à l'échelle interne, son envergure de groupe transfrontalier, et donc supra-étatique. Une stature qu'il n'aurait aucune intention de concéder, sur un terrain qui continue de servir de base arrière solide au parti chiite.
L'un des participants au dialogue de 2006 se demande d'ailleurs pourquoi, après avoir tué dans l'œuf l'examen de la stratégie défensive lors de la conférence de dialogue en 2006, le Hezbollah aurait-il intérêt à relancer le débat aujourd'hui. Pour leur part, des milieux politiques du 14 Mars voient mal, du moins à moyen terme, la milice chiite devenir un parti comme les autres.
Mais l'effet d'intimidation que continue d'avoir l'arsenal du Hezbollah à l'échelle interne, facilité par l'abattement des garde-fous politiques à son influence, ne l'empêche pas de persévérer encore jusqu'à compléter sa mainmise sur les institutions. Des milieux FL estiment ainsi que le Hezbollah exploite actuellement la réforme électorale, et va jusqu'au bout dans sa surenchère sur la proportionnelle intégrale, en vue d'obtenir in fine une loi à même de lui assurer une mainmise sur le Parlement. Ce serait la pièce manquante à son règne, après l'accession de son allié à la magistrature suprême, un allié dont il ne craindrait aucunement le retournement de veste, estiment ces milieux.
Il n'empêche que le régime se trouve face à un dilemme qui irait en s'aggravant : jusqu'à quel point sera-t-il en mesure de couvrir un groupe militaire que de nombreuses puissances souhaiteraient, sinon combattre, du moins isoler sur la scène régionale? Si encore un compromis politique en Syrie est trouvé, et que le retour du Hezbollah au Liban est sécurisé, de quels moyens disposerait le pouvoir libanais pour contenir l'excédent de force militaire illégale du parti? Si enfin le régime décide d'assumer, le cas échéant, son statut de protecteur du Hezbollah, cela ne risquerait-il pas alors d'aviver, au niveau de la base populaire, la rancœur couvée par une partie non négligeable des citoyens, toutes communautés confondues, à l'égard des armes du parti et/ou de son implication en Syrie ? Dans un tel contexte, le régime entretient aujourd'hui l'illusion de pouvoir contenir ces tensions.
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Gébran Bassil est-il le ministre des Affaires étrangères du Liban ou de Michel Aoun ou de n'importe quel autre ? Nous souhaiterions avoir une réponse. D'avance Merci.
16 h 03, le 28 mars 2017