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Le ding et le dong

Deux sons de la même cloche ne font pas toujours un harmonieux carillon. Pour ne rien changer, c'est à propos du Hezbollah que les deux pôles de l'exécutif nous offrent cette cacophonique illustration de la dissonance au pouvoir.

Visitant Le Caire il y a peu, le président Aoun causait, comme on sait, la surprise en donnant un beau coup de canif à son discours d'investiture pour faire pratiquement de la milice pro-iranienne le complément indispensable de l'armée régulière face à Israël. Dans une interview télévisée, le chef de l'État (alors que rien ne l'y forçait vraiment) prenait ainsi sur lui de définir, hors de tout accord national sur la question, la politique de défense du Liban, dossier controversé entre tous. En verve de complaisance, Michel Aoun lavait par ailleurs le Hezbollah de toute accusation d'intimidation armée dans le cadre du débat politique interne.

Saad Hariri ne tardait pas à rappeler, dans une allocution, la ligne officielle de son gouvernement, consistant à concentrer les armes entre les mains de l'État. À la veille de visiter à son tour la capitale égyptienne, le chef du gouvernement réaffirmait sa position, hier, dans une déclaration au quotidien al-Ahram.

Rien de plus tristement banal, serait-on presque tenté de dire. Nous vivons en effet dans un pays où les clivages sont tels qu'il est devenu ingouvernable hors du compromis. Dépassées, reléguées au musée sont les vieilles notions de jeu démocratique, de majorité et de minorité, de pouvoir et d'opposition. Tout cela est remplacé par une démocratie dite consensuelle, qui permet aux diverses forces politiques de cohabiter au sein d'un même gouvernement. Par essence, celui-ci est le plus souvent voué aux tiraillements et, par suite, à la paralysie.

Rien de bien nouveau donc, dans ce ping-pong feutré auquel se livrent Michel Aoun et Saad Hariri sur le terrain médiatique égyptien. Rien, sauf qu'on ne joue plus désormais pour un public blasé, et qu'il va falloir bientôt se produire dans la cour des grands. Le 29 mars en effet se tiendra à Amman une conférence au sommet arabe. La Syrie n'y est pas conviée, puisque son adhésion à la Ligue des États arabes demeure gelée dès le début de la guerre dans ce pays ; mais la crise syrienne y sera bel et bien présente, avec tous ses prolongements régionaux. Parmi ceux-ci figure en bonne place le cas, proprement extraordinaire, de cette milice libanaise mais prêtant allégeance à l'Iran, membre à part entière d'une autorité légale libanaise officiellement neutre, mais qui participe activement aux combats de Syrie.

C'est vrai qu'il ne faut pas attendre grand-chose de ce genre d'assises. Mais si le sommet de Amman mérite tout de même quelque effort de remise en ordre de la maison libanaise, c'est qu'il revêt valeur de test diplomatique pour le régime du général Aoun qui s'est donné pour slogan l'unité et le changement. Par deux fois dans le passé, un ancien et actuel ministre des Affaires étrangères, par ailleurs gendre du président, a manœuvré en solo lors de conférences panarabes ou panislamiques. Outrepassant les instructions de son gouvernement, accusé d'avoir rompu la solidarité arabe, il provoquait une grave crise avec ces mêmes royaumes du Golfe où résident et travaillent des centaines de milliers de Libanais : litige que le général Aoun, à peine élu, s'efforçait de régler en choisissant l'Arabie saoudite pour son premier déplacement à l'étranger.

Plus que quelques jours en somme pour accorder, un tant soit peu, nos violons...

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Deux sons de la même cloche ne font pas toujours un harmonieux carillon. Pour ne rien changer, c'est à propos du Hezbollah que les deux pôles de l'exécutif nous offrent cette cacophonique illustration de la dissonance au pouvoir.
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