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Liban - Interview

« Pour négocier la paix en Syrie, il faut partir de l’intérêt de l’enfant »

Le directeur régional de l'Unicef, Geert Cappelaere, répond aux questions de « L'Orient-Le Jour ».

Le directeur régional de l’Unicef, Geert Cappelaere, lors d’une rencontre avec « L’Orient-Le Jour » à l’hôtel Gefinor Rotana. Photo Anne-Marie el-Hage

Six ans déjà que dure le conflit syrien. Mais c'est depuis Beyrouth que le directeur régional de l'Unicef pour le Moyen-Orient et l'Afrique, Geert Cappelaere, s'adresse aux négociateurs de paix, à Astana ou à Genève. « Entamez vos pourparlers sur base de l'intérêt de l'enfant », leur dit-il, à travers L'Orient-Le Jour, à peine rentré de Damas, Homs et Alep. Quelques heures plus tôt, il lançait depuis l'hôtel Gefinor Rotana, avec l'ambassadeur de bonne volonté de l'Unicef pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, le compositeur jordano-américain Zade Dirani, une chanson d'espoir pour la Syrie, intitulée Heartbeat. Avec, pour vedette, Ansam, une fillette non voyante de 10 ans à la voix de velours, et une quarantaine d'enfants syriens déplacés à l'intérieur de leur pays, qui chantent leur espoir que la guerre prendra fin, dans les ruines d'une ville syrienne. Pinceaux à la main, ces enfants pris en charge par l'Unicef rêvent de redonner vie à ces quartiers détruits, vidés de leurs habitants. Et lancent leur message à la communauté internationale.

 

7 000 écoles détruites en 6 ans
Consterné par l'ampleur des destructions « sans précédent » en Syrie, M. Cappelaere l'est encore plus par « l'impact de cette guerre sur les enfants », ces derniers étant touchés à « plusieurs niveaux ». « Plus de 7 000 écoles ont été détruites en six ans de guerre. Ce qui prive d'école deux millions d'enfants », dénonce-t-il, à titre d'exemple. Outre la destruction de l'infrastructure, les petits Syriens souffrent aussi « de la destruction du tissu social », constate le directeur régional. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : « Trois millions d'enfants sont déplacés à l'intérieur de la Syrie et deux millions et demi sont réfugiés dans d'autres pays », parmi lesquels le Liban. Autrement dit, « plus de cinq millions et demi d'enfants ont perdu leur chez-soi ». Dans ce cadre, « six millions d'enfants en Syrie dépendent de l'aide humanitaire, pour vivre ».

Geert Cappelaere est intarissable. « La guerre syrienne a aussi détruit l'enfance », martèle-t-il. « Non seulement plus de deux millions d'enfants ne peuvent aller à l'école, mais les enfants de Syrie sont privés de jouer. » Le représentant onusien met en garde les décideurs. « L'année 2016 a été la pire année pour l'enfance en Syrie, sur tous les fronts », dénonce-t-il, en se basant sur une étude. « Chaque jour de l'année 2016, quatre enfants ont été tués ou blessés. Chaque journée d'école, un enfant était tué ou gravement blessé sur les bancs de l'établissement, ou en se rendant à l'école. »

Le responsable onusien fait aussi part de l'émergence « de mécanismes d'adaptation particulièrement négatifs » au sein de la population syrienne. « Nous assistons à une recrudescence des mariages précoces et du travail des enfants. » Il constate ainsi que « les trois quarts des enfants syriens travaillent désormais pour contribuer aux maigres ressources de leur famille ».

 

(Pour mémoire : Les violences contre les enfants « à leur pire » niveau en 2016, dénonce l’Unicef)

 

Le message d'espoir d'Ansam
Face à cette situation, la chanson d'Ansam et des enfants syriens est comme une bouffée d'air frais. Touchante, elle vient rappeler que la population de Syrie, outre sa détresse, doit s'accrocher à l'espoir. Qu'elle reste déterminée à vivre, à envoyer ses enfants à l'école, à préserver ses valeurs aussi. « À Alep, après avoir roulé 15 bonnes minutes au beau milieu des ruines, j'ai croisé des enfants qui se rendaient à l'école, cartable au dos », souligne M. Cappelaere. Leur école a certes été détruite, mais les classes qui hébergent près de 450 élèves se font désormais dans les conteneurs aménagés par l'Unicef. « J'ai aussi croisé des femmes qui s'occupaient d'enfants qui ne sont pas les leurs, signe que la solidarité est possible, même durant la guerre. »
N'est-il pas trop tard ? « Ce n'est pas irréversible », assure le responsable onusien. « Tout cela peut être reconstruit, mais il faut arrêter la guerre », soutient-il, invitant « toutes les parties à respecter l'enfance et à cesser les attaques contre les écoles et les hôpitaux ». Faire pression sur les décideurs pour faire cesser la guerre, et entamer les négociations en pensant à l'intérêt de l'enfant, c'est bien là le défi « innovateur » de l'Unicef qui promet de « continuer » et de « persévérer », « pour faire entendre la voix de l'enfant » .

Le clip de la chanson Heartbeat : ici

 

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