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Culture - Portrait fictif

« Je suis Cléopâtre, pas une simple migrante cherchant asile ! »

Elles sont cinq reines et impératrices d'Orient à parrainer le Festival al-Bustan cette année. Lequel leur rend hommage à travers des concerts et spectacles qui leur sont dédiés. Pour aider à mieux aborder les œuvres inspirées de leurs personnalités, « L'Orient-Le Jour » a décidé de brosser leurs... autoportraits.

Portrait de Cléopâtre.

Cléopâtre. Je suis la septième à porter ce nom... et la dernière. La dernière (malheureusement) pharaon(ne) d'Égypte. Ce nom, qui signifie « gloire de son père », a fait couler beaucoup d'encre, car il a été, à travers les âges, symbole d'amour, de beauté et de force.

On a beaucoup glosé à mon sujet. Beaucoup palabré. Que je me baigne dans le lait d'ânesse. Que mes coiffes et coiffures sont exubérantes et mon fard se compose de teintes bleu marine au-dessus de mes paupières et vert eau en dessous, avec ce crayon qui dessine mes yeux. Mais plus que tout, que c'est mon pif qui était l'énigme de l'histoire. Je voudrais bien dire, comme l'a fait Cyrano de Bergerac, et « me servir toutes ces folles plaisanteries. Je me les sers moi-même, avec assez de verve. Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve ». J'aurais certainement permis à Edmond Rostand d'en composer tirades, mais pas à l'histoire de déformer son cours à cause d'un nez. J'ai pourtant laissé faire. Je suis après tout un personnage public. D'ailleurs, qu'avait-il de si étonnant ce nez ? Les coptes, mes descendants, en sont bien pourvus.

Quant aux bains et autres ablutions dont on m'accuse d'abuser, n'étais-je pas simplement précurseure des SPA, de l'eye-liner et du maquillage de vamp ? Et si Elizabeth Taylor et Joseph L. Mankiewicz ont englouti les studios de Hollywood avec de l'or en 1963, en se servant de mon nom, j'aurai préféré que l'histoire retienne que moi, Cléopâtre, j'ai œuvré farouchement pour sauvegarder une civilisation millénaire à laquelle j'étais particulièrement attachée et qu'elle laisse toutes ces balivernes aux paparazzi.
Certes, j'étais jolie et séduisante, et j'ai eu beaucoup d'hommes dans ma couche, mais les représentations musicales et cinématographiques ont fait de moi un mythe qui s'est construit petit à petit dans l'imaginaire du public. Et que je ne m'explique toujours pas.

 

César jouant au Risk
Je m'en souviens comme si c'était hier, en l'an 51 avant J-C : mon père Ptolémée XII meurt me laissant désemparée à l'âge de 18 ans. C'est l'âge où les jeunes filles vont au bal aux bras de leurs amoureux. C'est l'âge où elles rêvent au prince charmant, où leurs rires résonnent entre les murs des palais. Délaissant mes rêves châtrés et mes désirs brisés, et forte de mes connaissances et de mes diverses langues apprises, il ne me restait plus qu'à succéder à mon père et prendre le pouvoir afin de renouer avec les antiques traditions. C'était sans compter mes nombreux ennemis à la cour, notamment mon demi-frère que j'épouse (coutume d'usage à l'époque) et qui m'écarte bien vite du trône. Ma détermination et mon ambition, ainsi que ce sentiment d'être investie d'une véritable mission, me poussent à ne pas abandonner. Pourtant, la civilisation pharaonique n'est plus qu'un vague souvenir. Le palais royal se trouve à Alexandrie, ville et port puissant situé au bord de la Méditerranée.

À cette époque, un certain empereur du nom de César, qui étendait chaque jour un peu plus son territoire et son empire, s'amusant à jouer au Risk avant l'heure, s'arrête aux portes d'Alexandrie. L'ai-je séduit ? M'a-t-il aimée ? Je sais qu'à cette époque, mon nez (toujours lui) avait attiré deux Gaulois du nom d'Astérix et Obélix. Mais revenons à César et rendons-lui ce qui lui appartient. Il me laisse le trône d'Égypte et en bonus un fils nommé Ptolémée-Césarion. En -46, j'arrive à Rome avec tous les flonflons d'une fête due à mon rang. Mais je divague... Pour vous dire la vérité, m'étant installée dans l'actuel palais Farnèse qu'on appelait à l'époque les Jardins de César, je comprends très vite que le peuple ne m'aime pas. Vous le voyez bien : l'émigration, l'acceptation de l'autre, de l'étranger ont toujours été particulièrement problématiques, quelle que soit la période historique.
Mais là, permettez que je m'insurge. Je suis Cléopâtre, reine et dernière descendante de la dynastie prestigieuse des Ptolémée et non une simple migrante cherchant asile ! D'ailleurs, mes « vacances romaines » ont vite pris fin. Après deux années écoulées, mon bien-aimé César meurt assassiné. Je quitte Rome et retourne en Égypte.

 

Moi, Isis ; lui, Osiris
J'étais à mille lieues de me douter qu'un autre Romain allait se vautrer dans mes draps soyeux. Je n'avais pourtant rien demandé. Trop occupée à réformer le système monétaire, assainir le commerce, briser les monopoles et ramener l'Égypte sur la scène internationale, je ne réalisais pas que Marc-Antoine, qui s'était partagé le monde avec Octave et avait eu l'Orient en lot, était déjà éperdument amoureux de moi. Un de plus. C'est avec lui que je vivrai les plus belles années de ma vie. Il m'a donné trois beaux enfants : Alexandre-Hélios, Cléopâtre-Sélène et Ptolémée Phila-Delphe, et nous formerons un couple royal à l'égyptienne : moi Isis et lui Osiris-Dyonisos. Notre couple mythique inspirera ainsi opéras, ballets et films (lire ci-contre) pour des générations et des générations futures.

J'aurais aimé que l'histoire se termine ainsi, mais malheureusement cela n'a pas été le cas. Mon homme, que j'ai tant aimé, fougueux et intrépide, préparera ses troupes à un affrontement avec l'armée romaine d'Octave. En -31 avant J-C a lieu la bataille d'Actium. Il sera vaincu et sa flotte anéantie. Persuadé que j'étais morte, il se suicide en retournant le glaive contre sa poitrine. Octave, malgré la promesse qu'il m'avait faite, assassine mon fils Césarion en -30 avant J-C. Il veut me ramener comme une vulgaire esclave et me traîner dans les rues devant la foule afin d'asseoir son triomphe et sa toute puissance. Moi, la descendante des Pharaons. Je décide alors de me retirer de la vie et de partir avec les honneurs dus à mon rang. Pas de barbituriques ni de revolver à cette époque. Je commande à ma servante un panier de figues où se trouvait un serpent. Par un geste fatal et héroïque, j'y plonge la main, sachant que la morsure de ce reptile allait m'ouvrir les portes de l'éternité.

En qui croyez-vous à votre avis, que je me sois réincarnée ?
Je suis toujours vivante, puisque je viens hanter le Festival al-Bustan dans un concert qui se tient aujourd'hui vendredi 10 mars. La soprano Regula Mühlemann revisitera ma figure historique à travers des airs de Handel et Hasse, mais aussi à travers des compositions baroques. Également, La Mort de Cléopâtre de Berlioz fera partie de la grande finale le dimanche 19 mars.

 

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TRES SYMPA !

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 38, le 10 mars 2017

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Commentaires (1)

  • TRES SYMPA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 38, le 10 mars 2017

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