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Culture - Portrait fictif

Sémiramis, baby alone in Babylone

Elles sont cinq reines et impératrices d'Orient à parrainer le Festival al-Bustan cette année. Lequel leur rend hommage à travers des concerts et spectacles qui leur sont dédiés. Pour aider à mieux aborder les œuvres inspirées de leurs personnalités, « L'OLJ » a décidé de brosser leurs... autoportraits.

Sculpture en marbre de Sémiramis par l’artiste américain William Wetmore Story (1819-1895). Photo Courtesy Dallas Museum of Art

Je suis la bâtisseuse, je suis la « dame des batailles », je suis la déesse de la volupté et de l'amour, je prends, selon les légendes, les traits d'Ishtar, mais je suis surtout la « bienveillante » et les rois doivent à mon amour d'être élevés au trône. Je suis Sémiramis.
On raconte qu'au XIVe siècle avant J-C ma mère, mi-femme mi-poisson, me mit au monde, puis assassina mon père, m'abandonna et se réfugia au fond d'un lac (ça ne vous rappelle rien ?) et pourtant, mon sort est semblable à tant d'autres qui ont traversé l'histoire, non sans laisser de traces... de nobles traces.
Où sont donc les bergers d'antan ? Sargon Ier, abandonné par sa mère, est d'abord élevé par un porteur d'eau. Il sera pris en affection par Ishtar qui lui ouvrira les portes de la gloire. De jardinier à échanson, il devint roi. Cette histoire ressemble tellement à celle de Moïse. En effet, selon le récit biblique (livre de l'Exode, chapitre 2), il aurait été déposé au bord du Nil. Et à celle de Pâris dont l'oracle avait prédit à Hécube, sa mère, qu'il entraînerait la destruction de Troie. Si Priam, son père, avait connu l'histoire d'Œdipe, il se serait sans doute méfié de ce plan. Il l'abandonna sur le mont Ida et Pâris fut recueilli par des bergers. Sans oublier Persée : victime des oniromanciens, il est fils de Zeus et de Danaé, petit fils d'Acrisios à qui on avait prophétisé que si sa fille avait un fils, il n'aurait plus qu'à compter ses jours. Acrisios abandonne sa fille et son fils au bord de l'eau où ils furent recueillis par un pêcheur. Encore un !
Remus et Romulus, eux, n'auraient jamais dû naître. En effet, Amulius, l'oncle de la maman des charmants jumeaux, qui a ravi le trône légitime à son frère, avait fait de Rhéa Silvia une vestale, à la virginité intouchable. Mais comme pour Jésus, il a été déposer en elle de divines petites graines, qui ont donné les fameux jumeaux. Amulius apprend la nouvelle et... vous imaginez la suite, ils sont alors laissés sur les bords du Tibre. Heureusement, une petite louve traînait dans le coin. Pour changer, les martyrs seront élevés par un berger et sa femme. Krishna, né au début du quatrième âge, pour échapper au massacre du cruel roi Kamsa, son oncle à qui on avait auguré qu'il serait un jour tué par son neveu, fut abandonné et élevé parmi les bergers. Il jouait de la flûte et son charme séduisit toutes les filles du village. Siegfried est le seul héros mythique, à ma connaissance, à avoir été abandonné dans la forêt par suite de la mort accidentelle de ses deux parents. Il est recueilli par un nain qui venait des profondeurs. Quant à moi, Sémiramis, ce n'est ni un berger, ni une louve, ni un pêcheur, mais des colombes qui m'ont prise pour une des leurs et ont dérobé, pour moi, du lait et du fromage à un berger. En ces temps anciens, on ne pouvait pas faire un pas sans en saluer au moins un. Celui qui m'avait nourri s'appelait Simmas. Il était chef des bergers royaux, et il avait découvert la belle colombe cachée dans un bosquet d'acacias (Sémiramis, Sumaramat en assyrien, voulait dire « celle qui est sortie du milieu des colombes »).

Sur les sentiers perdus de la gloire
Sargon Ier fut le premier roi de la Babylonie, Moise n'est plus à présenter, Paris et Persée ont nourri la mythologie grecque de leurs exploits et aventures, Remus et Romulus ont bâti Rome, Krishna est une divinité centrale de l'hindouisme, Siegfried reste un héros légendaire de la mythologie nordique. Et moi, Sémiramis, je succède pour un règne de 42 ans à mon défunt mari, Omnès, et lui fait ériger un tombeau d'une hauteur de 1 620 mètres. À croire qu'il faut être abandonné pour accomplir de grandes choses. Je suis la fondatrice d'une nouvelle cité qui frappe par son ampleur et ses dimensions : Babylone. Je crée les fameux jardins suspendus. Pour me déplacer d'un palais à l'autre, je conçois un réseau qui me permet de me rendre de l'un à l'autre sans franchir le fleuve. Je construis des remparts de 70 km autour de ma cité. Reine guerrière, trois millions de fantassins et 500 000 cavaliers répondent à mes ordres. J'ai conquis l'Arménie, la Médie, toute l'Asie jusqu'à l'Indus. J'aurais dû suivre le cours de l'histoire et abandonner mon fils qui se révéla être un traître. Je prends la décision de lui remettre le pouvoir et disparaît. La légende prétend que je fus transformée en colombe et emportée au ciel afin d'y être divinisée.

Hésiode a tout compris
L'histoire des pères qui éliminent leurs enfants, car menacés dans leur pouvoir trouve ses origines dans la cosmogonie d'Hésiode quand Ouranos (le ciel), doté d'une puissance sexuelle infatigable et en haine à sa progéniture, la maintient cachée au sein de Gaia (la terre). Sauf que cette fois-ci, c'est Cronos (le fils) qui va émasculer son père pour libérer sa mère et ses frères et sœurs. Toutes les grandes civilisations se sont choisi un héros fondateur qui, rejeté à la naissance par ses parents biologiques, est recueilli par des étrangers avant de s'élever vers un destin d'exception. Sans oublier qu'il y a, en dehors de la mythologie, des abandonnés célèbres comme Jules Vallès, Jules Renard, Arthur Rimbaud et Paul Léautaud. On ne peut hélas qu'avoir une petite pensée pour le Petit Poucet et ses frères, qui retrouveront leur chemin, mais pas celui de la gloire. Du moins pas de leur vivant...

Prochain portrait : Médéa.

Le concert

Lundi 20 février, dans le cadre du Festival al-Bustan, un concert dédié à la légendaire Sémiramis, avec Anna Bonitatibus (mezzo soprano) et Nelson Calzi (piano) accompagnés de l'orchestre du festival. La majeure partie des pièces au programme ont été découvertes, il y a quelques années, par Anna Bonitatibus.

Ma légende a inspiré plus d'un 

• Desfontaines pour sa tragédie La véritable Sémiramis (1647).
• Crébillon père pour sa tragédie homonyme (1717).
• Voltaire pour sa tragédie homonyme (1748).
• Gioachino Rossini pour son opéra Semiramide (1823).
• Bertolt Brecht qui la cite pour une anecdote (dont l'historicité est à vérifier) racontée par Mr Peachum, dans l'Opéra de quat'sous (1928).
• Paul Valéry pour son Air de Sémiramis dans l'album de vers ancien (1920) et pour son mélodrame Sémiramis représenté en 1934, avec musique d'Arthur Honegger.
• Georges Brassens dans la chanson Bécassine (1969).
• Nino Ferrer dans la chanson Semiramis, dans l'album Ex Libris (1982).
• Eugène Ionesco dans son œuvre théâtrale Les chaises met en scène une femme au nom de Sémiramis.
• Guy Rachet pour son roman Sémiramis, reine de Babylone (1997).
• Menoventi dans l'œuvre théâtrale Semiramis (2008).
• Amin Maalouf dans son roman Les désorientés (2012).
• Sémiramis figure parmi les 1 038 femmes référencées dans l'œuvre d'art contemporain The Dinner Party (1979) de Judy Chicago. Son nom y est associé à Hatchepsout2.

Je suis la bâtisseuse, je suis la « dame des batailles », je suis la déesse de la volupté et de l'amour, je prends, selon les légendes, les traits d'Ishtar, mais je suis surtout la « bienveillante » et les rois doivent à mon amour d'être élevés au trône. Je suis Sémiramis.On raconte qu'au XIVe siècle avant J-C ma mère, mi-femme mi-poisson, me mit au monde, puis assassina mon...

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