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La glisse

Donald Trump est, comme on sait, un homme aux idées bien arrêtées. Mais aussi obstiné soit-il, il peut lui arriver aussi d'amorcer des virages, sinon de renverser la vapeur, même si ce n'est pas toujours à bon escient. Je crois qu'il m'aime bien, disait-il il y a peu de Barack Obama, pourtant sa bête noire. Quelques jours plus tard cependant, il se disait victime d'une réédition du scandale du Watergate, accusant son prédécesseur de l'avoir mis sur écoute téléphonique durant sa campagne électorale : allégation aussitôt démentie par le FBI.

Ni tartarinades sur Twitter, cette fois, ni trait de plume appliqué sous l'œil des caméras : bien plus discret aura été le coup de lifting qui vient d'être apporté au très controversé décret anti-immigration. On ne sait trop encore si ces retouches suffiront pour apaiser les contestataires, et à leur tête les juges qui avaient bloqué la première mouture. C'est égal, on ne pourra plus désormais reprocher au maître de la Maison-Blanche, comme on l'a cruellement fait à François Fillon, son obstination.

Certes, Michel Aoun n'est pas Donald Trump. À peine élu, il a même fait preuve d'une sérénité qu'on ne lui connaissait pas durant ses longues années de combat politique. Maintenant qu'il est aux commandes, le chef de l'État serait toutefois bien inspiré de parfaire sa technique du dérapage contrôlé. À petites phrases grands effets : de fait, celle que lâchait récemment au Caire le général-président n'a pas fini de susciter des remous, au niveau tant international que local. Michel Aoun candidat à la première magistrature était absolument libre de voir dans le Hezbollah une force complémentaire, mais non rivale, de l'armée régulière. Michel Aoun président ne l'était plus : d'abord parce qu'il se veut le président de tous les Libanais, et qu'une bonne moitié au moins de ceux-ci réfute cette thèse, ensuite et surtout parce que celle-ci est en contradiction avec son discours d'investiture, lequel faisait une savante impasse sur la question.

Quant aux dégâts, ils ne cessent de faire des petits. Le Premier ministre s'est indirectement désolidarisé de la prise de position présidentielle, qui a visiblement embarrassé, par ailleurs, les alliés chrétiens du Courant patriotique libre. À peine colmatée la brouille libano-saoudite, Riyad manifeste déjà des signes de mécontentement. La coordinatrice du secrétaire général de l'ONU réclame des explications au ministère des AE, et c'est tout juste si elle ne se fait pas poliment éconduire. Et c'est du Palais de Verre de New-York que l'adjoint du même secrétaire général, Jeffrey Feltman, ancien ambassadeur des États-Unis à Beyrouth, nous rappelle la nécessité impérieuse, vitale même, pour le Liban, de se conformer aux résolutions 1559 et 1701 du Conseil de sécurité.

Vitale, le terme n'est en rien exagéré. Il est bon de se souvenir que depuis la guerre arabo-israélienne (1948), l'État libanais n'a jamais eu ne serait-ce que la latitude de se lancer, de sa propre initiative, dans un conflit armé. Ce sont la guérilla palestinienne et bien plus tard la milice pro-iranienne qui lui ont attiré agressions, destructions, invasions, occupations et autres calamités, condamnant l'armée libanaise à d'inégales et fort coûteuses opérations de défense. Au lendemain de chacun de ces désastres, nous frappons à toutes les portes, nous remuons ciel et terre afin que l'ONU retienne le bras de l'ennemi et nous aide ensuite à nous relever ; c'est bien ce qu'elle fait, l'ONU qui, en échange, nous fait obligation de mieux contrôler notre territoire.

Cette contrainte, nous avons tendance à l'oublier, à la contourner, à l'occulter, jouant ainsi au plus fin ; mais de là à la braver de front...

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

 

 

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