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À titre de revanche

La présidentielle française a beau occuper le centre de l'actualité internationale, le plan J ce n'est pas seulement la deuxième chance miraculeusement offerte à Alain Juppé, battu aux primaires de la droite, pour se réinsérer dans la course à l'Élysée. Le plan J, en effet – en France comme ailleurs dans le monde, y compris dans notre propre pays –, c'est aussi la revanche d'une justice se rappelant, cruellement parfois, au bon souvenir des puissants qui avaient cru pouvoir la défier.


- Davantage que les innombrables erreurs tactiques qui, dès le départ, ont jalonné son système de défense, davantage même que les faits qui lui sont reprochés, c'est l'attitude de François Fillon face à ses juges qui lui vaut en ce moment un aussi fracassant chapelet de défections au sein de son état-major électoral. Car c'est à une fausse soumission à la primauté du droit que s'est livré le candidat de la droite : perquisitionné à son domicile, il a certes accepté de répondre à la convocation des enquêteurs ; mais décidé à se battre jusqu'au bout, c'est au verdict du tribunal du peuple qu'il s'en remet, appelant ses électeurs à manifester en masse demain dimanche.


Du coup, c'est dans son propre camp que Fillon se voit reprocher de plomber, par son obstination, une élection qui paraissait imperdable. De retenir en otage de son ambition la droite toute entière, d'entraîner celle-ci dans une équipée suicidaire aux retombées bien plus catastrophiques que l'assassinat politique. Mais surtout de trahir ce même État de droit dont il aspire à devenir le suprême gardien : argument massue dont la relève n'attendait apparemment que l'occasion de le sortir de son fourreau. Alain Juppé, font déjà savoir ses proches, est désormais prêt à reprendre le flambeau, pour peu que le principal intéressé et ses pairs l'y invitent eux-mêmes ; mais la droite aura-t-elle pour autant les moyens – et le temps – de reconstituer son potentiel électoral derrière un nouveau champion ? Est-ce plutôt une voie royale qui s'ouvre pour Emmanuel Macron sur les ruines de l'ère Fillon, comme sur les déboires judiciaires de Marine Le Pen dessaisie de son immunité de parlementaire européenne ? Un fait demeure : c'est bien sous l'impulsion des juges (impartiaux et désintéressés ou pas, tout le débat est là) que cette campagne totalement débridée n'a pas fini de dérouler ses épisodes.


- En Amérique, où Donald Trump a croisé le fer avec les juges hostiles à son décret sur l'immigration, c'est à un singulier remake de l'Arroseur arrosé que l'on assiste. C'est en effet le secrétaire à la Justice en personne, inspirateur de ce litigieux décret, qui se retrouve sur la sellette : cela pour avoir menti aux élus, se rendant ainsi passible de parjure. Récemment auditionné sous serment par le Congrès, Jeff Sessions avait nié avoir eu des contacts avec des officiels russes durant la campagne présidentielle. Il a dû reconnaître toutefois, par la suite, qu'il avait rencontré par deux fois l'ambassadeur du Kremlin mais seulement, a-t-il plaidé, en sa qualité de sénateur. Mieux encore, il vient de se récuser lui-même de l'enquête du FBI sur les ingérences dans la campagne électorale imputées à Moscou ; mais ce n'est pas encore assez pour l'opposition démocrate, et même pour une partie des républicains, qui réclament sa démission. Après le conseiller présidentiel à la Sécurité nationale Michael Flynn, celle-ci ferait donc de lui la deuxième victime de ce qui, pour l'admirateur de Vladimir Poutine qu'est Trump, est en train de tourner à la malédiction russe.


- Last but not least, le Liban paraissait renouer hier même avec une tradition judiciaire qui, en d'autres temps, faisait son orgueil. Emmanchée en novembre dernier trois décennies et demie après la tragédie d'Achrafié, la réouverture du procès des assassins du président élu Bachir Gemayel a débouché ainsi, lors d'une deuxième session, sur la décision de la Cour de justice de juger par contumace le principal suspect, de réactiver le mandat d'arrêt délivré à son encontre et de le déchoir de ses droits civiques. Reste évidemment à mettre la main sur ce dernier qui, traité en héros par les siens, court en liberté à l'ombre de puissantes protections et qui bénéficiait, toujours hier, de choquantes manifestations de soutien aux abords mêmes du Palais de justice. Reste aussi à rouvrir les dossiers empoussiérés relatifs à tant d'autres assassinats politiques qui ont visé présidents, ministres, députés et leaders d'opinion. Mais il n'en demeure pas moins que toute ébauche, même timide, d'un retour à l'État de droit mérite être saluée.
Tout espoir est bon à prendre. À conserver. À cultiver.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

La présidentielle française a beau occuper le centre de l'actualité internationale, le plan J ce n'est pas seulement la deuxième chance miraculeusement offerte à Alain Juppé, battu aux primaires de la droite, pour se réinsérer dans la course à l'Élysée. Le plan J, en effet – en France comme ailleurs dans le monde, y compris dans notre propre pays –, c'est aussi la revanche d'une...