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Lumineux chaos

Nous sommes durs avec nous-mêmes, nous autres Libanais. Toujours prompts à critiquer nos concitoyens, à rabâcher sans distinction les clichés négatifs qui collent à l'image de notre société : les hommes incultes, grossiers, indisciplinés, mafieux, nouveaux riches ; les femmes écervelées, entretenues, obsédées par leur physique et la mode – mais toujours en retard d'une tendance –, formatées au botox et au bistouri, se faisant servir par un personnel exotique et pléthorique, mauvaises avec leurs bonnes, inexistantes pour leurs enfants, lesquels sont forcément mal structurés, trop gâtés...

Certes, ces phénomènes sont réels, mais ils ne dominent pas le paysage au point de représenter un archétype. On se demande parfois d'où nous vient cette propension douloureuse, destructive et stérile à gratter nos plaies jusqu'au sang. Est-ce d'avoir été si longtemps et tant de fois dominés par des entités étrangères, que nous essayons de nous démarquer de nos congénères en adoptant le point de vue du plus puissant ? Une manière de dire « oui, mais je n'en suis pas » ? Est-ce le besoin d'ajouter sans cesse de nouveaux arguments à notre éternelle tentation de partir : « Je ne me sens pas Libanais/Libanaise, je ne fais pas partie de ce peuple-là, je ne suis pas comme ces gens-là » ?

Et si de temps en temps nous retournions cette désolante médaille ? Si nous regardions plutôt sa face cachée? Notre vie n'est pas facile dans un pays qui a encore tout le mal du monde à se stabiliser, qui claudique encore sur des lois archaïques jamais en tête des priorités parlementaires, sans parler des infrastructures obsolètes et de la gestion ubuesque de tout le reste. Soit. Mais à y regarder de près, ces villes chaotiques, ces ruelles crevassées, cette coexistence de tant d'époques, de cultures et de coutumes, ces enchevêtrements de fils électriques, ces canalisations usées, ces citernes, ces bétonneuses, ces bulldozers et camions en tous genres qui bloquent la circulation à toute heure de la journée, ces mendiants venus de nulle part qui harcèlent les automobilistes à tous les carrefours, ce temps perdu, ce stress inutile, tout cela nous forge une identité qui n'est pas sans intérêt. Car ces bruits, ces rumeurs, ces petits riens qui à force nous usent, quand ce n'est pas une brusque flambée de violence ici ou là, donnent naissance, au final, à une génération passionnante.

Ce n'est pas du croisement d'une dose de botox et d'un cigare en bâton de chaise qu'ont surgi les meilleurs créatifs du Moyen-Orient. Jamais le Liban n'a produit autant d'artistes de haut niveau, architectes, designers, stylistes, cinéastes, metteurs en scène, musiciens, publicitaires et autres qu'en ce nouveau millénaire. Certes, Dubaï récupère nos forces vives, mais c'est de ce chaos qu'elles ont émergé. Un monde parfait ne vaut rien pour l'imagination. Le Liban a au moins le mérite, à travers les frustrations qu'il nourrit, de faire rêver d'un monde meilleur. Les rêves qu'il nous dicte sont précis, ils répondent exactement à nos manques. En ce monde de plus en plus désordonné à force de surpeuplement, la vision d'un Libanais ou d'une Libanaise a valeur d'universalité. Avec la matière de leurs rêves, nos enfants composent les baumes contre la tristesse et remplacent la beauté à mesure qu'elle se retire.

Nous sommes durs avec nous-mêmes, nous autres Libanais. Toujours prompts à critiquer nos concitoyens, à rabâcher sans distinction les clichés négatifs qui collent à l'image de notre société : les hommes incultes, grossiers, indisciplinés, mafieux, nouveaux riches ; les femmes écervelées, entretenues, obsédées par leur physique et la mode – mais toujours en retard d'une tendance...

commentaires (11)

Tous mes compliments Fifi Abou Dib pour votre positivité que nous perdons tous hélas ! Le Liban nous envoute mais nous dissémine dans le monde ! Encore Hélas !

Samira Fakhoury

10 h 34, le 03 mars 2017

Tous les commentaires

Commentaires (11)

  • Tous mes compliments Fifi Abou Dib pour votre positivité que nous perdons tous hélas ! Le Liban nous envoute mais nous dissémine dans le monde ! Encore Hélas !

    Samira Fakhoury

    10 h 34, le 03 mars 2017

  • Il reste que 2 choses sont difficiles à effacer : - Le lebanese bashing à l'intérieur - Le lebanese charming à l'extérieur .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 18, le 02 mars 2017

  • Oui,il nous faut beaup de baumes...article vrai objectif cible...pauvre LIBAN....

    Soeur Yvette

    12 h 02, le 02 mars 2017

  • Alors, parlons-rêvons, rêvons-parlons, d’un libanais et d’une libanaise meilleurs, il en restera toujours quelque chose. Le problème est que cette minorité d’artistes et de créateurs n’est malheureusement pas la majorité et ça on ne veut pas l'admettre… on est quand même largement dominé par le règne du croisement d'une dose de botox et d'un cigare en bâton de chaise …

    Nadine Naccache

    10 h 15, le 02 mars 2017

  • Chère Fifi Abou-Dib, votre thèse, on voudrait y croire et croire que vous y croyez mais non le chaos n'engendre pas la force et la créativité. Pendant toutes les années de guerre, le chaos n'a créé que le chaos, la peur et l'attachement au quotidien qu'il fallait défendre contre toutes les menaces qui le guettaient. La génération qui explose aujourd'hui - et quel feu d'artifice - a souvent vécu à l'étranger, dans des environnements propices à la créativité, là où on a le temps de rêver parce que la vie quotidienne n'est pas un champ d'obstacles. Mais vous avez raison d'appeler à la fin du lebanese bashing: les générations futures ont, elles, toutes les raisons d'y croire.

    Marionet

    08 h 20, le 02 mars 2017

  • "Avec la matière de leurs rêves, nos enfants composent les baumes etc." ! Quels "enfants!" ? Ceux Mercenaires contre la Saine Syrie ?!

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 11, le 02 mars 2017

  • "En ce monde de plus en plus désordonné, la vision d'une Libanaiiise ou d'un Libanaihhh a valeur d'universalité." ! Yâ ëéééne ! Et c'est de qui ce "Théorème" ? Pas de Pythagore quand même ?!

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 08, le 02 mars 2017

  • "Le Liban a au moins le mérite, à travers les frustrations qu'il nourrit, de faire rêver d'un monde meilleur." ! Ben, il est alors sûrement Maso....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 06, le 02 mars 2017

  • Jamais le Liban n'a produit autant d'artistes de haut niveau que, certes, Dubaï récupère ; et à l'aise ; ainsi, toutes ces forces vives." ! Oui ! Et donc qu'est-ce qui RESTE ici ? RIEN, Bôôôch, Niente, Nada.... ! Wâlâââoû !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    03 h 59, le 02 mars 2017

  • "Car ces petits riens qui à force nous usent, quand ce n'est pas une brusque flambée de violence ici ou là, donnent naissance, au final, à une génération passionnante." ! "Passionnante" ?! Comme celle de 75-90 ?! Ou plutôt comme celle, Mercenaire en Saine Syrie, since 011 ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    03 h 53, le 02 mars 2017

  • "On se demande parfois d'où nous vient cette propension stérile à gratter nos plaies jusqu'au sang. Est-ce d'avoir été si longtemps et tant de fois dominés par des entités étrangères, que nous essayons de nous démarquer de nos congénères en adoptant le point de vue du plus puissant ?". En effet ! C'est tout à fait cela.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    03 h 48, le 02 mars 2017

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