Le candidat de la droite à l’élection présidentielle française, François Fillon. Christophe Archambault/AFP
L'État de droit. C'est ce qui a longtemps séparé l'Occident du reste du monde. Davantage que le progrès technique, c'est la protection des droits individuels garantis par une justice indépendante et impartiale qui a pu justifier que l'Occident soit présenté comme un modèle universel. L'État de droit n'est rien de moins que le cœur de la démocratie libérale. Lorsqu'il est remis en question, cette dernière vacille. Elle se renie, se dénature, et peut dériver vers une forme de démocratie illibérale, ou d'autoritarisme.
On ne joue pas avec l'État de droit. Encore moins lorsqu'on est un représentant politique. Encore moins lorsqu'on postule à la plus haute fonction de l'État. Rien ne peut le justifier : ni les ambitions politiques ni les soutiens populaires, aussi nombreux soient-ils.
Le discours qu'a tenu hier François Fillon, le candidat de la droite à la présidentielle française, a quelque chose de grave. Remettre en question l'impartialité de la justice lorsqu'on souhaite devenir le gardien de l'indépendance judiciaire est une faute politique. Accuser les juges et les médias, deux garants de l'État de droit, d'avoir fomenté un complot visant à « l'assassiner politiquement » est un mépris des règles les plus élémentaires de la vie démocratique. Opposer le pouvoir des juges à celui du peuple est une dérive populiste et illibérale. Si les juges n'ont pas à gouverner, le peuple n'a pas, de son côté, à rendre la justice.
Politiquement, le député de Paris n'a rien inventé. Au lieu d'avouer ses erreurs ou de donner des arguments pour prouver son innocence, il se pose en victime d'un grand complot médiatico-judiciaire. Nicolas Sarkozy a utilisé la même méthode à de multiples reprises et a probablement dû conseiller son ancien « collaborateur ». Cette stratégie a le mérite de resserrer l'électorat le plus solide autour du candidat et de faire douter une partie des Français qui n'ont aucune confiance dans les médias et / ou dans la justice.
Mais à terme, cette stratégie affaiblit profondément la démocratie. Parce qu'elle laisse à penser que les institutions, dont le président est le garant, ne sont pas fiables. Parce qu'elle laisse à penser que les hommes politiques ne sont pas des justiciables comme les autres. Parce qu'elle neutralise le débat politique en prenant l'élection présidentielle en otage et contribue au dégoût des citoyens envers la classe politique.
(Repère : Que risque maintenant François Fillon ?)
Le discours de François Fillon a quelque chose d'immoral. L'ancien député de la Sarthe avait promis d'incarner la probité politique, en opposition à Nicolas Sarkozy dont il moquait les mises en examen. François Fillon se présentait comme le candidat du courage et de l'honnêteté. Les mots qu'il a prononcés hier ressemblent d'avantage à de la lâcheté et à de la malhonnêteté. Des mots que ne renieraient probablement pas Marine Le Pen ou Donald Trump. Et c'est bien ce qui est le plus inquiétant dans l'affaire Fillon : la droite républicaine est prête à sacrifier le respect de l'État de droit sur l'autel de sa voracité politique.
« Mis en examen, je ne serais pas candidat », déclarait François Fillon il y a encore quelques semaines. « Je ne céderai pas, je ne me rendrai pas, je ne me retirerai pas, j'irai jusqu'au bout », a pourtant martelé hier le candidat après avoir annoncé sa convocation devant les juges, le 15 mars, « afin d'être mis en examen ». Les mots ont un sens. Surtout quand on s'appelle François Fillon.
Interroger le timing de l'affaire est on ne peut plus légitime. Dire que cela souille l'élection présidentielle est on ne peut plus vrai. Mais ce n'est ni la faute des juges ni celles des médias, qui ne font tous les deux que leur travail : à partir du moment où il y a des fuites politiques, aucun des deux ne peut faire comme si elles n'existaient pas.
Le populisme complotiste du député de Paris, qui a dénoncé un climat de « quasi-guerre civile en France », fait penser à la rhétorique employée par les dirigeants autoritaires du monde arabe pour faire taire les mouvements de contestation. Mais dans ce monde arabe, l'État de droit est le plus souvent une chimère, tandis que la guerre civile, elle, est parfois une réalité. Est-ce vers ce modèle que François Fillon souhaite que la France se dirige ?
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commentaires (11)
C'est la Russie qui est une amie de la France et non la France qui est une ennemie du Liban. La position politique qui est celle de M. Fillon n'est pas à même, me semble-t-il, d'incarner un consensus de la droite et du centre. La France est très attachée, je le crois, à l’amitié et au dialogue, et il n'y a pas que M. Geagea qui s'appelle Samir.
Carfagnini Etienne
14 h 35, le 03 mars 2017