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Nos Lecteurs ont la Parole - par Antoine MESSARRA

Dalida, la vie personnelle et la vocation

Le film Dalida retrace l'œuvre exaltante de Dalida et sa vie personnelle mouvementée avec une authenticité qui va au cœur de toute condition humaine véritablement assumée.
S'agit-il de ses amours, au pluriel ? Dalida est habitée, entraînée, emportée par l'amour, la quête de l'amour total. Elle n'est pas, en amour, la personne capricieuse, instable, désengagée et superficielle. Toutes ses chansons baignent dans un océan d'amour.
Mais pourquoi, ainsi comblée, cette mort désespérée et tragique ?

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Il est difficile pour la masse des spectateurs de comprendre le dilemme de Dalida, partagée, scindée, entre la vie personnelle et la vocation.
La vie personnelle, et je dirai plutôt individuelle, aspire à la tranquillité, l'épanouissement de son ego, la femme épouse tranquille, la famille, le foyer, la maternité...
Mais la vocation de Dalida n'est pas là. Dalida est née pour chanter, pour la scène. La scène, c'est exaltant. Le succès, c'est extraordinaire, mais ce n'est pas le moi individuel, intime, personnel.
On peut assumer sa vocation dans le déchirement, en négligeant d'autres impératifs de la vie. Dalida est un exemple suprême, non pas de la dualité entre vocation et vie personnelle, mais de l'impossible et imparfaite conciliation. Il faut beaucoup de temps pour accepter cette imperfection et pour comprendre, enfin, que ma vocation, c'est finalement tout mon être.
Dalida est la chanson d'amour, la scène, le public enthousiaste, la vie pour les autres et non pour l'ego tranquille, serein et apaisé. « Ta vocation, écrit Antoine de Saint-Exupéry, tu la connais à ce qu'elle pèse en toi. »

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Que veut dire moi ? Est-ce qu'une personne vit pour elle, devient et meurt pour elle ? Churchill, passionné de peinture, dit : « Je passerai mon premier million d'années dans l'au-delà à peindre. » Mais Churchill n'est pas né, dans sa naissance terrestre, pour peindre, mais pour gouverner. Il y a bien d'autres peintres hautement plus talentueux que lui et nés pour peindre, pas lui.
Combien, moi-même, je me sens des fois incompris quand des étudiants et des personnes de mon entourage, même le plus proche, croient que je suis passionné par ce que je fais et continue à faire. Combien il me serait bien plus agréable de me consacrer davantage à la famille, labourer la terre (Fortunatos agricola, de Virgile), écouter à longueur de journée Beethoven, Schubert, Jean-Sébastien Bach..., écrire un livre sur Jean-Sébastien Bach, ce que je n'ai pas pu encore faire, lire, digérer et écrire des œuvres de spiritualité... Mais d'autres font cela et le font mieux que moi.
Il en est qui n'écoutent pas l'appel de leur vocation, ou délibérément se sacrifient et se trouvent même contraints de se sacrifier pour un autre impératif. Tel mon père, passionné pour l'étude et contraint de commencer à travailler pour subvenir aux besoins de la famille. Ou la maman qui, peut-être, renonce à ce qu'on appelle carrière, pour être simplement maman. Simplement? Non, il y a aussi la vocation de père et la vocation de mère, quand elles sont pleinement assumées.

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Concilier sa vocation, ce pour quoi je suis né, appelé, et l'ego, ce qu'on appelle épanouissement « personnel », au sens le plus étroit, ce n'est pas possible. C'est le plus souvent un déchirement quotidien. Sauf si, au départ, on considère que chanter, la scène, le public, l'amour à communiquer et à transmettre, c'est vraiment moi. C'est le sens profond de la parole de Jésus : « Celui qui veut sauver sa vie, la perdra. »
Dalida est Dalida, par son chant d'amour, et non l'amour tranquille et serein du foyer chaleureux, féminin, maternel.
Elle en a souffert. Mais c'est ainsi qu'elle a été, qu'elle est Dalida. Le foyer, l'amour maternel, la condition pleinement féminine, la maternité..., elle les vivra désormais, comme Churchill, dans son premier million d'années dans l'au-delà.
Avec : « Laissez-moi chanter, laissez-moi..., la liberté... », Dalida me secoue comme les plus grands artistes et compositeurs de tous les temps. La leçon ? La vocation est à la fois plénitude et privation.

Antoine MESSARRA
Membre du Conseil
constitutionnel
Professeur titulaire de la Chaire Unesco d'étude comparée des religions, de la médiation et du dialogue - Université
Saint-Joseph

Le film Dalida retrace l'œuvre exaltante de Dalida et sa vie personnelle mouvementée avec une authenticité qui va au cœur de toute condition humaine véritablement assumée.S'agit-il de ses amours, au pluriel ? Dalida est habitée, entraînée, emportée par l'amour, la quête de l'amour total. Elle n'est pas, en amour, la personne capricieuse, instable, désengagée et superficielle. Toutes...

commentaires (5)

Heureusement Professeur Antoine Messarra que la privation dont vous parlez est amoindrie par la plénitude du succés professionnel comme votre cas ! Arriver au suicide comme Dalida est exceptionnel !

Samira Fakhoury

16 h 30, le 28 février 2017

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Heureusement Professeur Antoine Messarra que la privation dont vous parlez est amoindrie par la plénitude du succés professionnel comme votre cas ! Arriver au suicide comme Dalida est exceptionnel !

    Samira Fakhoury

    16 h 30, le 28 février 2017

  • Touuut ça, touuut ce beau texte-là.... Pour Dalîdâh ? Wâlâââoû !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 30, le 24 février 2017

  • DALIDA... LA FEMME... L'AMOUR... L'IMMORTALITÉ DANS LA MORT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 34, le 24 février 2017

  • Émouvant témoignage personnel de la part d'un magistrat du Conseil Constitutionnel. La démarche a d'autant plus de valeur qu'elle est inhabituelle chez les grands commis de l'Etat.

    COURBAN Antoine

    07 h 35, le 24 février 2017

  • Quel bel article! Antoine Messara y dévoile pudiquement une part de lui-même et s'en sert pour analyser avec son humanisme habituel la dualité humaine.

    Marionet

    02 h 00, le 24 février 2017

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