Au lendemain de son arrivée au Liban pour une visite de 48 heures, la présidente du Front national et candidate à l'élection présidentielle française, Marine Le Pen, a été reçue lundi au palais de Baabda par le président de la République, Michel Aoun, premier chef d'Etat étranger à recevoir la candidate d'extrême droite qui cherche à gagner en crédibilité à l'international. Les relations entre la France et le Liban, la crise des réfugiés syriens et la lutte contre le fondamentalisme étaient au menu de cet entretien. Mme Le Pen a ensuite été reçue par le Premier ministre Saad Hariri qui a dénoncé "l'amalgame entre islam et terrorisme".
La crise des réfugiés, "lourde pour le Liban"
"Nous avons évoqué l'inquiétude fondamentale que représente le développement du fondamentalisme islamique et des moyens de pouvoir lutter contre lui", a déclaré Mme Le Pen lors d'une conférence de presse à l'issue d'une rencontre de 30 minutes, exprimant la nécessité d'une "coopération entre les pays conscients de ce danger". "Le Liban et la France, qui partagent une histoire commune, doivent être les piliers de la lutte conte le fondamentalisme islamiste", a-t-elle déclaré.
Le chef de l’État libanais et la présidente du FN ont en outre évoqué la crise des réfugiés syriens, "lourde pour le Liban, car elle entraîne des difficultés", selon Mme Le Pen. Cette crise "ne pourra pas durer éternellement compte tenu du poids que représente sur l'économie et le système de santé la prise en charge d'un nombre de réfugiés tout à fait exceptionnel", a-t-elle ajouté.
Le Liban, qui compte quatre millions d'habitants, accueille environ un million de réfugiés syriens et doit faire face aux lourdes conséquences de la guerre qui ravage ce pays voisin depuis le soulèvement de mars 2011 contre le président syrien Bachar el-Assad.
Le parti de Mme Le Pen prône l'arrêt de toute immigration en France et la réduction drastique du nombre de réfugiés admis en France. La veille, Mme Le Pen avait estimé que la communauté internationale devait faire davantage pour maintenir ces réfugiés dans des camps humanitaires au Liban.
Louant "la longue et fructueuse amitié" entre les deux pays, la candidate à l'élection présidentielle a exprimé le souhait de voir les relations entre France et Liban "retrouver une deuxième jeunesse", notamment au travers de la francophonie. "Derrière la langue, il y toute une culture", a-t-elle déclaré.
Inscrivant son action politique dans un "combat pour la liberté et la souveraineté qui fait écho au combat ancestral du Liban pour préserver sa liberté, sa souveraineté, son identité, ses racines, sa spécificité", Marine Le Pen a salué "le parcours très courageux de M. Aoun depuis de très nombreuses années". "Son élection est, à nos yeux, une très bonne nouvelle pour le Liban qui voit s'ouvrir une période de prospérité, de stabilité et de renouveau", a-t-elle conclu.
(Lire aussi : Marine Le Pen à la chasse aux électeurs de droite déçus par Fillon)
Assad, "une solution bien plus rassurante pour la France"
De Baabda, la présidente du FN s'est dirigée vers le Grand Sérail où elle a été reçue par le Premier ministre Saad Hariri. S'exprimant devant la presse à l'issue de la rencontre avec M. Hariri, Mme Le Pen s'est à nouveau "réjouie" de rencontrer un responsable étranger en exercice avec lequel il y a "bien entendu des analyses communes" sur la crise syrienne, "notamment sur la nécessité absolue de pouvoir mettre autour de la table l'ensemble des nations qui veulent lutter contre le fondamentalisme islamiste et Daech (acronyme arabe de l'Etat islamique)".
"Sur un certain nombre de points nous avons des divergences, ça n'étonnera personne, qui sont liées aussi peut-être à la situation géographique de nos deux pays", a-t-elle convenu.
"J'ai exprimé l'analyse qui est la mienne: en l'état il m'apparaissait n'y avoir aucune solution viable et plausible en dehors de ce choix binaire qui est Bachar el-Assad d'un côté, l'Etat islamique (EI) de l'autre". Le premier constitue "une solution bien plus rassurante pour la France" que le second, a-t-elle dit, en vantant sa "politique réaliste".
"Chacun défend, c'est naturel, nous sommes deux patriotes, l'intérêt de son pays", a relativisé la fille de Jean-Marie Le Pen.
M. Hariri est nettement hostile au régime syrien, soutenu par le FN: il accuse Damas d'être impliqué dans l'assassinat en 2005 de son père Rafic Hariri et soutient le mouvement de révolte contre Bachar el-Assad.
A l'issue de sa rencontre avec Mme Le Pen, le Premier ministre a publié un communiqué dans lequel il met en garde contre tout "amalgame entre islam et terrorisme". "Les musulmans sont les premières victimes du terrorisme se réclamant de la religion, alors qu'il n'en a aucune, et que les modérés qui constituent l'écrasante majorité des musulmans dans le monde sont la cible première du terrorisme prétendu musulman car en ils sont en fait le premier rempart contre l'extrémisme", peut-on lire dans le texte.
"Les Libanais et les Arabes, comme la majorité du monde, considèrent que la France est la patrie des droits de l'Homme et de l'Etat républicain qui ne fait aucune distinction ethnique, religieuse ou de classe entre ses citoyens", a ajouté M. Hariri, qui a également évoqué la question des réfugiés syriens, appelant la communauté internationale à assumer ses responsabilités.
Mme Le Pen a par la suite eu un entretien avec le chef de la diplomatie libanaise, Gebran Bassil. Le meilleur moyen de protéger les chrétiens d'Orient, c'est d'éliminer l'extrémisme islamiste dont la France a été la victime et qui représente un danger mortel, a-t-elle déclaré à l'issue de la réunion. Il faut œuvrer pour que les chrétiens d'Orient restent chez eux, a-t-elle ajouté.
Marine Le Pen reçue par Gebran Bassil. REUTERS/Mohamed Azakir
La présidente du FN s'est ensuite rendue au siège du Parlement libanais. Au salon des ambassadeurs de l'hémicycle, Mme Le Pen s'est entretenue avec les députés Michel Moussa, membre du bloc parlementaire dirigé par le président de la Chambre Nabih Berry, Atef Majdalani, membre du bloc du Futur, Fouad Saad, membre du bloc dirigé par le leader druze Walid Joumblatt, et Alain Aoun, membre du bloc du Changement et de la réforme.
Mme Le Pen a clôturé sa première journée par une réunion avec le chef des Kataëb, Samy Gemayel.
Accompagnée par le député Gilbert Collard, elle avait déposé dans la matinée une gerbe à la résidence de l'ambassadeur de France au Liban au pied de la stèle en l'honneur des soldats morts pour la France au Liban depuis 1975, et particulièrement les 58 militaires tués dans l'attentat visant le poste Drakkar en 1983, en pleine guerre civile. L'ambassadeur français, Emmanuel Bonne, était absent.
Mardi, Mme Le Pen doit rencontrer le mufti de la République, Abdel Latif Deriane, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, et Samir Geagea, chef des Forces libanaises (droite chrétienne).
Le Liban est devenu un lieu de passage familier pour les candidats à la présidentielle française, soucieux de peaufiner leur stature internationale, à l'image d'Emmanuel Macron qui a précédé Marine Le Pen à la fin du mois de janvier. L'ancien ministre français de l’Économie avait eu le droit à des entretiens avec Michel Aoun et Saad Hariri, tous deux arrivés au pouvoir en octobre-novembre.
Depuis son arrivée à la tête du Front national en 2011, Marine Le Pen n'a rencontré que très peu de dirigeants étrangers en exercice.
Systématiquement donnée en tête du premier tour de la présidentielle, avec environ un quart des intentions de vote, l'eurodéputée est presque toujours donnée battue au second tour dans les sondages, quel que soit son adversaire.
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commentaires (13)
Mettre en garde les prêcheurs de discours haineux serait bien plus productif pour éviter les amalgames. Il faut faire le ménage chez soi avant de donner des leçons Mr.
Khalil S.
07 h 46, le 21 février 2017