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Wabi Sabi

Ne pas remplacer. Accepter que les choses s'abîment et se cassent, vivent leur vie de choses et leur usure, les sublimer un jour en leur offrant, pour cicatriser bord à bord un pansement à base de poudre d'or. Les Japonais appellent ce procédé Wabi Sabi, la beauté de l'imperfection. Rien n'équivaut en poésie à la délicatesse de cette céramique fêlée ou brisée, traversée de lignes dorées aléatoires, pareilles au tracé d'un destin qui se lirait à rebours. Par moments, c'est à cela que le Liban ressemble : une coupe tombée de la main d'un ange maladroit, réduite à une myriade de morceaux épars et recollée à grand-peine, mais avec tant d'espoir et d'amour que le grossier emplâtre passerait pour de l'or. Ce Liban-là, qui file en rigoles lumineuses à travers ses blessures, est l'unique et irremplaçable patrie de toute une génération qui a fait le choix courageux d'y vivre, d'y trouver son bonheur et d'y prendre son tour de garde là où les vétérans l'ont abandonné.
Ceux-là savent que le système vaut ce qu'il vaut et qu'au fond, notre singulière Constitution, même basée sur la répartition confessionnelle, n'est pas pire qu'une autre. Le mal vient des personnes qui l'adaptent à la mesure de leurs intérêts. Dans notre contexte particulier, elle joue tant bien que mal son rôle en garantissant l'équilibre communautaire. Mais il reste tant à faire pour assurer l'égalité de tous devant la loi ; pour barrer la voie au racisme et au repli identitaire engendrés par l'ignorance et exploités par des leaders malveillants ; pour assurer la représentation des femmes, scandaleusement foulée au pied dans un pays qui se prétend libéral ; pour dénoncer et si possible contrer les marchés et marchandages mafieux qui minent nos infrastructures et nos ressources... bref, pour nettoyer les écuries d'Augias ou, au choix, remplir sans fin le tonneau percé des Danaïdes en poussant de l'autre main le rocher de Sisyphe.
Voilà longtemps que n'avait pas émergé dans notre histoire et dans notre société une jeunesse libérée de l'étau des clans et des chefferies étroites. Ils sont bien plus nombreux qu'on ne veut le croire, ceux et celles qui aujourd'hui ne s'en laissent plus compter, ne sont plus prêts à subir les abus de la classe politique, ni à laisser bafouer leur intelligence. Ils représentent une force aussi discrète que considérable. Face à la stratégie de l'usure et du fait accompli traditionnellement adoptée par nos gouvernants, ils pratiquent la politique des petits pas déterminés et des fourmis qui font corps face à l'adversité. C'est à leur vigilance, quel que soit leur statut, que nous devons des changements en apparence anodins, mais combien profonds dans nos indécrottables traditions. Un juge qui dépénalise l'homosexualité, il en était temps, bien sûr, mais quelle révolution ! Idem pour l'amendement récent de la loi qui absolvait quasiment le violeur s'il épousait sa victime, et ces jugements qui enfin se résignent à un peu plus de dureté dans les cas de violences familiales, notamment avec les hommes qui brutalisent leurs compagnes.
Un mince filet d'or pour faire tenir cette pièce fêlée. Quand on le perçoit, on ne voit plus autre chose. On ne voit plus que la lumière, beauté de cette imperfection.

Ne pas remplacer. Accepter que les choses s'abîment et se cassent, vivent leur vie de choses et leur usure, les sublimer un jour en leur offrant, pour cicatriser bord à bord un pansement à base de poudre d'or. Les Japonais appellent ce procédé Wabi Sabi, la beauté de l'imperfection. Rien n'équivaut en poésie à la délicatesse de cette céramique fêlée ou brisée, traversée de lignes...

commentaires (4)

Sans oublier Raymond EDDE le N'ddîîîf et.... Zaké NASSIF, le N'ddîîîf aussi. Yâ harâââm yâ Lébnéééne, yâ Baladî Habîbî !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

17 h 05, le 16 février 2017

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Commentaires (4)

  • Sans oublier Raymond EDDE le N'ddîîîf et.... Zaké NASSIF, le N'ddîîîf aussi. Yâ harâââm yâ Lébnéééne, yâ Baladî Habîbî !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    17 h 05, le 16 février 2017

  • DU MENU COMME ACHEVEMENTS... LA GROTTE DE SEMSOM GROUILLE ENCORE D,ALI BABAS AU PLURIEL ET DE LEURS SECONDS VOLEURS... IL Y MANQUE TOUJOURS L,HERCULE QUI NETTOYERA LES CRAPULES DES ETABLES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 41, le 16 février 2017

  • Malgré ce brin d’optimisme pour un juge qui dépénalise l'homosexualité ou le violeur s'il épousait sa victime,le sabi gagne toujours du terrain ou ce goût pour les choses vieillies, pour la salissure au nom de la confession et de la tribu . Triste .

    Antoine Sabbagha

    10 h 04, le 16 février 2017

  • Yâ harâââm yâ Séttt FîFî ! Quel bon cœur ! Comme Nadine Labaké.... Ce "pays" ne les mérite pas, malheureusement.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    02 h 02, le 16 février 2017

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