L'organisation Human Rights Watch a accusé le Pakistan de rapatrier massivement les réfugiés afghans par la force et la menace, et dénoncé la "complicité" de l'agence de l'Onu pour les réfugiés dans ce processus, dans un rapport publié lundi à Kaboul.
Au cours du deuxième semestre 2016, près de 600.000 Afghans installés parfois depuis des décennies au Pakistan ont regagné leur pays toujours dévasté par les combats, qui ont poussé plus d'un demi-million de civils à fuir leur foyer en 2016.
Human Rights Watch considère qu'en doublant l'allocation offerte aux rapatriés du Pakistan, passée de 200 à 400 dollars par personne en juin 2016, le Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) "a de fait promu le rapatriement des Afghans", se rendant "complice des violations" de leurs droits.
"Le Haut Commissariat (de l'Onu) est resté silencieux face à ces refoulements à grande échelle, sans dénoncer une seule fois le fait que beaucoup de ces rapatriés fuyaient d'abord les abus de la police (...) ni dénoncer l'attitude du Pakistan, contraire au droit international", insiste HRW dans ce rapport intitulé "Coercition du Pakistan, Complicité de l'Onu: les expulsions massives de réfugiés Afghans". "A la place, l'agence (de l'Onu) a en public évoqué des 'rapatriements volontaires assistés'" poursuit l'organisation de défense des droits humains basée à New York.
Les responsables du HCR au Pakistan ont rejeté ces accusations, estimant que "divers facteurs" avaient encouragé ces retours massifs, y compris les "appels à rentrer du gouvernement afghan". "Le HCR n'a cessé d'informer les Afghans de leurs droits, intervenant dans les cas irréguliers", affirme-t-il dans un communiqué.
(Lire aussi : Déplacement et rapatriements submergent l'Afghanistan)
Spirale de violence
Le gouvernement pakistanais n'a pas réagi à ce rapport. Pays hôte depuis quatre décennies, le Pakistan a repoussé à maintes reprises leur date limite de retour -- actuellement fixée à décembre 2017.
Parmi les rapatriés, figurent 365.000 personnes dûment enregistrées comme réfugiées auprès de l'Onu: pour HRW "il s'agit du rapatriement forcé le plus massif observé dans le monde au cours des dernières années".
200.000 réfugiés clandestins sont également rentrés, mais ces derniers ne relèvent théoriquement par du HCR.
"Ces personnes doivent maintenant faire face en Afghanistan à une spirale de violence", dans un pays en proie au conflit, à l'insécurité et à la pauvreté où elles risquent de subir de nouveaux déplacements. HRW cite le témoignage d'un jeune homme de 26 ans, rentré à Kaboul avec sa femme et deux enfants: "En juillet, 11 soldats et policiers sont venus chez moi à 3 heures du matin. Ils (...) ont jeté toutes nos affaires par terre (...) Puis ils ont volé tout notre argent et nous ont ordonné de quitter le Pakistan".
L'AFP a également recueilli des récits de rapatriés mis à la porte de leur logement ou de leur travail, dont les comptes bancaires ont été clos (et vidés), ou les écoles de leurs enfants fermées.
Début novembre 2016, rappelle HRW, l'agence de l'Onu a suspendu ses versements en arguant de difficultés de trésorerie, mais annoncé qu'elle prévoyait de les reprendre le 1er mars. "Malgré la dimension humanitaire d'un tel soutien, le HCR se rendrait à nouveau complice de cette politique de refoulement" insiste HRW. HRW estime qu'il revient aux "bailleurs de fonds internationaux d'intervenir pour exhorter le gouvernement et l'Onu à protéger les réfugiés afghans qui se trouvent toujours au Pakistan".
Il y avait près de 2,5 millions de réfugiés afghans, enregistrés ou non, selon les derniers chiffres publiés l'an passé, ce qui en faisait le troisième plus grand pays hôte de réfugiés selon le HCR.
Pour mémoire
Pour les réfugiés afghans forcés au retour, une idée fixe : "repartir"