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Lifestyle - Beyrouth insight

Rony Seikaly, star du rebond

Basketteur star qui a hissé le Liban à la NBA, Rony Seikaly s'est refait une gloire en DJ qui tourne en toupie enthousiaste dans les clubs prestigieux du globe. Aujourd'hui, il aborde cette seconde vie avec sérénité et prône passion et persévérance comme motos et moteurs.

Le virage d’un athlète. Photo DR

Vers la fin de la guerre civile, le Liban a du vague à l'âme. Étripée de tout ce qui l'anime, la patrie a besoin de blottir ses mélancolies entre les rotondités popeyesques d'un bon géant rassurant. Plutôt enchanté que cette époque ait (entre autres) choisi un basketteur pour se réinjecter d'espoir, Rony Seikaly a donc endossé, par-dessus son maillot numéro 4 du Miami Heat, une autre panoplie. En devenant le premier Libanais à intégrer la NBA, le gaillard de 2m10 s'est découvert titan au sourire Hollywood consolant un pays tristounet. Il s'est retrouvé parmi l'un des emblèmes d'une vague d'émigration qui avait fait que Liban rimerait désormais avec autre chose que bombardement. Ensuite, il a prouvé qu'il y a des épanouissements tardifs qui valent toutes les précocités en se réinventant DJ à la retraite. Comment est née cette fable ? Performances sportives ou flair affûté ?

 

« Ce n'est pas ma taille... »
Il y a d'abord un physique qu'on ne peut s'empêcher de scruter. Sous nos yeux, ce ne sont pas des pieds, mais des palmes. On suspecte un 50. Quant aux mains, elles provoquent un courant d'air lorsque leur propriétaire met en marche son débit essoufflé à vouloir ratisser le moindre détail sur son passage. Et si ce corps-bolide, étrangement tendre et « qui débordait déjà de ma poussette d'enfant ! », est avantageux sur le papier, il est loin d'être ce qui a prédestiné le Libanais à sa carrière de basketteur.
Sa musculature taillée au couteau, ses mesures démesurées et les autres poncifs qui barbotent dans le sillage des sportifs pouvaient aussi laisser envisager que le jeune homme aurait une longueur d'avance sur ses adversaires. Erreur.
Rony Seikaly l'explique ainsi : « Contrairement aux idées préconçues, ce n'est pas ma taille qui m'a poussé vers le basketball. D'ailleurs, à la base, j'ai voulu être tennisman professionnel, mais je n'étais pas doué. Lorsque je me suis mis au basket, j'ai réalisé que je progressais bien plus vite que les autres. J'ai commencé à développer une addiction et une passion qu'un grand joueur grec avait flairées à l'époque. Il m'a proposé de me prendre sous son aile, je n'avais que 14 ans. » Et de poursuivre, en s'excusant presque de passer pour un moralisateur : « Dans le sport, et dans cette discipline en particulier, le talent et le travail forcené sont essentiels. Mais la clef d'une réussite est le mental, aucune relâche n'est autorisée », surtout dans ce monde aux crocs saillants où l'on ne se ménage pas, même au sein de sa propre équipe, « notamment lorsqu'on n'est pas américain et qu'on débarque fraîchement aux États-Unis... ».

 

Date de péremption
Chez le basketteur libanais, c'est donc la matière grise qui anime le corps et pas l'inverse. À l'époque, ses pérégrinations vers le panier, ses voyages hors de sa surface, ses performances assez exceptionnelles valaient passeport vers le rêve pour une génération de maillots acryliques numéro 4 qui fleurissaient dans les cours de récré libanaises. Se soumettant à une discipline de soldat, « l'adversité devient un carburant », confie-t-il, soustrayant son existence de la vie réelle, « je suis passé à côté de tellement de choses », ajoute-t-il, il a « tout donné, jusqu'à se sentir vidé » chez les Miami Heat, Golden State Warriors, Orlando Magic, New Jersey Nets et finalement au FC Barcelone, devenant l'un des meilleurs joueurs internationaux de sa génération.

Sauf que se projetant déjà sur la trajectoire de sa seconde vie, Rony Seikaly admet : « Autant j'ai pu être passionné et fou de basket, j'ai toujours eu un œil sur le ballon et un œil sur l'après. J'étais conscient que j'avais une date de péremption. » Après avoir connu l'implication sans limite et ce plaisir aigre-doux qui l'a raclé jusqu'à l'os, lui est venu ce besoin de « se recycler et se reposer ».

 

Sirius XM
Rony Seikaly se félicite de n'avoir fait qu'à sa tête, d'avoir dérouté son monde qui n'en revient pas qu'il ait quitté le basket, où il serrait sans cesse la ceinture de sa discipline, pour la musique où il baigne dans un monde « nocturne, aléatoire, pas vraiment organisé et pas toujours très sain ». Pourtant, le Libanais envisage cela comme un retour aux sources plutôt qu'une élucubration postretraite. Preuve à l'appui : « À 14 ans, j'avais construit un studio dans le garage de mes parents en Grèce. Depuis, même au cours de mes années de basketteur, la musique ne m'a jamais quitté. » Il rajoute : « Poussé par de grands DJ, je me suis mis à jouer dans des clubs où ma musique n'a pas plu à tout le monde. Habitué aux scores, aux critères précis, je n'étais pas familiarisé avec cette manière aléatoire de juger une performance. Au lieu de me décourager, cela m'a donné des ailes. »

Fort de cet appétit pour les défis, les investissements de Rony Seikaly dans la musique et dans le sport restent de la même eau. En quasi stakhanoviste de la musique, il écoute près de 3 000 titres le mois, produit ses morceaux, enchaîne des sets au kilomètre dans le cadre de tournées qui électrisent les clubs de Los Angeles à Miami, en passant par Ibiza, Dubaï ou même Beyrouth où il a joué au Garten samedi dernier. En faisant ainsi virevolter le globe du bout du doigt, comme il le faisait avec son ballon, Rony Seikaly revendique avoir créé son propre son et sa propre audience, « contrairement aux DJ commerciaux qui sont plutôt des juke-box », jusqu'à avoir sa propre émission radio Sirius XM, au cours de laquelle il compile près de 30 titres à chaque fois.

Aujourd'hui, rien ne garantit que ce curieux de tout, qui se considère chanceux d'avoir réalisé ses deux rêves de gamin, ne gambergera pas vers d'autres itinéraires. En attendant, il veut profiter, et surtout découvrir ces petits bonheurs qui peuvent sembler insignifiants. Surtout celui « d'être chez moi, à la maison. Ce n'est que maintenant que je goûte à cela... ».

 

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