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Actualités - REPORTAGE

Rony Seikaly à l'Orient Le Jour : il faut déconfessionnaliser le basket libanais (photo)

A Toronto, Nemer Habib correspondant de 5 Majeur (presse sportive internationale publiée en France) a pu rencontrer pour «L’Orient-Le Jour» le célèbre libanais de la NBA, Rony Seikaly qui joue au sein de l’équipe d’Orlando Magic qualifiée pour les play-offs qui débuteront aujourd’hui aux Etats-Unis. Au cours de cette interview exclusive, Rony a parlé de sa carrière internationale entamée au Panathinaïkos d’Athènes ainsi que du basket libanais.
Q. — Rony Seikaly, vous êtes le seul Libanais dérigine, au sein NBA. Quelles relations entretenez-vous avec la mère-patrie?
R. — J’y retourne tous les étés. Mes parents, ma famille vivent là-bas, alors dès que la saison de basket est terminée, j’y vais pour y passer quelques temps.
Q. — Au début de votre carrière on parlait plus de vos rapports avec la Grèce que de vos origines libanaises...
R. — Je suis né au Liban. Mes deux parents sont libanais et je suis libanais, même si aujourd’hui j’ai la double nationalité (libanaise et américaine). La Grèce est devenue un refuge pour ma famille et pour moi vers 1976, en raison de la guerre. Mais beaucoup d’entre nous, Libanais, ont dû chercher abri quelque part à cause des événements, en tout cas ceux qui pouvaient se le permettre, qui avaient quelque part où aller. Ma famille est revenue au Liban en 1990, à la fin de la guerre. Mais moi, j’avais déjà quitté la Grèce pour les Etats-Unis en 1984.
Q. — Et comment les coaches de l’Université de Syracuse vous ont-ils découvert?
C’est moi qui les ai trouvés! J’étais parti rejoindre ma sœur qui suivait des études là-bas, pendant l’été 1984. J’ai décidé de participer au camp de basket organisé par l’Université pour repérer les talents.
Q. — Vous n’aviez jamais joué au basket auparavant?
R. — Si, en Grèce. J’ai joué pendant deux ans au Panathinaïkos d’Athènes. Mais comme je n’étais pas Grec, je ne faisais que m’entraîner et jouer les matches-exhibitions avec eux. Je savais déjà que je voulais aller aux Etats-Unis. Alors pendant ce «Summer Camp» à Syracuse, le coach de l’Université m’a remarqué et il m’a dit: «Je ne sais pas qui tu es, je ne sais pas d’où tu viens, mais je sais une chose, c’est que je veux que tu viennes jouer pour nous les saisons prochaines. Je t’offre une bourse d’études du programme basket pendant les quatre prochains années» alors j’ai sauté sur l’occasion.
Q. — Depuis, vous êtes une valeur sûre de la NBA: six ans à Miami, deux à Golden State, et aujourd’hui Orlando.
R. — Oui, mais je ne compte pas les années à Golden State. C’étaient les pires années de ma vie. Les relations humaines, sur les parquets, comme hors de ceux-ci, étaient devenues exécrables. Alors quand j’ai appris que Shaquille O’Neal quittait Orlando, j’ai tout fait pour retourner en Floride.
Q. — Quitte, même, à renoncer à un contrat plus lucratif?
R. — Absolument. De toute façon je ne joue pas pour gagner de l’argent en priorité. Je joue parce que j’aime ça. Aujourd’hui je me retrouve dans une position idéale, avec un défi à relever, des coéquipiers talentueux et un environnement qui te donne envie de te défoncer. Je ne peux pas être plus heureux en ce moment.
Q. — Une des raisons de votre réussite est bien évidemment votre taille. 2m10, c’est très grand, et ce n’est pas très courant au Liban.
R. — Il y a quand même beaucoup de gens de grande taille au Liban. Moi, c’est du côté de ma mère qu’on est très grand. Mais la jeune génération est de plus en plus grande au Liban, et je pense qu’on aura très bientôt de très bons gabarits pour nos équipes de basket.
Q. — Croyez-vous que le potentiel existe pour une bonne équipe nationale au Liban?
R. — Bien sûr!
Q. — Seriez-vous prêt à y participer?
R. — Franchement, je ne sais pas encore. On me l’a déjà demandé, et j’ai répondu que dans l’état actuel des choses, la réponse était non.
Q. — Qu’entendez-vous par «l’état actuel des choses»?
R. — Je veux dire par là que le milieu n’est pas encore très «propre». Je m’explique: aujourd’hui encore, la sélection des joueurs ne s’opére pas en base de leurs mérites individuels ou dans la perspective de rassembler les meilleurs joueurs pour faire la meilleure équipe possible; elle s’opère plutôt en fonction de leurs appartenances confessionnelles, ou même politiques, ou alors parce qu’il connaissent un tel ou un tel. Alors je jouerai peut-être un jour, mais pas avant que ces comportements n’aient cessé. C’est apparemment la sectorisation qui a détruit notre pays pendant toutes les années de guerre, et c’est malheureux. Vous savez quand on se trouve hors du pays, on ne se soucie guère de la confession ou de la couleur politique des amis qu’on fréquente. Quand on retourne au Liban, on remarque très vite la différence.
Q. — Même aujourd’hui?
R. — Oh oui! Dès que tu arrives au pays, tu remarques tout de suite qu’il est vraiment important de savoir de quelle religion est l’autre. La quasi-totalité des relations humaines est basée sur ce concept, et c’est ça qui est dommage. Mais tu sais aussi que lorsqu’on se trouve en plein milieu d’une guerre, il est presque impossible de bien analyser la situation.
Moi, je me permets de dire cela car j’ai eu la chance de pouvoir prendre du recul, et de pouvoir voir la situation sans les œillères que la guerre t’oblige à porter.
Je crois pourtant qu’aujourd’hui tout le monde doit être en mesure de prendre conscience de la stupidité de ce concept.
Q. — Pensez-vous que cela arrivera un jour?
R. — Je ne sais pas. Mais à mon humble niveau, j’ai fait passer le message aux gens de la fédération. Le basket ne doit pas être basé sur des croyances politiques ou religieuses, et tant que cela sera le cas, je ne jouerai pas pour l’équipe nationale.
Car en fait, le sport est à l’image de la vie, une école de savoir-vivre et de sportivité, et c’est cela qui doit prévaloir aujourd’hui au Liban.

(Propos recueillis à Toronto, pour
«L’Orient-Le Jour»,
par Nemer HABIB)
A Toronto, Nemer Habib correspondant de 5 Majeur (presse sportive internationale publiée en France) a pu rencontrer pour «L’Orient-Le Jour» le célèbre libanais de la NBA, Rony Seikaly qui joue au sein de l’équipe d’Orlando Magic qualifiée pour les play-offs qui débuteront aujourd’hui aux Etats-Unis. Au cours de cette interview exclusive, Rony a parlé de sa carrière...