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Liban - Salubrité publique

Effondrement de bâtiments : qui est responsable des indemnisations ?

Plusieurs bâtiments menaçant de s'effondrer ont été évacués ces derniers mois. Le système d'assurance existant est cependant insuffisant pour assurer une compensation automatique aux victimes.

Lundi, un bâtiment résidentiel a été évacué par les Forces de sécurité intérieure dans le quartier du Musée, à Beyrouth, en raison du risque de son effondrement. Datant de 1945, ce bâtiment présentait de larges fissures qui avaient commencé à apparaître sur sa façade. Début décembre, un autre bâtiment du quartier de Mousseitbé qui abritait une vingtaine de familles avait été évacué pour la même raison. Le lendemain, le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, annonçait sur Twitter approuver le versement d'une aide de 3 600 dollars pour la vingtaine de familles vivant dans cet immeuble. Plusieurs cas d'effondrements d'immeubles, partiels ou complets, ont eu lieu à travers le Liban ces deux dernières années. En 2012, une trentaine de personnes sont mortes suite à l'effondrement d'un immeuble résidentiel à Fassouh, à Achrafieh.

En théorie, l'État n'aurait pas à intervenir afin d'indemniser les victimes. Dans le cas d'un effondrement, il est prévu que la municipalité ordonne une enquête indépendante afin de déterminer les responsabilités, indique à L'Orient-Le Jour Khaled Chéhab, président de l'ordre des ingénieurs. D'après le Code de la construction, le propriétaire peut être tenu pour responsable des dégâts d'infrastructure en cas de mauvais entretien. L'ingénieur peut aussi être considéré comme coupable si le bâtiment subit des dégâts dans les 5 ans suivant sa construction à cause d'un défaut de conception.

Dans le cas de l'effondrement de l'immeuble de Fassouh, seuls les propriétaires avaient été condamnés à payer 1,9 milliard de livres libanaises (1,2 million de dollars) aux victimes et à deux ans d'emprisonnement. À l'époque, le syndicat des propriétaires d'appartements de location avait déclaré que les propriétaires étaient « victimes » de la loi sur les loyers anciens, qui permet aux locataires de louer à des prix bien en dessous de ceux du marché actuel. Selon le syndicat, les propriétaires étaient privés de loyers « justes », tout en ayant l'obligation « d'assumer la charge complète des travaux » d'entretien des propriétés. Comme l'explique un article du Commerce du Levant de mai 2014, cette loi encadrait les loyers depuis 1938, avant qu'une nouvelle loi entrée en vigueur en décembre 2014 les libéralise progressivement. Depuis, représentants de propriétaires et de locataires s'écharpent via communiqués interposés sur l'application de cette loi. Mais d'après Roland Marie, directeur général du bureau de contrôle construction Socotec Liban, filiale du groupe français Socotec, l'encadrement des loyers explique en partie seulement le mauvais état de certains bâtiments anciens. La guerre civile a également endommagé de nombreux bâtiments qui n'ont pas été réparés par la suite.

 

(Pour mémoire : Un immeuble qui risque de s'effondrer évacué à Beyrouth)

 

Contrôle technique obligatoire
Certains bâtiments construits depuis 2012 bénéficient cependant d'un filet de sécurité supplémentaire dans le cas d'un effondrement. « Le décret n° 7 964 publié en avril 2012 a rendu le contrôle technique obligatoire lors de la construction, ce qui implique que les bureaux de contrôle technique peuvent également être tenus pour responsables dans le cas d'une dégradation », indique Roland Marie. Le décret fonctionne par phases : entre le 6 décembre 2012 et le 6 décembre 2014, seuls les bâtiments résidentiels de plus de 40 mètres étaient concernés. Entre 2014 et 2016, la hauteur du bâtiment à contrôler était de seulement 30 mètres, et à partir de décembre 2016, elle s'établit à 20 mètres. Selon Roland Marie, cela implique qu'à terme, « 50 % des nouveaux bâtiments dans le Grand Beyrouth seront soumis au contrôle technique ». Les bâtiments anciens sont également assujettis au contrôle technique, dans le cas où des travaux d'agrandissement ont été effectués après 2012. Aujourd'hui, il existe 6 bureaux de contrôle agréés au Liban, d'après le directeur de Socotec, qui facturent entre 0,3 % et 1,2 % du montant total des travaux. Les bâtiments plus petits ne sont pas concernés, car les risques sont considérés comme moindres. À ce jour, aucun bureau de contrôle n'a encore été désigné comme responsable d'un dégât immobilier, précise Roland Marie.

Reste une pierre d'achoppement : l'assurance. Aujourd'hui, les bâtiments ne sont pas assurés – les indemnités sont entièrement à la charge de la personne jugée responsable des dégâts. « Il n'existe pas d'assurance du tout. Dans la loi, seul le Haut-Comité de secours peut intervenir pour aider les victimes » si la personne responsable n'a pas les ressources financières pour les défrayer, explique Nassib Nasr, directeur régional d'Apave international, entreprise française qui offre des services de contrôle technique dans le bâtiment au Liban et au Moyen-Orient. Afin de remédier à cette situation, les professionnels du secteur préparent un décret qui obligerait les propriétaires à souscrire à une assurance de dix ans. Ils seraient ainsi dédommagés en cas d'effondrement partiel ou total de l'immeuble. Ce type d'assurance avait déjà été intégré à un décret concernant la sécurité dans la construction en 2005, mais non appliqué, car l'Association des compagnies d'assurances au Liban souhaite que le prix de l'assurance concernant le risque sismique puisse varier chaque année et ne soit pas fixé à l'avance sur une décennie. Le remboursement des familles se ferait ainsi via cette assurance, ce qui rendrait une intervention exceptionnelle de l'État caduque.

 

 

Pour mémoire

Les propriétaires condamnés à deux ans de prison et à 2 milliards de livres d'indemnités

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