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Liban - Éclairage

Au Liban, le décret de Trump est vu comme un cadeau en or « à tous les extrémistes »

Deux personnalités religieuses éminentes, l'une chrétienne, l'autre musulmane, interrogées par « L'Orient-Le Jour », ont critiqué la nouvelle approche américaine en matière d'immigration.

La statue de la Liberté se couvant le visage de honte, une photo qui circulait hier sur les réseaux sociaux.

Inspiré par la peur présumée d'un terrorisme potentiel en terre américaine, le décret sur l'immigration du président des États-Unis, Donald Trump, a fini par glacer le monde entier, y compris près de 60 % d'Américains, qui l'ont contesté au cours du week-end dernier. Cette décision choc foule au pied toute la tradition de melting-pot, de tolérance et d'ouverture à l'origine même de l'exception américaine. Et en cherchant à « protéger », comme il dit, les États-Unis, M. Trump a ainsi pris le risque de générer l'effet contraire de ce qu'il souhaitait et de s'attirer les foudres des éléments radicaux qui n'attendaient qu'à voir leur thèse sur « la guerre contre l'islam » vérifiée.

C'est en effet à un décret inédit qu'a eu recours, vendredi, le locataire de la Maison-Blanche, interdisant aux réfugiés et aux ressortissants de sept pays musulmans (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen) d'entrer aux États-Unis. Immédiatement entrée en vigueur, cette décision a aussitôt suscité une levée de boucliers au sein de la société américaine et enflammé les réseaux sociaux aux quatre coins du monde.
Donald Trump, dont les discours durant sa campagne étaient fortement teintés de racisme, a semble-t-il choisi d'épargner notamment les chrétiens des conséquences de cette décision, en n'incluant pas, dans l'une des dispositions, « les minorités persécutées », en l'occurrence les réfugiés chrétiens de Syrie et d'Irak. Le président américain a justifié sa décision sur Twitter: « Observez ce qui se passe en Europe. C'est le chaos total. Beaucoup de chrétiens ont péri au Proche-Orient. On ne saurait permettre à cette terreur de se poursuivre. »


(Lire aussi : Trump face à sa première épreuve après sa fermeture sélective des frontières)


Une instrumentalisation inacceptable
À l'instar d'autres pays, le Liban s'est vu contraint d'appliquer cette décision en interdisant dès samedi à deux familles syriennes de prendre leur vol en direction des États-Unis. Deux personnalités religieuses éminentes, l'une chrétienne, l'autre musulmane, ont critiqué la nouvelle approche américaine en matière d'immigration.

L'exemption des chrétiens de l'interdiction d'entrer aux États-Unis « ne peut que desservir » cette communauté au Proche-Orient », atteste le responsable du Centre des études islamo-chrétiennes à l'Université du Balamand, le père Georges Massouh, dans un entretien à L'Orient-Le Jour. « Il s'agit d'une décision inacceptable, à forte propension raciste, qui ne manquera pas d'exacerber la haine et l'extrémisme. Ce sont les peuples de la région, y compris les chrétiens, qui en paieront le prix », dit-il. Le père Massouh insiste d'ailleurs sur l'idée que les chrétiens d'Orient, qui font partie intégrante du tissu socioculturel des sociétés de la région et prennent activement part à la défense des personnes opprimées quelle que soit leur appartenance communautaire ou religieuse, mais aussi, aux causes centrales qui préoccupent les peuples de la région, « ne veulent pas être associés à l'état d'esprit ségrégationniste » que cherche à répandre Donald Trump. « Il cherche à faire croire qu'il œuvre à protéger les chrétiens, ce qui n'est pas le cas. Il faut cesser d'instrumentaliser le dossier des minorités », lance le professeur.

(Repère : Qui est concerné par le décret migratoire aux Etats-Unis?)


Retour à l'esprit des années 30
C'est un son de cloche similaire que l'on entend chez Mohammad Nokkari, juge chérié et universitaire libanais. D'emblée, ce dernier réfute, pour L'OLJ, la thèse d'une guerre qui aurait lieu entre chrétiens et musulmans, lui préférant celle d'une guerre politique entre l'Occident et le monde musulman. « Beaucoup de chrétiens sont contre cette décision », fait-il remarquer. Selon lui, cette guerre n'a toutefois pas commencé récemment puisque le climat a été préparé après l'implosion de l'URSS et la chute du mur de Berlin. « Il fallait absolument trouver un nouvel ennemi », dit-il en évoquant l'invasion de l'Irak par les Américains, à l'origine de cette accumulation de haine et de tensions.
La vision manichéenne de Donald Trump rappelle d'ailleurs celle de George W. Bush et sa célèbre phrase minimaliste lorsqu'il avait déclaré après les attentats du 11-Septembre: « Vous êtes soit avec nous, soit contre nous.» Pour Mohammad Nokkari, elle rappelle surtout les années 1930-1940 et l'esprit de haine contre les juifs en Allemagne.

Fâcheuse coïncidence
Chroniqueur et analyste basé à Washington, Hicham Melhem ne peut s'empêcher de relever le fait que « le président Trump a signé le célèbre décret anti-immigration le jour de la commémoration de l'Holocauste. Le symbolisme est puissant et poignant », écrit M. Melhem dans un article récent.
Dans un entretien à L'OLJ, M. Melhem ne peut s'empêcher de constater que la guerre menée par Donald Trump ne vise pas uniquement les musulmans, mais également la liberté d'opinion et de croyance, et les libertés prévues par le premier amendement de la Constitution des États-Unis d'Amérique qui fait partie intégrante de la Déclaration des droits (Bill of Rights).
« Ce que le président a fait est non seulement illégal, mais également anticonstitutionnel. En refoulant les musulmans et en exceptant les chrétiens de sa décision, il a fait preuve d'une discrimination outrageante », dit-il, avant de souligner que le décret a été pris sans qu'il n'ait consulté le département de Justice, d'où les attaques en justice de la décision.

(Lire aussi : Le point sur les passagers privés de voyage aux Etats-Unis)


Bienvenue chez les autocrates
L'analyste rapporte également les multiples interrogations soulevées aux États-Unis sur le choix des pays ciblés que sous-tend cette politique des deux poids, deux mesures, d'autant que l'Arabie saoudite, dont 15 de ses ressortissants avaient pris part à l'attaque du 11-Septembre, les Émirats arabes unis (qui comptaient deux kamikazes lors de cette attaque), la Tunisie, un pays qui a exporté des radicaux en Europe, voire l'Afghanistan, ne figurent pas parmi les 7 pays exclus par l'administration Trump. Le Qatar, souvent pointé du doigt pour son financement présumé de groupes extrémistes, mais qui abrite deux bases militaires américaines sur son territoire, a également échappé à la foudre du président US. On pourrait même se demander pourquoi le Liban, dont l'un des ressortissants a pris part aux attaques du 11-Septembre, ne figure pas non plus sur la liste des pays visés, ou encore l'Égypte ou la Turquie. Bref, autant d'équivoques qui ne peuvent s'expliquer que par « les intérêts politiques, voire économiques ou géostratégiques de la nouvelle administration US ».

« C'est le pire président que les États-Unis aient jamais connu depuis le mandat de Richard Nixon. Donald Trump incarne le véritable autocrate à l'image de Abdel Fattah el-Sissi, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan. » Le chroniqueur faisait ainsi allusion aux propos de l'une des plus grandes figures de la chaîne CNN, Christiane Amanpour, qui, dans une réaction vendredi aux propos de Steve Bannon, le stratège de M. Trump, avait accusé ce dernier de chercher à décrocher « l'ordre du Mérite auprès de MM. Sissi, Poutine et Erdogan », en évoquant le début d'un « régime totalitaire » aux États-Unis.


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commentaires (3)

Le cadeaux est plutôt empoisonné pour les pays ,qui devront soit identifier/contrôler les terroristes et /ou les garder, voir les expulser

M.V.

12 h 54, le 30 janvier 2017

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Commentaires (3)

  • Le cadeaux est plutôt empoisonné pour les pays ,qui devront soit identifier/contrôler les terroristes et /ou les garder, voir les expulser

    M.V.

    12 h 54, le 30 janvier 2017

  • le monde arabe doit prendre conscience que les choses changent et on ne peut plus crier mort a l'amerique pour harranguer les foules et se faire une popularite a petit frais. il y a des pays dont la population Musulmane est bcp plus grande (indonesie, inde, pakistan, bangladesh, nigeria, etc...) qui n'ont pas d'interdiction d'entree. demandez vous pourquoi

    George Khoury

    11 h 05, le 30 janvier 2017

  • Dans son Ultime allocution Barack Obama a affirmé que l'avènement de Donald Trump était bien plus une virgule, qu' un point final dans la longue marche du progrès des Etats Unis. Pour la République islamique d'Iran, le nouveaux président Haut en Couleur vient de passer de point d'interrogation à point d'exclamation. On est loin de la mansuétude, et de la tolérance envers un état qui réitère son appel continuel à la haine envers l'Amérique . Cette interdiction d'entrée des iraniens sur le territoire American contraste avec les autres état sanctionnés . On a ici un terrorisme d'état et non une vacance de ce dernier qui génère des groupuscules obscurantistes. Le régime des mollah très isolé s'interroge et ne trouve à son échelle aucune parade pour cette sanction et les nouvelles à venir. Pour La citadelle Europe L'heure est à la cohésion. Après la brèche du Brexit, il est nécessaire de consolider les fondations en écoutant la voix des peuples. Aussi il n'est pas souhaitable de s'aliéner cette puissance prométhéenne . Dans sa vision Donald Trump, pour contrer la montée en puissance de l'Empire du milieu , souhaite voir émerger un bloc occident judéo-chrétien qui inclurait l'Europe et la Russie. Pour l' Europe Il sera nécessaire de faire bloc, et parler d'une seule voix en s'appuyant sur les intérêt communs , le passé historique, et les valeur civilisationnelles.

    ANDRE HALLAK

    09 h 12, le 30 janvier 2017

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