Rechercher
Rechercher

Liban - Focus

Ministères d’État : des projets ambitieux, mais aucune structure légale

La Constitution ne prévoit pas ce type de poste ministériel.

Michel Pharaon. Photo ANI

Arrivé à la tête de l'État le 31 octobre dernier, Michel Aoun a voulu donner à son mandat un caractère rassembleur. Il a cherché ainsi à inclure tous les protagonistes au tout premier gouvernement de son mandat. Face à ce tableau, le Premier ministre Saad Hariri s'est trouvé dans l'obligation d'élargir son cabinet à 30 ministres par le biais de ministres d'État.

Si d'aucuns estiment que cette pratique s'inscrit dans la logique de partage du gâteau, qui veut que toutes les formations politiques prennent part aux institutions politiques, nombreuses sont les interrogations autour du concept même de ministère d'État, des prérogatives du ministre et du cadre légal qui organise son fonctionnement et son rôle sur la scène politique.

Interrogé à ce sujet par L'Orient-Le Jour, l'expert en droit administratif et constitutionnel Hassan Rifaï commence par faire valoir que le concept de ministère d'État remonte à l'époque de la Première Guerre mondiale en France. « On a eu recours à des personnes sages, connues pour leur expertise et expérience dans le domaine politique, et on leur a donné le titre de ministre d'État », explique-t-il. « Au Liban, nous nous sommes contentés d'emprunter l'idée, mais nous ne l'avons pas appliquée comme cela se doit. Ceux qui ont été chargés de former les cabinets ont choisi les ministres d'État dans une logique de politique politicienne », souligne M. Rifaï, estimant que « la pratique politique libanaise a réduit le ministère d'État à un moyen de répondre aux exigences des formations politiques ». Selon lui, « la Constitution n'évoque pas un tel ministère ». Il souligne, toutefois, qu'« en Conseil des ministres, un ministre d'État a la même influence que ses collègues qui détiennent des portefeuilles ministériels. Mais il n'a pas de prérogatives réelles en dehors des séances gouvernementales ».

 

(Lire aussi : Pharaon s’interroge sur l’essence du ministère d’État à la Planification)

 

La volonté politique...
Ce dernier constat pousse certains à réduire l'importance politique du ministre d'État. Dans les milieux politiques, on préfère mettre l'accent sur l'importance du poste en lui-même. À l'instar de ses collègues, ce ministre fait partie intégrante du pouvoir exécutif et peut influencer et modifier toute décision gouvernementale.

De son côté, le Premier ministre Saad Hariri a voulu se démarquer de ses prédécesseurs. Ayant répété sa détermination à opérer des réformes tant attendues à plusieurs niveaux, il a confié à chacun de ses 6 ministres d'État un dossier épineux. Mais cela n'a pas été sans susciter des interrogations sur la capacité de ces ministres à accomplir leur mission dans le cadre d'un cabinet qui devrait démissionner dans quelques mois. Sans oublier que le cadre légal et la structure des nouveaux ministères d'État... n'existent pas !

C'est le cas par exemple du ministère d'État à la Planification, détenu par Michel Pharaon. De sources bien informées, on apprend dans ce cadre que la mission et le rôle de ce ministère ne sont pas encore clairement définis. Dans les mêmes milieux, on va jusqu'à dire que le ministre d'État à la Planification n'a jusqu'à présent pas de prérogatives concrètes. Selon des sources proches de M. Pharaon, il existe un projet consistant à mettre un ministère de la Planification en place. Mais cela exige un budget, ainsi que des ressources humaines et matérielles importantes. Pour les sources précitées, un bon fonctionnement du ministère d'État à la Planification dépendrait uniquement de ces mesures d'ordre technique. Il est tout aussi bien lié à une volonté politique à même de faciliter la tâche de M. Pharaon.

Même son de cloche chez Jean Oghassabian, ministre d'État aux Droits de la femme. « Nous avons besoin d'une décision politique importante à même de garantir la poursuite de l'action de ces ministères », souligne-t-il à L'OLJ. Si M. Oghassabian se veut ambitieux et entend mettre en place des projets qui s'inscriraient dans le cadre de l'amélioration de la situation des femmes, il est tout aussi conscient que la structure humaine, logistique et légale lui manque. « C'est pour cette raison que j'ai présenté au Conseil des ministres un document complet comprenant la stratégie de travail, ainsi que la structure et le cadre humain dont j'ai besoin au sein de mon ministère », explique M. Oghassabian, avant d'ajouter : « J'ai dressé ce plan en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la Commission nationale pour les affaires de la femme libanaise, mais il n'a pas obtenu l'approbation des ministres. J'espère qu'il fera partie de l'ordre du jour de la prochaine séance gouvernementale. »

À son tour, le ministre d'État aux Droits de l'homme, Ayman Choucair, semble déterminé à profiter de son nouveau statut pour dynamiser ce dossier, en dépit de l'absence de toute structure définissant son champ d'action et ses prérogatives. « Mon rôle est celui de donner de l'élan à tout ce qui est relatif aux droits de l'homme. Je collaborerai dans ce cadre avec la commission parlementaire des Droits de l'homme présidée par le député Michel Moussa, ainsi qu'avec les ONG plaidant pour ces mêmes objectifs », assure M. Choucair à L'OLJ, avant de confier qu'il établira l'organigramme de son ministère en collaboration avec la présidence du Conseil. Selon lui, « la structure du ministère devrait être répartie en deux volets : administratif et technique ».

« Le premier lié au fonctionnement de l'administration, alors que le second serait celui lié aux consultants qui pourraient être des personnes cadrées, non titularisées ou des bénévoles. Ils seront chargés d'établir des plans pour améliorer la situation des droits de l'homme au Liban », explique encore Ayman Choucair.

 

 

 

Lire aussi

La composition du nouveau gouvernement

Arrivé à la tête de l'État le 31 octobre dernier, Michel Aoun a voulu donner à son mandat un caractère rassembleur. Il a cherché ainsi à inclure tous les protagonistes au tout premier gouvernement de son mandat. Face à ce tableau, le Premier ministre Saad Hariri s'est trouvé dans l'obligation d'élargir son cabinet à 30 ministres par le biais de ministres d'État.
Si d'aucuns estiment...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut