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Liban - Législatif

Ressuscité, le Parlement veut ménager ses électeurs...

La session extraordinaire du Parlement se poursuit jusqu’au 20 mars prochain. Photo Nasser Trabulsi

La première séance législative de la session extraordinaire (ouverte jusqu'au 20 mars prochain), et la seconde, en soirée, ont mis en relief hier le souci marqué des parties politiques de ménager leurs bases électorales à quelques mois des législatives, et cela même si l'enjeu de voter une loi électorale (d'ailleurs exclue de l'ordre du jour) n'a été évoqué que de manière marginale – notamment par le Hezbollah et les Kataëb – et liminaire par les Forces libanaises. Une impression isolée de renouveau s'est vaguement dégagée de la scène des gardes du Parlement rassemblés en demi-cercle sur la place de l'Étoile, sous un timide soleil matinal, pour accueillir le Premier ministre, en vertu du protocole dictant l'ouverture de la première session parlementaire après le vote de confiance du gouvernement.

À l'intérieur de l'hémicycle, après la minute de silence observée à la mémoire de Badr Wannous, député du bloc du Futur décédé début janvier, c'est la routine du Parlement qui a repris son essor, avec son lot de palabres à visée électorale, ponctuant l'approbation de projets et propositions de lois dont le financement prête souvent à équivoque. Il en va ainsi, par exemple, de la proposition de loi approuvée hier en soirée, titularisant dans les écoles publiques secondaires non seulement le surplus de candidats ayant réussi aux concours de 2015-2016 organisés par le Conseil de la fonction publique, mais aussi le surplus de candidats au concours de 2008.

Une titularisation qui – comble pour des législateurs – contrevient à la procédure d'organisation des concours (article 8), selon laquelle tout candidat ayant réussi à un concours mais n'ayant pu être titularisé dans l'immédiat ne bénéficie d'un droit acquis à la titularisation que pour les deux années suivant la publication des résultats du concours. Ainsi, les candidats ayant réussi au concours de 2008 pour l'enseignement public secondaire mais qui n'ont pu être cadrés – parce que toutes les vacances existantes avaient été comblées par les candidats les ayant surclassés au concours – ont continué, même après l'expiration du délai légal, à alléguer d'un prétendu droit acquis à la titularisation. Ils ont obtenu gain de cause hier: le « surplus » du concours de 2008 fera désormais un avec celui de 2015-2016, et c'est ce surplus qui doit progressivement combler les vacances au sein de l'enseignement public au cours des quatre prochaines années, et cela par ordre de mérite, sur la base des notes obtenues au concours.

Les allégations des candidats de 2008 (qui ont observé hier un sit-in à la périphérie de la place de l'Étoile, parallèlement à la séance nocturne) étaient visiblement soutenues par des promesses politiques, formulées visiblement par les députés ayant défendu hier l'adoption de la loi: une partie du bloc du Futur (Bahia Hariri, relayée par Mohammad Hajjar, dont Fouad Siniora s'est toutefois désolidarisé) ; la majorité du bloc berryiste ; le Rassemblement démocratique, représenté par Akram Chehayeb ; le député Marwan Farès (qui fait partie des députés ayant soumis la proposition de loi) ; et surtout le bloc du Hezbollah. Il a d'ailleurs suffi de quelques mots de Ali Fayad adressés en douceur au président de la Chambre – « Finissons-en, la loi doit passer » – pour que la loi soit votée, en dépit des vives contestations des Kataëb d'abord, relayées par les FL et par le bloc du Changement et de la Réforme, mais aussi par Fouad Siniora.

 

(Lire aussi : Textes examinés en séance parlementaire : ce qu'il faut savoir)

 

Questions sans réponses
Finalement, le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, Marwan Hamadé, a remanié dans la foulée la rédaction du texte de loi dans une ultime tentative de rassurer tant bien que mal les contestataires avant de procéder au vote à mains levées: il a été précisé que les enseignants ne seront pas nommés à un poste en dehors de leur caza d'origine, et que de nouveaux enseignants ne seront pas recrutés par contrat au cours des quatre années prévues. Mais plusieurs questions posées sont restées hier sans réponses: celle de Georges Adwan qui a demandé à connaître le nombre exact de vacances dans l'enseignement public ; celle de Alain Aoun qui cherchait à savoir qui des candidats de 2015 ou de 2008 ayant obtenu la même note serait favorisé ; et celle, surtout, de Samy Gemayel qui a demandé à savoir si l'intention réelle de cette titularisation est de cadrer éventuellement tous les contractuels de la fonction publique (sachant que la majorité des candidats au concours, qui doivent bénéficier de la nouvelle loi, sont issus des contractuels de l'enseignement public)...

Cette question a ramené au cœur du débat la problématique de l'embauche arbitraire de contractuels, dans tous les secteurs, pour les besoins du clientélisme – et sans souci des deniers publics. Une embauche qui induit des inégalités au niveau des éventuelles titularisations.
Certains garde-fous ont néanmoins été érigés hier ponctuellement par le Premier ministre Saad Hariri et le ministre des Finances Ali Hassan Khalil, lesquels ont barré la route à plus d'un projet de loi pour éviter le risque de dépenses excessives. Un projet de loi qui prévoit de verser les indemnités de fin de service à tous les contractuels de la fonction publique, au même titre que les fonctionnaires titularisés, a été renvoyé au Conseil des ministres. Ce projet était initialement destiné aux journalistes contractuels, mais a été élargi en commissions à tous les secteurs de la fonction publique au nom du principe de l'égalité de tous devant la loi, ce qui a conduit finalement à l'étouffer dans l'œuf.

Force est de relever à cet égard l'irrégularité du respect du principe de l'égalité dans la démarche de législation: en atteste entre autres le projet de loi voté hier et exonérant des droits de succession les familles des militaires tués au combat et – c'est ce qui est controversé – agissant rétroactivement au bénéfice des familles qui, faute de moyens, n'avaient pas encore payé les droits de succession. Cette rétroactivité a fait l'objet d'un débat au Parlement, mais le vote du projet de loi était visiblement entendu.

En contrepartie, les participants à la séance d'hier, notamment M. Hariri, ont affiché une sensibilité à la précarité économique du pays. « Tous les entrepreneurs, grands et petits, sont affectés par la déliquescence actuelle », a déclaré le Premier ministre, prenant la parole pour trancher le débat et obtenir le vote d'un projet de loi visant à reporter jusqu'en 2018 l'entrée en vigueur (qui avait été prévue pour 2016) de la loi 173 du 14-2-2000 réglementant la taxe forfaitaire sur les revenus des sociétés.

Les municipalités ont bénéficié en outre d'une exemption pour une période de deux ans de la TVA pour les projets financés par des donateurs. Autre victoire hier pour les organismes municipaux, et subsidiairement pour les parties favorables à la décentralisation: ont été rejetés deux textes présentés par le ministère des Finances (pour prévenir le déficit budgétaire en vue, selon le plaidoyer de M. Khalil) exemptant du paiement par l'État des taxes municipales pour les bâtiments publics occupés par les services de l'Etat. L'un des principaux motifs du rejet des deux lois a été que les municipalités situées dans les régions périphériques ou rurales comptent beaucoup sur les rentrées des taxes pour les bâtiments occupés par l'État, même si une municipalité comme celle de Beyrouth pourrait « aisément s'en passer ». La question des bâtiments qui se comptent par centaines relevant de l'État mais non utilisés par lui a également ressurgi. Le débat a surtout avivé, au sein des commissions, une sorte de « face-à-face qui n'a pas lieu d'être entre le parti de l'État et le parti des municipalités » selon Ali Ammar, lequel a plaidé pour « le parti de l'État, qui inclut les municipalités ».

 

(Lire aussi : À travers les législatives, les composantes chrétiennes veulent exorciser définitivement le spectre de la marginalisation )

 

La fleur à Taëf
Il faut dire que le Hezbollah a jeté une fleur hier à cet État, également par la voix de Ali Ammar, lequel a défendu Taëf – même s'il l'a fait pour soutenir la nécessité de mettre au point une nouvelle loi électorale. « Étant donné que le gouvernement s'est donné pour nom la restitution de la confiance, le résultat doit en être d'assurer un saut qualitatif stratégique au niveau de la loi électorale, avant qu'il ne soit trop tard et que nous perdions confiance en notre Constitution. Parce que le problème fondamental à l'origine des entraves à une nouvelle loi électorale est que nous avons tourné le dos à Taëf, par quête de profits personnels. Et si nous souhaitons pour ce Liban l'éclosion d'une révolution humaine, il nous faut revenir à Taëf », a déclaré M. Ammar, qui se prononçait lors de la période d'une heure traditionnellement consacrée aux interventions libres des députés à l'ouverture d'une nouvelle session parlementaire. Le second volet de son intervention a porté sur le « scandale qualifié de l'Internet illégal, dont les criminels sont connus ». « Cela fait six mois que la procédure judiciaire est ralentie par des vices de forme. Dites-moi, Gabriel Murr est-il plus fort que l'État ? Ou encore Hagop Takayan ou Imad Lahoud ? » a-t-il demandé, ce qui lui a valu les applaudissements de Boutros Harb et de plusieurs députés du bloc du Futur.

On notera enfin la prédominance des digressions à caractère électoral. Celles-ci ont prolongé inutilement le débat autour du projet visant à débloquer un crédit supplémentaire de 75 milliards de livres libanaises pour finaliser la mise en application d'une décision du ministre des Travaux publics et des Transports (la décision n° 66 datant de 2012) sur la réhabilitation du réseau routier dans tout le pays. Bien qu'ayant été aux trois quarts appliqué, ce projet d'une valeur initiale de près de 450 milliards de livres libanaises a déjà profité à des régions comme la banlieue sud, le Akkar, Tripoli et le Sud. Ce qui n'a pas empêché leurs élus respectifs de déplorer l'état de leurs routes et tenter de faire passer quelque amendement de la décision en question. Des velléités vite interrompues par le ministre Youssef Fenianos, arguant de l'impossibilité de revoir une décision déjà entérinée.

Sans doute la seule information nouvelle à dégager du ballet des interventions portant des doléances à visée électorale a été la remarque glissée accessoirement par le député Antoine Zahra sur la décision, qui est la sienne et celle de son parti, de ne pas se présenter aux prochaines élections de Batroun...

 

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La première séance législative de la session extraordinaire (ouverte jusqu'au 20 mars prochain), et la seconde, en soirée, ont mis en relief hier le souci marqué des parties politiques de ménager leurs bases électorales à quelques mois des législatives, et cela même si l'enjeu de voter une loi électorale (d'ailleurs exclue de l'ordre du jour) n'a été évoqué que de manière...

commentaires (2)

"Sans doute la seule information à dégager du ballet des interventions à visée électorale a été la remarque glissée par le député Zahra(!) sur (sa décision?) de ne pas se présenter aux prochaines élections de Botron...." ! Place ainsi à l'autre béSSîîîl, yîhhh ?!

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

09 h 09, le 19 janvier 2017

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Commentaires (2)

  • "Sans doute la seule information à dégager du ballet des interventions à visée électorale a été la remarque glissée par le député Zahra(!) sur (sa décision?) de ne pas se présenter aux prochaines élections de Botron...." ! Place ainsi à l'autre béSSîîîl, yîhhh ?!

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 09, le 19 janvier 2017

  • Le Hezbollah ose parler de Taëf! Un comble! Comment se fait-il que personne ne lui a rappelé le paragraphe 1 du chapitre 2 qui prévoit la "dissolution de toutes les milices, libanaises ou non, et la remise de leurs armes à l'Etat libanais"? Tant que sa milice n'aura pas déposé ses armes, aucun de ses membres n'a le droit de se référer à cet accord que le prétendu "parti de Dieu" foule aux pieds tous les jours!

    Yves Prevost

    07 h 06, le 19 janvier 2017

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