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Je ne sais pas si c'est moi ou si c'est l'état de grâce de l'an neuf, cette page tournée, cette autre qui s'ouvre, blanche et pleine de possibles, mais le climat politique semble moins véhément en ce moment au Liban, ce qui autorise bizarrement un peu plus de sérénité dans la vie quotidienne. C'est étrange comme la qualité du discours public se reflète sur la relation entre les gens et le vocabulaire de tous les jours. Peu de dirigeants sont conscients qu'ils donnent l'exemple et la tonalité. Dans son discours aux Golden Globes, véritable événement médiatique de la semaine, Meryl Streep n'a pas eu tort d'épingler Donald Trump sur une de ses anciennes campagnes où, n'écoutant que sa drôle de nature, le nouveau président américain avait imité un journaliste handicapé qui s'était permis de le critiquer. Après un trop long règne du politiquement correct, cette langue de bois qui frisait parfois le ridicule, une trop brusque ouverture des vannes du langage risque de libérer à tous les niveaux un énorme flot d'ordures verbales. Le monde n'a pas besoin de cette forme de pollution en plus des violences qu'il endure. Et comme la jeunesse terrienne continue à imiter l'Amérique, on semble partis pour une nouvelle ère de noms d'oiseaux. Pendant ce temps continuerait à enfler le récit mortifère des extrémistes de tout poil. Scatologie contre eschatologie. Certes, tout cela n'est que spectacle, mais face aux cabotinages outranciers de Trump, comment ne pas écraser une larme sous l'artillerie émotionnelle donnée par Obama dans son discours d'adieu. Au sexisme, au populisme, au mépris des valeurs affichés par le premier, l'autre répondait par un hommage à son épouse, une invitation à la recherche de solutions contre le réchauffement climatique, une vision humaine de la grandeur de son pays. En cette veille de changements qui s'annoncent radicaux, les mots du président Obama et ceux de mademoiselle Streep font office de lampes de tempête pour éclairer l'avenir.
Ce sont des mots que partout dans le monde on a besoin d'entendre, en particulier au Liban où l'individu a perdu confiance en sa propre valeur à force d'être grugé, mal représenté, manipulé, méprisé, usé et abusé. Nous avons besoin de ces mots qui dénoncent la dépréciation d'autrui et invitent chacun à apporter sa pierre à l'édifice commun, aussi modeste soit-elle. Nous avons besoin de paroles qui apaisent et réconcilient, qui restituent à chaque citoyen sa dignité quel que soit son genre ou son statut, de paroles qui créent de la solidarité et entraînent des actions bénéfiques. Dans nos contrées, l'obsession du complot vient du fait que nous sommes habitués aux discours mensongers et aux creux verbiages qui masquent la malveillance des dirigeants véreux et l'inefficacité de la classe politique. Dans la seconde moitié du siècle dernier, il suffisait aux chefs arabes d'envelopper leurs harangues de rhétorique pour galvaniser les foules. Il suffisait de quelques rimes, de figures de style et de trémolos bien placés pour créer une idole. La poésie contribuait à la chute de la région dans le giron des dictateurs. Aujourd'hui on n'y met même plus la forme, tant mieux, tant pis. C'est le contenu qui compte pourvu qu'il contienne de la bonté. Au commencement de toute entreprise est le verbe, à condition qu'il soit respecté.

Je ne sais pas si c'est moi ou si c'est l'état de grâce de l'an neuf, cette page tournée, cette autre qui s'ouvre, blanche et pleine de possibles, mais le climat politique semble moins véhément en ce moment au Liban, ce qui autorise bizarrement un peu plus de sérénité dans la vie quotidienne. C'est étrange comme la qualité du discours public se reflète sur la relation entre les gens et...

commentaires (4)

Chère Fifi, D'habitude, je ne m'attarde pas trop sur les rubriques "impression", mais cette fois-ci il semble avoir gagne le gros lot. Superbe, et si vrai. C'est tout ce que je puisse dire après avoir terminé sa lecture. J’ai particulièrement apprécié l’expression "apporter sa pierre à l'édifice commun". Que ce soit en ce qui concerne le Liban ou le Nigeria qui m'obsède à l'heure présente, l'expression est tout aussi valable. Les Libanais et les Nigériens vont-ils enfin le comprendre? OUL ENSH'ALLAH! dirait-on chez nous.

George Sabat

10 h 24, le 13 janvier 2017

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Commentaires (4)

  • Chère Fifi, D'habitude, je ne m'attarde pas trop sur les rubriques "impression", mais cette fois-ci il semble avoir gagne le gros lot. Superbe, et si vrai. C'est tout ce que je puisse dire après avoir terminé sa lecture. J’ai particulièrement apprécié l’expression "apporter sa pierre à l'édifice commun". Que ce soit en ce qui concerne le Liban ou le Nigeria qui m'obsède à l'heure présente, l'expression est tout aussi valable. Les Libanais et les Nigériens vont-ils enfin le comprendre? OUL ENSH'ALLAH! dirait-on chez nous.

    George Sabat

    10 h 24, le 13 janvier 2017

  • ........le silence est d'or ..... fleur bleue...

    FRIK-A-FRAK

    11 h 26, le 12 janvier 2017

  • "Dans nos contrées, l'obsession du complot vient du fait que nous sommes habitués aux creux verbiages....". Ou, plutôt, au sous-développement et à l'analphab(ê)étisme ! "Il suffisait aux chefs arabes de quelques figures de style et de trémolos bien placés pour créer une idole. Aujourd'hui on n'y met même plus la forme, tant mieux, tant pis. C'est le contenu qui compte. Au commencement de toute entreprise est le verbe, à condition qu'il soit respecté.". Ou, mieux, compris ! Mais, que voulez-vous, avec tout ce même sous- développement et ce même analphabétisme régnants : C'est du domaine de l'Impossible !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 05, le 12 janvier 2017

  • "Les mots d'Obama et ceux de Streep font office de lampes de tempête pour éclairer l'avenir." ! Ou, plutôt, le chant du cygne d'un certain "Universalisme" humaniste !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 53, le 12 janvier 2017

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