Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Iran

Tension inédite entre Hassan Rohani et le pouvoir judiciaire

Des conservateurs accusent le président modéré d'utiliser une affaire de fraude fiscale pour mobiliser son électorat à l'approche des élections.

Le président iranien Hassan Rohani, le 21 décembre 2016 à Téhéran. KAREN MINASYAN/ AFP

Une empoignade sans précédent sur le rôle joué par un homme d'affaires condamné à mort oppose en Iran le président modéré Hassan Rohani au pouvoir judiciaire conservateur. Cette tension entre un président élu au suffrage universel et un pouvoir judiciaire très puissant dont le chef, l'ayatollah Sadegh Larijani, est nommé par le guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei, risque de s'amplifier à l'approche de cette élection.
Il ne fait pratiquement aucun doute que le président Rohani, soutenu par les réformateurs, se représentera pour un second mandat de quatre ans et qu'il aura face à lui un candidat conservateur qui n'a pas encore été désigné. Des conservateurs accusent M. Rohani, élu en 2013, de s'en prendre au pouvoir judiciaire pour mobiliser son électorat et détourner l'attention du manque de résultats à la suite de l'accord nucléaire conclu entre l'Iran et six grandes puissances, entré en vigueur il y a un an. Les relations déjà tendues entre le gouvernement dirigé par le président Rohani et le pouvoir judiciaire proche des conservateurs se sont envenimées avec le cas de l'homme d'affaires condamné à mort et emprisonné, Babak Zanjani. Arrêté en décembre 2013, M. Zanjani a été condamné en mars 2016 pour fraude fiscale et autres crimes financiers à l'issue d'un long procès qui l'a reconnu coupable d'avoir détourné 2,8 milliards de dollars (2,5 milliards d'euros).
Fin décembre, le président Hassan Rohani a critiqué directement la justice en estimant que l'homme d'affaires aurait dû être remis au ministère des Renseignements. Sous la présidence du prédécesseur de Hassan Rohani, l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, Zanjani avait été chargé de vendre du pétrole à l'étranger pour contourner les sanctions internationales. Mais il n'avait pas reversé l'argent au gouvernement.
Aux attaques du président Rohani, le chef du pouvoir judiciaire, l'ayatollah Sadegh Larijani, a rétorqué le 2 janvier qu'il ne « fallait pas faire (croire) que la justice avait peu travaillé » dans ce dossier. « Nous avons convoqué d'anciens ministres, l'ex-président de la Banque centrale: les dossiers judiciaires restent ouverts, » a-t-il affirmé. Jusque-là, 600 millions de dollars ont été récupérés. Le pouvoir judiciaire s'est targué d'avoir fait arrêter ces derniers mois plusieurs hommes d'affaires pour corruption, notamment des prêts bancaires impayés de plusieurs milliards de dollars.
L'ayatollah Larijani, frère du président du Parlement Ali Larijani, un conservateur modéré, a reproché au gouvernement et au ministère des Affaires étrangères de ne pas « avoir fait leur travail pour tracer l'argent versé à Babak Zanjani à l'étranger ». Selon lui, des informations auraient du être demandées aux gouvernements malaisien, turc, tadjik et chinois, ce à quoi le ministère des Affaires étrangères a répondu avoir offert sa « pleine coopération » à la justice depuis deux ans.

Khamenei calme le jeu
Sadegh Larijani est allé encore plus loin en affirmant que l'homme d'affaires avait révélé aux enquêteurs avoir versé des centaines de milliers de dollars à des candidats à la présidentielle de 2013. Sans citer de noms, il a affirmé que ses services allaient enquêter sur ces versements présumés. « Le gouvernement est prêt à faire toute la lumière sur ses comptes et attend de l'autorité judiciaire qu'elle en fasse de même », a rétorqué mardi dans un tweet le président Rohani.
Le pouvoir judiciaire a été attaqué récemment à propos de comptes gérés directement par son chef. Fin décembre, 210 députés ont cependant publié une déclaration selon laquelle ces comptes étaient parfaitement « légaux ». « Qu'ils (les proches du président) disent à la population combien M. Rohani a dépensé pendant la campagne (de 2013) et d'où venait l'argent », a lancé Gholamhossein Mohseni Ejeie, numéro deux du pouvoir judiciaire, en réponse au tweet du président Rohani. Hier, l'ayatollah Khamenei a tenté de calmer le jeu : « Je ne veux pas intervenir dans cette querelle (...) et, grâce à Dieu, cela prendra fin. »

Siavosh GHAZI/AFP

Une empoignade sans précédent sur le rôle joué par un homme d'affaires condamné à mort oppose en Iran le président modéré Hassan Rohani au pouvoir judiciaire conservateur. Cette tension entre un président élu au suffrage universel et un pouvoir judiciaire très puissant dont le chef, l'ayatollah Sadegh Larijani, est nommé par le guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei, risque de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut