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Économie - Bilan

La crise des finances publiques a continué de s’aggraver en 2016

Alors que le gouvernement de Saad Hariri a promis d'adopter un budget pour 2017, une première depuis 2005, le déficit public et la dette souveraine ont continué de s'élargir l'an dernier.

Selon le ministère des Finances, le déficit public a augmenté de 27,1 % en glissement annuel sur les huit premiers mois de 2016, à 2,5 milliards de dollars. Photo C. Hd.

Le 28 décembre dernier, le Premier ministre Saad Hariri a déclaré au Parlement que « l'adoption du budget 2017 est en tête des priorités du nouveau gouvernement (formé le 18 décembre) pour les mois à venir », alors que le Liban entame sa onzième année successive sans loi de finances pour encadrer ses dépenses et revenus à venir.

Mais alors que le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil (en fonction depuis 2014 et reconduit à son poste dans le nouveau gouvernement), a transmis le 26 août – dans les délais constitutionnels – un avant-projet de budget pour l'exercice 2017 à la présidence du Conseil des ministres, les membres de l'ancien gouvernement n'ont jamais discuté ce texte, qui devait être transmis au Parlement avant le 3 octobre, selon la Constitution.

Pourtant, dès la mi-juillet, M. Khalil avait tenté d'alerter le Conseil des ministres sur la nécessité de se conformer aux règles de comptabilité publique. « Le fait que le budget n'a pas été voté depuis 2005 constitue l'une des principales failles des finances publiques », avait estimé M. Khalil dans un rapport sur la situation économique et financière du pays. Celui-ci pointait notamment du doigt le recours abusif par les différents gouvernements aux nombreux artifices comptables et juridiques utilisés pour continuer à fonctionner sans budget.

Une situation qui renforce la poursuite de la fragilisation des comptes publics et donc de l'endettement de l'État. La dette publique a ainsi continué d'augmenter à 74,5 milliards de dollars à fin octobre 2016, contre 70,3 milliards de dollars en 2015, soit 139 % du PIB de cette année-là selon le ministère des Finances. Et en cas d'absence de budget et de réformes économiques, le rapport de M. Khalil prévoit même une augmentation de ce ratio à 146 % à l'horizon 2020.
D'où la nécessité de résorber un déficit en augmentation continue. Le ministère des Finances a prévu, selon les chiffres de l'avant-projet de budget pour 2016 – soumis le 31 août 2015 par M. Khalil au gouvernement mais non entériné par ce dernier –, un déficit d'environ 4,48 milliards de dollars pour l'année 2016, en hausse de 13,3 % par rapport à 2015. En attendant que les flux de trésorerie constatés sur l'ensemble de l'année confirment ce pronostic, les derniers chiffres publiés par le ministère montrent que la hausse du déficit est plus grave que prévu puisque celui-ci augmente de 27,1 % en glissement annuel sur les huit premiers mois de 2016, à 2,5 milliards de dollars.

 

(Lire aussi : Les cinq chantiers économiques prioritaires du gouvernement)

 

« Dépenses non productives »
Paradoxalement, cette aggravation du creusement du déficit n'est pas causée par la hausse des dépenses publiques, moins importante que prévue dans l'avant-projet de budget pour 2016. Ce dernier tablait sur une hausse annuelle de 12,5 % des dépenses, à 15,22 milliards de dollars à fin décembre 2016. Cependant, les dépenses publiques totales effectuées sur les huit premiers mois de l'année ont augmenté de seulement 9,5 % en glissement annuel, à 9,4 milliards de dollars. Un différentiel qui s'explique sans doute par le fait que les prévisions pour 2016 prenaient en compte les coûts de l'adoption de la nouvelle grille des salaires, qui n'a toujours pas été entérinée.

Dans son rapport, M. Khalil considère que le vote du budget « constituera un début de solution à la crise financière », mais qu'une « série de réformes devraient être lancées pour restructurer les dépenses publiques », surtout que « plus de 77 % des dépenses sont non productives et sont uniquement consacrées soit à des rémunérations salariales et des allocations sociales, soit au paiement du service de la dette, ou encore aux transferts à Électricité du Liban (EDL) ».

En effet, l'un des principaux postes des dépenses publiques est dédié au paiement des salaires et aux allocations sociales. Le coût des salaires et des allocations sociales a augmenté en glissement annuel de 4 % à 2,4 milliards de dollars au premier semestre – les chiffres des huit premiers mois de 2016 n'ayant toujours pas été communiqués. Cela représente 36 % du total des dépenses (6,7 milliards de dollars fin juin), contre 36,3 % du total pour le service de la dette et 5 % pour les transferts à l'EDL sur cette période. Le service de la dette a augmenté de 5,4 % en glissement annuel à 2,9 milliards de dollars à fin août 2016, représentant 31,2 % du total des dépenses sur les huit premiers mois de 2016. En revanche, les transferts à EDL ont baissé de 33 % en glissement annuel à 521,2 millions de dollars fin août, principalement en raison de la baisse des prix du pétrole.

 

Faible hausse des recettes
L'aggravation du creusement du déficit public constatée fin août par rapport à celui prévu par l'avant-projet de budget pour 2016 résulte plutôt d'une croissance beaucoup moins importante des revenus de l'État.
Ainsi, alors que le ministère tablait sur une hausse annuelle de 12,1 % des revenus à 10,74 milliards de dollars en 2016, ceux-ci n'ont augmenté que de 4,1 % en glissement annuel à 6,9 milliards de dollars sur les huit premiers mois de 2016. Et pour cause, l'avant-projet de budget prenait en considération dans le calcul de ses prévisions l'adoption par le Parlement d'une série de mesures fiscales proposées par M. Khalil, comme l'introduction d'un impôt de 15 % sur les plus-values immobilières réalisées par les particuliers, la hausse de deux points de la taxe sur les intérêts bancaires (à 7 %) ou encore l'introduction d'une taxe de 2 % sur les transactions immobilières.

Plus en détails, les recettes fiscales ont quasiment stagné à environ 5 milliards de dollars à fin août 2016 par rapport à la même période de l'an dernier, tandis que les recettes non fiscales ont augmenté de 4,6 % à 1,4 milliard de dollars.

Si le gouvernement de Saad Hariri s'apprête réellement à voter l'avant-projet de budget pour l'exercice 2017, reste à savoir si celui-ci inclura toujours l'adoption d'une nouvelle grille des salaires et l'introduction de 27 nouvelles mesures fiscales. Vivement contestées par les milieux patronaux et financiers, ces réformes devraient respectivement coûter environ 796 millions de dollars sur l'exercice 2017, et générer 1,61 milliard de dollars de recettes fiscales supplémentaires, selon l'avant-projet de budget de M. Khalil.

 

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commentaires (1)

Ah, voilà un article clair avec des chiffres, des explications, de quoi éclairer le lecteur sur les causes du déficit et les solutions préconisées!

Marionet

08 h 35, le 04 janvier 2017

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Commentaires (1)

  • Ah, voilà un article clair avec des chiffres, des explications, de quoi éclairer le lecteur sur les causes du déficit et les solutions préconisées!

    Marionet

    08 h 35, le 04 janvier 2017

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