Rechercher
Rechercher

Santé - Reportage

Burkina : un savon contre le paludisme

En 2015, le paludisme a touché 214 millions de personnes dans le monde, 88 % des cas ayant été enregistrés en Afrique.

Un volontaire testant le savon antipaludisme. Photo Nabila el-Hadad/AFP

Plonger son avant-bras dans une boîte pleine de moustiques affamés : un groupe de courageux volontaires accepte l'expérience pour participer à l'élaboration au Burkina Faso d'un savon antimoustique, qui permettrait de lutter contre le paludisme, un fléau en Afrique. Cette maladie a fait près de 500 000 morts en 2015, dont la grande majorité sur le continent africain.
Un œil sur le chronomètre, Gérard Niyondiko, le jeune chercheur burundais à l'initiative de ce projet de savon spécial, observe le comportement d'une centaine de moustiques. « Ce sont tous des femelles affamées », explique-t-il.
Les volontaires s'attendent à se faire piquer, mais le liquide gras et odorant qu'on leur a appliqué au préalable sur la peau les protège de la nuée de moustiques voraces.
Dans ce petit laboratoire du Centre national de recherche et de formation sur le paludisme (CNRFP) à Ouagadougou, Gérard Niyondiko effectue des essais depuis juin pour évaluer l'efficacité des « principes actifs » qui doivent repousser les moustiques. La formule de ce produit est encore secrète, mais serait composée en majorité d'huiles essentielles issues de plantes principalement locales et africaines pour diminuer au maximum le coût de revient. En Afrique de l'Ouest, « le paludisme tue un enfant toutes les deux minutes », rappelle le trentenaire.
Sur les 214 millions de personnes souffrant du paludisme dans le monde en 2015, 88 % des cas ont été enregistrés en Afrique, selon le dernier rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Parmi eux, 438 000 en sont morts, les enfants restant les plus vulnérables.
L'idée du savon est venue en constatant que le paludisme continuait de faire des ravages malgré la distribution de moustiquaires. « La moustiquaire protège pendant le sommeil mais elle tient chaud et les populations les plus vulnérables n'ont pas les moyens d'acheter des répulsifs pour toute la famille pour se protéger le reste du temps », souligne Gérard Niyondiko. C'est pourquoi « nous avons pensé à un produit qui s'intègre dans la vie au quotidien des populations, qui ne nécessite pas de changement d'habitude », explique-t-il. Le savon présente le profil idéal car « c'est un produit que même les ménages les plus pauvres achètent et qu'ils peuvent partager dans toute la famille », note-t-il.

Sauver 100 000 vies
En recourant au savon, « un produit à un prix accessible » pour lutter préventivement contre le paludisme, on pourra « sauver ces gens qui ne sont pas prêts à – ou ne peuvent pas – dépenser plus pour se protéger », estime le chercheur. « On travaille sur la prévention avec un outil nouveau : en rapprochant deux choses qui n'ont a priori rien en commun, l'hygiène et le paludisme », explique la française Lisa Barutel, 28 ans, une des deux associés de Gérard.
« Notre objectif n'est pas de nous enrichir », assure le chercheur. « Nous voulons sauver 100 000 vies d'ici à 2020 », dit-il en reprenant le slogan de ce projet ambitieux qui vise les six pays les plus touchés par le paludisme en Afrique subsaharienne, dont le Burkina Faso.
Diplômé en chimie, Gérard a, grâce à une bourse, quitté son pays natal, le Burundi, pour suivre un master à l'Institut international d'ingénierie de l'eau et de l'environnement (2iE) de Ouagadougou.
Pendant son cursus, en 2013, il rencontre Lisa, alors chargée d'accompagner les étudiants dans leurs projets d'entreprise. La jeune femme lance alors « La Fabrique », un incubateur de projets d'entrepreneuriat social basé dans la capitale, et s'associe activement au projet de Gérard en l'appuyant dans la recherche de financements.
De 2013 à 2015, le projet est en stand-by faute de financements. Mais en 2015, l'équipe a revu ses ambitions à la hausse en comparant l'efficacité de plusieurs huiles et en adoptant une technique innovante, en partenariat avec une start-up en France spécialisée dans la micro-encapsulation (technique d'incorporation des principes actifs dans le savon pour garantir une plus grande efficacité en terme de durée).
« Pour la première étape, à savoir les essais en laboratoire, on en a eu pour environ 50 000 euros », explique Lisa. Cette somme a été entièrement financée grâce à des dons privés, la plupart collectés grâce à une opération de financement participatif qui a recueilli 70 000 euros, précise-t-elle.
Les essais sont réalisés en suivant un protocole scientifique strict pour que le savon soit homologué par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et puisse ensuite être recommandé à tous les pays. Mais pour en arriver là, il faudra que le savon antipaludisme franchisse encore d'autres étapes. Il manque encore deux phases pour boucler le projet.

Nabila EL-HADAD / AFP

Le manque de financement menace les progrès contre le paludisme

Un « besoin urgent » en financement menace les progrès enregistrés dans le monde dans la lutte contre le paludisme, a mis en garde l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a présenté récemment, à Londres, son rapport sur cette maladie responsable de 429 000 morts en 2015.
Entre 2010 et 2015, le nombre de nouveaux cas a chuté de 21 % et la mortalité de 29 % mais il y en avait toujours 212 millions en 2015, notamment en Afrique subsaharienne, souligne l'OMS.
Cette région du monde supporte une part disproportionnée de la charge mondiale du paludisme, avec, en 2015, 90 % des cas de paludisme et 92 % des décès, ajoute le rapport. Or, « dans beaucoup de pays de la région, des manques de moyens importants subsistent », regrette l'organisation, en expliquant qu'en 2015, 43 % de la population n'étaient pas protégés par les dispositifs de base (moustiquaires ou pulvérisations d'insecticide). « Les manques de financement et des systèmes de santé fragiles sapent les progrès (contre le paludisme) » et « mettent en péril la réussite des objectifs mondiaux », avertit l'OMS.
Le rapport souligne ainsi qu'après avoir fortement progressé entre 2000 et 2010, les financements alloués à la lutte contre cette maladie ont stagné, rapporte l'AFP. « Les progrès sans précédent dans la lutte contre le paludisme sont un des plus grands succès de l'histoire médicale. Pour autant, un enfant meurt du paludisme toutes les deux minutes », a regretté Pedro Alonso, responsable du programme mondial sur le paludisme à l'OMS, lors de la présentation du rapport. « Nous avons besoin de nouveaux médicaments », a-t-il ajouté, déplorant que certains pays en pleine croissance n'aient pas accru leurs investissements contre la maladie.
L'OMS constate, malgré tout, des progrès, en particulier dans l'accès aux soins préventifs et aux dépistages en Afrique subsaharienne pour les enfants et femmes enceintes, des populations particulièrement exposées à cette maladie potentiellement mortelle, causée par une piqûre de moustique infecté. L'organisation note qu'entre 2010 et 2015 dans vingt pays d'Afrique, le nombre de femmes recevant un traitement préventif a été multiplié par cinq.
L'OMS s'inquiète toutefois de la résistance grandissante des moustiques aux traitements et aux insecticides. Selon l'organisation, des cas de résistance au traitement standard (artémisinine) ont par exemple été détectés dans cinq pays de la sous-région du Grand Mékong (Asie du Sud-Est).

Plonger son avant-bras dans une boîte pleine de moustiques affamés : un groupe de courageux volontaires accepte l'expérience pour participer à l'élaboration au Burkina Faso d'un savon antimoustique, qui permettrait de lutter contre le paludisme, un fléau en Afrique. Cette maladie a fait près de 500 000 morts en 2015, dont la grande majorité sur le continent africain.Un œil sur le...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut