Chaque année, avec les pluies de l'hiver, le Liban est sous les eaux. Les routes se transforment en rivières, les escaliers en cascade, sans parler des éboulements et des embouteillages... Hier encore, les routes inondées ont causé des embouteillages sur les routes de Choueifat, Furn el-Chebback, Bourj Hammoud, Achrafieh ou encore Dbayeh. Mais les plus gros dégâts ont été causés avec Barbara, la première tempête de l'hiver qui a duré trois jours début décembre et rendu certaines routes quasi impraticables.
Comme par exemple à Ehden et Tripoli, dont les municipalités assurent avoir pris leurs dispositions pour limiter les dégâts. « La première tempête de l'année est toujours critique, il est normal de voir quelques routes inondées dès qu'il y a un pic de pluie. Mais cette tempête était plus clémente, et nous avons fait tout notre possible pour éviter les dégâts en nettoyant les caniveaux et les conduits d'évacuation d'eau », se félicite Chafic Ghazal, membre de la municipalité d'Ehden. « Nous n'avons pas eu d'accidents de voiture, et seulement quelques petites inondations, car nous avions pris les devants avec le nettoyage du réseau d'évacuation d'eau », affirme Yehya Fattal, directeur du comité touristique de la municipalité de Tripoli.
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Manque d'entretien
Le réseau d'évacuation des eaux de pluie, aussi appelé système de drainage, se matérialise par des regards – des grilles traversant les routes ou sur leurs abords – qui permettent à l'eau de s'écouler via des canalisations. Or, « le manque d'entretien du réseau de drainage disponible entraîne sa détérioration par endroit, ou son obstruction par des déchets, provoquant l'inondation des routes lors des pics de pluie », explique Élie Rafie, ingénieur civil des ponts et chaussées. Un constat partagé par la plupart des experts interrogés par L'Orient-Le Jour...
À l'exception du ministère des Travaux publics : « Les opérations d'entretien et de nettoyage du réseau de drainage sont en cours depuis le mois de septembre sur les grands axes routiers. De plus, pour les zones critiques, des équipes d'urgence du ministère sont déployées, notamment à Dora, Sultan Ibrahim, Khaldeh, Antélias, Dbayeh... » avance Tanios Boulos, directeur général des routes et des bâtiments au sein du ministère des Travaux publics et des Transports. Car la responsabilité de l'entretien du réseau principal de drainage, c'est-à-dire celui des routes internationales et principales, incombe au ministère des Travaux publics tandis que l'entretien du réseau secondaire, sur les routes locales, revient aux municipalités.
Mais, au-delà de l'entretien, se pose la question de la capacité du réseau existant d'assurer toute l'évacuation d'eau de pluie. Pour le ministère, « la cause principale du problème est l'accroissement de la population, d'autant plus avec l'afflux de réfugiés syriens, qui fait pression sur le système existant », plaide M. Boulos.
Mais, pour nombre d'experts, le problème est surtout lié à la conception du réseau. « L'inondation de la voirie en zone urbaine à chaque tombée de pluie est dû à l'absence de réseaux de drainage bien conçus pour évacuer les eaux pluviales. L'exemple frappant est l'entrée nord de Beyrouth située à quelques dizaines de mètres de la mer et qui se trouve constamment inondée en hiver », explique Moustapha Fawaz, propriétaire du Bureau technique d'urbanisme et de travaux publics, un cabinet de conseil en ingénierie. « Il existe des défaillances énormes, par exemple, dans la banlieue nord de Beyrouth, au niveau de l'autoroute, les quartiers ont été bétonnés sans y ajouter un système d'évacuation d'eau pluviale, l'eau reste donc en surface et n'est pas absorbée. Car l'un des facteurs de ces inondations reste le manque de planification des constructions sans que les infrastructures adéquates pour évacuer l'eau ne soient conçues et exécutées », détaille M. Rafie.
À Tripoli, la municipalité plaide pour une solution à long terme. « Notre réseau de drainage a besoin d'être considérablement amélioré et élargi. Mais nous avons besoin de fonds. Nous en avons fait la demande auprès du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) et du ministère des Travaux publics mais elle est restée lettre morte », déplore M. Fattal. Pourtant, impossible de tout refaire, « ajouter un système d'évacuation d'eau sur les routes préexistantes serait impensable. Le prix serait astronomique, car il faudrait démolir toutes les routes. Cela ne se fera jamais », lance l'ingénieur civil Sami Haddad.
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Pots-de-vin ?
« Il n'est pas nécessaire de rajouter ce système de drainage aux routes existantes, il suffit simplement de l'intégrer lors de la construction des nouvelles routes pour régler le problème. Le coût est extrêmement marginal, d'un ou deux pour cent supérieur au coût de construction de la route », estime M. Rafie. Selon M. Boulos, une nouvelle route incluant ce système de drainage coûte entre 1 et 1,5 million de dollars. « Il faudrait ajouter des tranchées drainantes lors de la construction de nouvelles routes, mais cela n'est pas fait », ajoute M. Haddad. « Comme toutes les infrastructures nécessaires, tels que les câbles téléphoniques, les systèmes de drainage sont intégrés dans les constructions des nouvelles routes », rétorque M. Boulos.
« Même en partant du principe que l'entrepreneur respecte les règles, il est néanmoins contraint de payer des pots-de-vin à l'administration, donc le système de drainage est généralement le premier élément à disparaître des plans », accuse cependant M. Rafie. Des problèmes de corruption pointés du doigt par la plupart des acteurs interrogés, sans détails ni exemples précis, et que M. Boulos n'a pas souhaité commenter.
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commentaires (2)
Ce pays est dirige par des nullites tout juste bonnes a se farcir leur compte bancaire ... Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu toujours rien venir a l'horizon ... ?
Remy Martin
10 h 36, le 14 décembre 2016