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Économie - Splendeurs et misères économiques

L’Arabie saoudite revient-elle dans la cour des grands ?

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse qui conseille des banques centrales et des fonds souverains. Il est l’auteur de « Misère et opulence » et de « Pour un capitalisme entre adultes consentants ».

L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) est donc finalement parvenue la semaine dernière à un accord consistant à baisser sa production d'un peu plus d'un million de barils/jour. Cette première décision concrète du cartel depuis 2008 n'a pourtant pu être prise que grâce à l'activisme – pour une fois subtil et innovant – de l'Arabie saoudite.

Lasse de jouer éternellement le rôle de fusible (« swing producer ») qui réduit ou qui augmente sa production afin de peser à la hausse ou à la baisse sur les prix, le premier producteur mondial de pétrole a mené une campagne diplomatique intense combinée à des méthodes peu orthodoxes.
En effet, non contente d'influer sur les décisions des treize autres membres de l'Opep, l'Arabie saoudite a parallèlement négocié étroitement avec un autre producteur majeur de pétrole n'appartenant pas au cartel, à savoir la Russie.

Ainsi, en dépit de leurs divergences fondamentales à propos de la Syrie, le très dynamique prince saoudien Mohammad ben Salman al-Saoud a rencontré plusieurs fois le président russe Vladimir Poutine, à la tête d'un pays produisant presque autant de pétrole que le royaume wahhabite, afin de se coordonner sur les réductions de leurs productions respectives. Les bons offices de Poutine – et sa bonne volonté – ne devaient néanmoins pas s'arrêter là puisqu'il intervint personnellement auprès de l'ennemi juré de l'Arabie saoudite – l'Iran – pour persuader son président Rohani de se joindre au mouvement général de baisse de la production pétrolière. Sinistré par des années de sanctions économiques, l'Iran a finalement accepté de geler sa production à 3,8 millions de barils/jour après un intense ballet diplomatique orchestré par une Arabie ayant intelligemment fait appel à Poutine. Ce dernier put en effet persuader l'Iran, car le royaume a de fait accepté de réaliser les plus importantes réductions qui seront de l'ordre de 500 000 barils/jour.

 

(Lire aussi : Pour son premier emprunt international, l’Arabie saoudite bat un record)

 

Pour autant, ce succès incontestable est également redevable à une manière de procéder assez révolutionnaire de l'Arabie saoudite qui a – fait rarissime – convoqué pour les consulter des traders en pétrole à Vienne. La première société indépendante de trading pétrolier – Vitol – et un des plus puissants hedge funds actifs dans le domaine – Andurand Capital Fund – furent ainsi conviés par la délégation saoudienne qui, à l'occasion des pourparlers avec les autres membres de l'Opep, fit usage des moyens de communication modernes afin d'optimiser ces discussions. Le prince Mohammad ben Salman al-Saoud imposa un service de messagerie dédié pour smartphones permettant à chaque membre de s'exprimer afin de parvenir à un accord acceptable de tous, augure au redressement souhaité des prix pétroliers.

Mohammad ben Salman al-Saoud confirme donc sa stature d'homme fort du royaume, connu, controversé, mais apprécié des cercles diplomatiques, et permettra peut-être à son pays de sortir d'une traversée d'un désert financier qui dure depuis près de trois ans. L'Arabie saoudite est, comme on le sait, très affectée par l'effondrement des prix du brut l'ayant contrainte à réduire drastiquement ses dépenses publiques, à augmenter ses taxes, à sabrer dans des allocations lui ayant traditionnellement permis d'acheter la paix sociale, et même à subir l'affront d'émettre des emprunts sur les marchés obligataires publics.

Mohammad ben Salman al-Saoud joue gros – et même son propre avenir – puisqu'il espère ainsi doubler le prince héritier légitime et ministre de l'Intérieur du royaume, Mohammad ben Nayef. Ses chances de bouleverser l'ordre de succession au trône saoudien sont désormais dépendantes des prix du pétrole, sachant que son pays a besoin d'un baril dépassant 55 dollars pour équilibrer son budget.

 

 

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Lasse de jouer...

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