Il y a quelques jours, des responsables estudiantins du Hezbollah empêchaient la diffusion de chansons patriotiques de Feyrouz et de Julia Boutros dans le campus de la faculté de génie de l'Université libanaise (UL), à Hadeth, lors d'une cérémonie organisée à l'occasion de la commémoration de la mort d'un étudiant, disparu dans un accident de la route.
L'affaire a provoqué un tollé dès les premiers instants et continuait hier de susciter des réactions révoltées, telle celle du leader druze Walid Joumblatt. « Ne nous privez pas de la prière pour Jérusalem (en allusion à la chanson éponyme de Feyrouz), la chanson de Feyrouz. Ne monopolisez pas la Palestine. La terre est à nous, Jérusalem est à nous », a exprimé dans un tweet M. Joumblatt, reprenant un passage de la chanson de la diva libanaise dédiée à la Ville Sainte. Également dans un tweet, le ministre de l'Éducation Élias Bou Saab a écrit : « En attendant de connaître les détails de ce regrettable incident à l'UL, je peux affirmer que les chansons de Feyrouz n'ont rien à voir là-dedans. L'affaire sera réglée, il faut que les libertés soient préservées pour tous, en vertu de la loi. »
Dans un communiqué qui visait apparemment à calmer le jeu, le mouvement estudiantin du Hezbollah a affirmé hier « sa volonté de considérer l'UL comme un lieu de coexistence et un recours pour les étudiants de différentes catégories sociales et d'appartenance nationale ». Et d'ajouter : « Ce qui s'est passé visait simplement à appliquer l'accord conclu entre le Conseil des étudiants de la branche et la direction de la faculté d'une part, et les mouvements estudiantins chargés d'organiser les activités, d'autre part. Les faits concernent en premier lieu le Conseil des étudiants de cette branche et la direction de la faculté, qui sont la référence chargée de déterminer les règles régissant l'organisation des activités. Nous respectons ces règles, et si les responsables concernés veulent les modifier, nous nous y conformerons. »
Le communiqué appelle « les étudiants de toutes les facultés, et notamment ceux de notre parti, à respecter les règles et les lois de l'université », fustigeant au passage « l'exagération médiatique qui vise à la dissension ».
Le point de vue de Mohammad Hassan al-Amine
Mais est-ce que la musique peut, quelle que soit la circonstance ou quelle que soit l'interprétation religieuse, être considérée comme une « offense » à une religion qui justifierait son interdiction ? Nous avons interrogé à ce propos sayyed Mohammad Hassan al-Amine, uléma et dignitaire chiite, sur les circonstances qui pourraient pousser à l'interdiction de la musique pour des causes religieuses. Voici sa réponse : « Pour ma part, comme savant religieux et uléma, je n'interdis jamais la musique ni le chant, sauf si cette musique est l'expression d'un art décadent et que d'autres rejetteraient autant que moi. Mais si la musique répond vraiment aux critères de l'art et conserve un certain niveau, je ne considère sous aucun prétexte qu'elle doit être prohibée. » Interrogé sur l'incident qui a eu lieu à l'UL en particulier, sayyed al-Amine a dit ne pas s'être attardé sur les détails, mais a estimé que « ces gens (qui ont interdit l'activité estudiantine en raison de la musique) sont des extrémistes et ne représentent pas mon point de vue ».
Indignation des partis
Les réactions stigmatisant l'attitude des étudiants du Hezbollah dans cette affaire étaient nombreuses hier, provenant notamment de partis politiques. Les professeurs du Parti socialiste progressiste (PSP) ne s'y sont pas trompés. Ils ont estimé que « l'interdiction de la diffusion de chansons de Feyrouz sur le campus de l'UL est un comportement qui représente une oppression des libertés individuelles garanties par la Constitution, une tentative de consacrer une mainmise de la pensée unique à l'université, et une atteinte à la pluralité qui la caractérise, ce qui menace sa pérennité et son développement ». Le mouvement estudiantin du PSP a également appelé « à unifier les efforts et à rejeter les tentatives d'asphyxier l'UL ».
Le parti Kataëb a exprimé « sa grande inquiétude » à l'encontre « des comportements du Hezbollah, qui vont de l'interdiction de la mixité dans les lieux publics à l'interdiction des chansons à l'UL ». Le parti a estimé, au cours de sa réunion hebdomadaire, que « ces actions sapent le fondement de l'État civil au Liban et le principe de pluralisme et de libertés publiques, ainsi que le mode de vie et la culture des Libanais ».
L'inquiétude est également le mot utilisé par le mouvement estudiantin du Parti communiste libanais (PCL) dans un communiqué. Celui-ci a exprimé son « refus de voir une quelconque partie s'octroyer le droit de gérer la vie des étudiants et d'hypothéquer leurs droits à l'UL ».
Les étudiants du Parti national libéral (PNL) ont pour leur part dénoncé l'incident en des termes véhéments, estimant qu'il s'agit là « d'une tentative de porter atteinte aux libertés et de bâillonner les étudiants à l'UL ».
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L,OBSCURANTISME QU,ON VEUT POUR LE PAYS... MAIS CA NE PASSERA PAS !
LA LIBRE EXPRESSION
12 h 14, le 07 décembre 2016