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Lebanons aux USA - Les Lebanons aux USA

Lebanon, une histoire d'accordéon et de drogue

Deuxième destination : Lebanon, Dakota du Sud (suite)

Sur son dos, Andy a fait tatouer une croix. Il espère qu'elle va l'aider à revenir clean. Photo Fadi Boukaram

(Ce texte est la suite de "Le mystère du faux cèdre de Lebanon...") 

Plus tard dans la soirée, je reviens au bar au Longbranch de Lebanon (Dakota du Sud) pour dîner. Il est toujours vide. Derrière le bar se trouve une femme aux longs cheveux blancs. Son nom est Jan. Elle me dit qu'elle m'attendait, Hazel lui avait parlé de mon arrivée. Notre conversation m'amène à comprendre ce que « petite ville » veut vraiment dire. Le bar est géré par trois femmes : Hazel, Jan et Linda, qui sont toutes trois de bonnes amies. Hazel était mariée à Michael, le frère de Jan, et Linda à Jim, l'autre frère de Jan. Linda et Jim ont divorcé et Michael est décédé. Hazel s'est alors mariée avec Jim, son ancien beau-frère et l'ex-mari de son amie. L'histoire ressemble à un feuilleton télé... Mais quand il n'y a pas grand monde, j'imagine qu'on est attiré par ceux que l'on voit le plus souvent.

En plus de s'occuper du bar, Jan joue de l'accordéon dans un groupe de musique country avec son frère Jim à la guitare – qui est d'ailleurs à la tête du conseil municipal de la ville. Je lui demande si elle peut jouer pour moi et, après avoir hésité, elle appelle Jim qui arrive quelques minutes plus tard avec Hazel. Ils jouent et chantent pendant environ une demi-heure. La sincérité de leur performance est profondément émouvante. J'applaudis avec enthousiasme après chaque chanson.

 

 

 

 
Je reviens la nuit suivante. La différence est frappante. Il y a une douzaine de personnes au bar. C'est la foule par rapport à la veille. Jan vient m'accueillir, se tourne vers les clients et crie : « Hey tout le monde, voici Fadi ! » Un « Hey Fadi » collectif me salue, je n'en reviens pas tant ces étrangers sont accueillants.

Je prends une bière – 1,25 dollar la pinte ; essayez de trouver ce prix à Beyrouth – et je me dirige vers le billard. Un homme qui avait apparemment entendu parler de mon histoire s'approche de moi et me dit : « Donc vous êtes du Liban. Eh bien j'ai grandi en Palestine. » Je ne lui laisse même pas la chance de continuer et commence à lui parler en arabe avec enthousiasme, chose que je n'ai pas faite depuis ce qui me semble être une éternité. Il me regarde d'un air perplexe puis rit : « Mec, je parlais de la ville de Palestine, dans l'Ohio. »

Nous continuons notre conversation, en anglais, et il me dit qu'il travaille dans la cuisine d'une station d'essence, où il prépare des hamburgers pour le salaire minimum. Mais il possède une voiture dernier cri et tout son équipement en électronique a l'air cher. Je lui demande comment il peut se permettre tout cela. « Je deale » à côté, répond-il sans hésitation.

 

Je pense qu'il veut dire du haschisch. Il m'invite chez ses amis, un couple marié qui s'est récemment installé en ville. « Ce sera différent du Bar Longbranch » où la plupart des gens sont beaucoup plus âgés, m'assure-t-il. Lui a 32 ans. Chez ses amis, je reconnais un homme du bar. Ils sont tous nerveux. La plupart d'entre eux ont la peau abîmée et des cernes sous les yeux. Je ne suis pas un expert en drogue, mais cela ne peut pas être l'effet de l'herbe. Ils s'agitent encore plus lorsqu'ils ils voient mon appareil photo. Alors je le range. Quelques minutes plus tard, l'homme qui vient de Palestine, Ohio (appelons-le Andy) et celui du bar commencent à se hurler dessus et ça dégénère en bagarre. L'homme du bar, qui est assez grand, tombe sur le sac de mon appareil photo. J'espère que mon équipement n'est pas cassé. Je m'excuse rapidement et je m'en vais.

 

 

Avant d'aller chez le couple, Andy voulait me montrer le nouveau terrain qu'il avait acheté. Je lui demande pourquoi il a déménagé à Lebanon, et il mentionne le fait que les prix sont bas et que la ville est isolée. La parcelle mesure 150 par 50 yards, un peu plus de 1 000 m2. « À combien penses-tu que je l'ai achetée » ?, me demande-t-il. « 50 000 dollars » ? Il rit et me dit que la parcelle était à seulement 3 500 dollars. Trois mille cinq cents dollars.
Il refuse que je le prenne en photo. Il essaie de reprendre sa vie en main, me dit-il, et espère pouvoir faire venir sa petite amie et ses deux enfants, âgés de 13 et 10 ans, qui vivent dans l'Illinois, après avoir construit sa maison. Il s'est récemment fait tatoué une croix. Il espère que cette croix va l'aider à revenir clean.

Avec lui, je comprends que lorsque ces petites villes se dépeuplent, les prix des terrains chutent. Et quand il n'y a plus de police dans le coin, ces petites villes deviennent l'endroit rêvé pour passer inaperçu. Les habitants de la ville sont tous au courant qu'il vend de la drogue, mais restent accueillants avec lui tant qu'il ne cause pas de problèmes. Je n'arrête pas de me demander si leur accueil est sincère, ou s'il n'est que le résultat d'une forme d'impuissance. Je me demande si la ville sera le théâtre d'accrochages. Je me demande ces petites villes sont condamnées à devenir ce qu'on appelle les « Meth towns », les « villes de la methamphétamine ».

 

 

(Cet article fait partie du road trip de Fadi Boukaram, sur la piste des villes baptisées Lebanon aux Etats-unis. Découvrez ses précédents récits de voyage ici)

 

(Ce texte est la suite de "Le mystère du faux cèdre de Lebanon...") 
Plus tard dans la soirée, je reviens au bar au Longbranch de Lebanon (Dakota du Sud) pour dîner. Il est toujours vide. Derrière le bar se trouve une femme aux longs cheveux blancs. Son nom est Jan. Elle me dit qu'elle m'attendait, Hazel lui avait parlé de mon arrivée. Notre conversation m'amène à comprendre ce que «...

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