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Nos Lecteurs ont la Parole - Par Youssef MOUAWAD

Mort(s) pour l’Iran

Qu'un citoyen américain donne sa vie pour la liberté en Iran, c'est quand même insolite, vous en conviendrez. Et qui plus est, Howard Baskerville, c'est son nom, était un missionnaire presbytérien, diplômé de l'université de Princeton. Au début du siècle dernier, il s'était rendu à Tabriz en qualité d'enseignant
Avec le déclenchement de la révolution constitutionnelle au printemps 1909, il leva une troupe de cent volontaires locaux pour défendre la ville contre les troupes royalistes qui l'assiégeaient. Il fut tué dans l'engagement ; il n'avait que 24 ans. À ceux qui le dissuadaient de prendre part à une querelle qui ne le regardait pas, il aurait répondu : « La seule différence entre ces gens et moi est notre lieu de naissance, et ça ne fait pas beaucoup. » Il fut surnommé le Lafayette de la Perse et son souvenir était resté vivace dans les milieux démocrates de ce pays, et il en reste !
Une vie si brève et un cœur si généreux nous interpellent et nous posent la question de savoir s'il était mort pour la cause de la liberté ou pour celle de l'Iran ?
Dans son cas, les deux causes pouvaient se confondre.
La même question peut être posée aux jeunes recrues du Hezbollah. À ceux qui donnent leur vie en Syrie, on peut légitimement demander : le faites-vous pour l'Iran ou pour la liberté ?
Quand on se bat à l'étranger, c'est soit pour des idées, soit pour le profit, c'est-à-dire comme mercenaires ou gentilshommes de fortune. Les Brigades internationales se constituèrent pour lutter en Espagne contre Franco et le fascisme. Ernesto Che Guevara tenta de soulever la Bolivie contre la dictature instituée. Les guérilleros sont par définition des idéalistes. En revanche, Bob Denard, Simon Mann et leurs nervis étaient intervenus dans l'Afrique postcoloniale pour des opérations coup de poing. Ces baroudeurs étaient motivés par l'appât du gain et le goût du risque. Nulle trace d'idéalisme dans leurs rangs.
Alors dans quelle catégorie mettre les guerriers du wilayat al-faqih qui vont se battre en Syrie ? De toute évidence, ce ne sont pas des mercenaires. Mais est-ce à dire qu'ils vont au feu au nom de la démocratie comme le jeune Baskerville ? Difficile de le croire ! Leur action sur le terrain vise à maintenir au pouvoir un tyran qui n'a pas hésité, entre autres forfaits, à se servir d'armes chimiques contre des civils innocents. Il est, par ailleurs, difficile de comparer les contingents du Hezbollah aux prises avec les rebelles syriens, aux Brigades internationales de la guerre d'Espagne. Et même si, pour être réaliste, on peut se féliciter incidemment des raclées qu'ils assènent de temps à autre à Daech, à la Nosra et à leurs suppôts.
Les hezbollahis, en Syrie, ne sont pas non plus des combattants de la liberté, car ils ne sont pas du bord des révoltés contre l'ordre baassiste. En gros, leurs brigades ne constitueraient que des troupes supplétives impliquées dans un conflit régional où, sans l'appui aérien russe, elles seraient en mauvaise posture. Ainsi nous n'avons pas affaire à des insurgés, volontaires à titre individuel, pour aller au casse-pipe dans le cadre d'un soulèvement populaire. Loin de là, nous parlons de professionnels (rémunérés ?) dont le commandement décide où et quand les dépêcher sur la ligne de front. Sur l'échiquier du conflit, ils agissent en fonction d'une stratégie globale concoctée à Téhéran car ils font partie de ses réserves et de sa force d'intervention en domaine arabe. L'Iran a tant investi dans cette milice de Dieu, et depuis les années quatre-vingt, qu'il est en droit et en mesure de l'employer sur le terrain miné de son choix. Et comme la Légion étrangère a sauté sur Kolwezi (Zaïre) en 1978, voilà qu'en ce moment précis, des combattants originaires des paisibles villages de Habbouch ou de Sawaneh investissent en treillis les quartiers de la ville millénaire d'Alep !
Les hezbollahis ont certainement été des « freedom fighters » face à Israël quand il s'agissait de libérer le Sud libanais, mais ils ne le sont plus quand ils défilent en rangs serrés à Qousseir ou quand ils agissent comme force de répression en territoire syrien.
Répondant à l'appel d'une autorité suprême, conditionnés par une idéologie sacrée, fanatisés par leurs chefs, galvanisés par certaines victoires, si dérisoires soient-elles, ce ne sont pas des vecteurs de démocratie. Leur embrigadement ne rassure pas quant à leur liberté d'esprit, et le mot d'ordre du taklif char'ii n'en fait pas des passionnés des libertés, encore moins des militants des droits de l'homme.
Mais qu'importe, l'Iran, venant à la rescousse de Bachar el-Assad, a décidé de jeter dans la mêlée ces troupes composées de braves Libanais. Et quoi qu'on en dise, la décision d'engager le combat ou d'entamer une retraite revient exclusivement à Téhéran, et plus précisément au général Soulaymani. Et qui viendrait prétendre le contraire ? Certainement pas leurs responsables hiérarchiques calfeutrés à Dahié.
« Dulce et decorum est pro patria mori », nous dit le poète latin. En effet, comme il est fascinant et enivrant de se sacrifier pour son pays. Mais alors, jeunes recrues du Hezbollah, c'est à se demander si vous ne vous êtes pas trompés de patrie !
Mourir pour le Liban, c'est là votre honneur, et vous avez fait preuve de valeur face à l'occupant israélien, et vos martyrs, qui sont les nôtres, ont bien mérité de la patrie. Mais mourir pour l'Iran, pourquoi aller si loin ? Et pour quoi faire ?

Qu'un citoyen américain donne sa vie pour la liberté en Iran, c'est quand même insolite, vous en conviendrez. Et qui plus est, Howard Baskerville, c'est son nom, était un missionnaire presbytérien, diplômé de l'université de Princeton. Au début du siècle dernier, il s'était rendu à Tabriz en qualité d'enseignantAvec le déclenchement de la révolution constitutionnelle au...

commentaires (4)

Oui, mourir pour l'Iran et pourquoi faire? On se demande si les parents et les proches de ces jeunes recrues du Hezbollah se posent cette question? Ont ils meme le droit de se la poser......

Helou Nelly

18 h 56, le 30 novembre 2016

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Oui, mourir pour l'Iran et pourquoi faire? On se demande si les parents et les proches de ces jeunes recrues du Hezbollah se posent cette question? Ont ils meme le droit de se la poser......

    Helou Nelly

    18 h 56, le 30 novembre 2016

  • Ce sujet est tellement sérieux, que nous l'écrire de cette façon aussi ignare des valeurs humaines paraît comme désolant pour son auteur . Il y'a des choses qui vous manquent mr youssef mouawad, des paramètres qui vont au delà de ce que vous maîtrisez assis dans votre salon douillet à subir l'arrogance de puissances régionales et internationales , qui elles n'hésitent pas à vous envoyer des mercenaires , de vrais mercenaires qui se fichent des frontières dans lesquelles vous voulez enfermer un parti de la résistance à tout ça. Ça va , votre café est encore chaud ?

    FRIK-A-FRAK

    10 h 04, le 30 novembre 2016

  • LE TITRE DIT TOUT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 34, le 30 novembre 2016

  • "mourir pour l'Iran, pour quoi faire ?" La question mérite bien d'être posée. Combattre une puissance occupante est un droit sacré. Une fois la patrie libéreé, continuer la lutte, partout dans le monde contre les intérêts de cette même puissance, ne l'est plus, mais peut, à la rigueur, se concevoir. Mais s'engager dans des conflits qui n'ont plus rien à voir, ni avec les intérêt de cet ancien occupant, ni avec ceux de la patrie, n'a, pour un patriote, aucun sens. La seul explication possible - et que tout, dans l'histoire du Hezbollah, vient conforter- est que cette milice n'a rien à voir avec le Liban, mais est au service des intérêts iranien et d'eux seuls.

    Yves Prevost

    07 h 45, le 30 novembre 2016

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