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Liban - Environnement

« Il est crucial de mettre en avant la valeur économique des forêts »

Abdel Hamied Adam Hamid, expert forestier de la FAO, explique à « L'OLJ » comment un tri plus efficace des semences améliore le reboisement.

Abdel Hamied Hamid : Il est important de mettre au point un plan de gestion des forêts afin de prévenir les incendies.

Au Liban, on parle souvent de reboisement et on prend fierté à annoncer des campagnes de plantation ici et là. Mais qui surveille le facteur le plus important du reboisement, à savoir le choix des semences et leur préparation, en vue de planter les bonnes espèces au bon endroit et d'assurer le succès maximal des efforts de reforestation ?

Hier, lors d'une conférence donnée par le ministère de l'Agriculture en collaboration avec la FAO, Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, a été lancé le projet de Centre national pour les semences et les plants forestiers, qui s'occupera justement de la question des semences. Le centre verra le jour dans deux ans et sera financé par la Norvège à hauteur de 373 000 dollars. Il sera situé à l'Institut de recherche agricole du Liban (IRAL).

Pour mieux comprendre l'intérêt d'un tel centre pour les semences et plants forestiers, L'OLJ a interrogé Abdel Hamied Adam Hamid, expert forestier au Bureau régional pour le Proche-Orient de la FAO, au Caire. M. Hamid fait remarquer d'emblée que le Liban manifeste un intérêt officiel pour le reboisement et a mis au point un plan ambitieux baptisé « 40 millions d'arbres ». « Or on ne peut envisager de reboisement sans s'occuper des semences, dit-il. Actuellement, il y a un problème dans le domaine des semences au Liban des points de vue qualitatif et quantitatif. La plupart de ceux qui possèdent des pépinières, qu'ils soient dans des associations ou relevant du ministère de l'Agriculture, utilisent des semences dont l'origine est inconnue. »

Pourquoi cette lacune au Liban ? « Il n'y avait pas jusque-là d'organisme spécialisé capable de collecter les semences, les préparer pour la plantation et délivrer un certificat de qualité avant de les distribuer », précise l'expert. Il ajoute qu'il est crucial d'être en mesure d'effectuer la traçabilité du produit, en d'autres termes préciser quelle est la région d'origine de la semence, l'espèce, le degré de pureté, le taux de germination (en d'autres termes les chances que la graine se développe en arbre).

 

Multiplier les gènes des « arbres-mères »
« Le Centre national pour les semences et plants forestiers aura pour mission de collecter les graines présentant les meilleures conditions à partir de ce qu'on appelle des arbres-mères, qui sont des spécimens particulièrement performants repérés dans des zones forestières de grande qualité, explique M. Hamid. Il faudra choisir ces spécimens suivant nos besoins en matière de reboisement : à titre d'exemple, nous pourrions rechercher des arbres ayant une qualité de résistance à certaines maladies ou conditions climatiques, ou encore des arbres dont le bois est utilisé dans l'industrie. Ces qualités peuvent être trouvées auprès de ces arbres-mères dans leur milieu naturel, qui deviendront alors un pourvoyeur privilégié de semences. Le centre ne comportera que des semences dont la provenance, ainsi que les caractéristiques, sont connues, et d'origine exclusivement naturelle. »

Les semences arriveront au centre à l'état brut, elles feront l'objet de tests de laboratoire avant d'être apprêtées à la plantation et empaquetées avec toutes les informations indispensables, à l'intention des propriétaires de pépinières. Les certificats délivrés avec les produits comporteront des indications sur l'origine de la semence, son degré de pureté, son taux de germination (jamais moins de 58 %), et le nombre de graines dans le paquet.

Outre l'aide aux reboiseurs, ce processus aide à la préservation des espèces végétales locales. « Nous contribuons ainsi à la multiplication des plants d'espèces natives, explique l'expert forestier. En effet, l'arbre-mère dont nous prélevons la graine aujourd'hui peut ne plus exister dans dix ans, il y aura au moins d'autres spécimens dans la nature. » Le rôle de la FAO sera de superviser techniquement la création de ce centre et sa mise en opération.

Quelle est la meilleure approche pour le reboisement ? « Le mieux est d'utiliser des semences natives car elles sont mieux adaptées aux conditions du pays, dit M. Hamid. Des semences importées peuvent être sujettes à des problèmes. Et il vaut toujours mieux planter les semences dans des milieux similaires à ceux où elles ont été prélevées. »

 

La valeur des forêts, ça se calcule !
Parler de reboisement ne suffit plus aujourd'hui, les dangers qui menacent les forêts existantes sont nombreux, dont les incendies ne sont pas les moindres... « Pour faire face à ce fléau, il est indispensable de recourir à des mesures de gestion des forêts, qui sont malheureusement peu appliquées au Liban, répond l'expert. Dans ce pays, on est davantage préoccupé par la plantation sans qu'il n'y ait de réelle préparation ou un réel suivi. Or ces plants nécessitent une intervention par la suite, notamment pour l'élagage. En effet, une très grande densité de certaines espèces, comme les conifères par exemple, finit par représenter une biomasse excessivement inflammable. Il convient alors d'élaguer ces espaces, ou de réduire le nombre d'arbres, ou alors de diversifier les espèces en présence. On devrait aussi permettre le pâturage à certaines périodes de l'année, car les animaux broutent les feuilles inflammables. »

Un autre facteur de disparition des espaces verts est l'urbanisation rapide. Or les forêts ont bel et bien une importance économique, notamment dans notre région de la Méditerranée du Sud. « Ce problème survient dans tous les pays où le prix du mètre carré augmente, et devient supérieur à la valeur agricole des terrains, estime M. Hamid. Cela a des répercussions sur les forêts comme sur l'agriculture. Il est donc crucial de mettre en avant la valeur économique des forêts, en tenant compte des services écologiques qu'elles rendent au milieu naturel, que ce soit au niveau de la protection des sols ou encore des ressources hydrauliques... »
Il ajoute : « Si on fait des études suffisantes sur tous ces aspects, cela permettrait de convertir ces services écologiques en valeurs économiques. Il faut, à titre d'exemple, déterminer le coût de dégradation des sols, de l'érosion, des modifications climatiques. Si, à la lumière de ces données, on calcule le coût de l'infrastructure à construire pour compenser la disparition de couverture végétale, la valeur économique des forêts sera alors évidente. » À savoir que de telles études restent à effectuer au Liban.

Enfin, que lui vient-il à l'esprit quand il pense aux forêts du Liban, un pays qu'il connaît bien ? « Je pense que, comparé aux autres pays de cette région, le Liban va bien, parce que cette inquiétude sur le sort des forêts au sein de la société représente, à mes yeux, une valeur certaine, dit-il. Il existe une conscience de l'importance des forêts, chez les citoyens comme chez les responsables, quels que soient les problèmes. »

 

Pour mémoire

Des forêts en flammes, de Aïn el-Rihané à Bkerké

Au Liban, on parle souvent de reboisement et on prend fierté à annoncer des campagnes de plantation ici et là. Mais qui surveille le facteur le plus important du reboisement, à savoir le choix des semences et leur préparation, en vue de planter les bonnes espèces au bon endroit et d'assurer le succès maximal des efforts de reforestation ?
Hier, lors d'une conférence donnée par le...

commentaires (1)

Reboisement ok , et merci Monsieur pour votre exposé très professionnel ...Mais quand est 'il, de la protection des forêts ? contre les coupes sauvages , la pollution d'origine industrielle et ménagère, sans parler, de la protection de la faune qui habite les forêts ...victime de la chasse aussi prédatrice qu'abusive...?

M.V.

12 h 06, le 25 novembre 2016

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Commentaires (1)

  • Reboisement ok , et merci Monsieur pour votre exposé très professionnel ...Mais quand est 'il, de la protection des forêts ? contre les coupes sauvages , la pollution d'origine industrielle et ménagère, sans parler, de la protection de la faune qui habite les forêts ...victime de la chasse aussi prédatrice qu'abusive...?

    M.V.

    12 h 06, le 25 novembre 2016

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