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Liban - Reportage

Ramlet el-Baïda en proie aux promoteurs, la société civile se débat

Les activistes qui militent pour la protection de la plage publique de Ramlet el-Baïda promettent l'escalade, dès aujourd'hui, face au géant Eden Rock et son promoteur Achour.

Le ton monte entre les activistes qui tentent de protéger le site et les promoteurs.

Ramlet el-Baïda. Lundi 14 novembre 2016. À l'extrémité sud de la plage publique de sable blanc, face à l'ambassade des Émirats arabes unis, le chantier du complexe balnéaire de l'entreprise Eden Rock bat son plein. Lentement mais sûrement, les travaux avancent. Des structures métalliques émergent déjà du sol sablonneux. Tracteurs, pelleteuses, camions, grues et ouvriers s'activent, indifférents à la poignée d'activistes en colère qui tentent en vain de freiner le projet. Parmi ces activistes de l'association du Grand Bleu (responsable de la protection de la plage de Ramlet el-Baïda), du Mouvement environnemental libanais et du Mouvement pour la fermeture de la décharge de Naamé, Effat Idriss Chatila, présidente du Grand Bleu, Raja Noujaim, responsable de l'Association de protection du patrimoine libanais, et Nazih Rayess, également responsable du Grand Bleu.

 

Le bras de fer s'envenime
Le chantier bordé de monticules de sable « empiète sur la plage publique ». « Son recul aurait dû être de 20 mètres, mais il n'est que de 2 mètres », montrent-ils, schéma à l'appui. Les eaux que déversent ses pompes creusent de profonds sillons dans le sable qui prend des teintes couleur de rouille par endroits. Ajoutées aux égouts nauséabonds qui se jettent à ciel ouvert dans la mer, elles rendent infréquentable cette partie de la plage, décourageant même les promeneurs. Un comble pour ces défenseurs de la plage publique, outrés de voir que le projet qu'ils ont tant combattu est en train de voir le jour, envers et contre tous, malgré l'interdiction du ministère des Travaux publics et des Transports.

Entre les militants et les représentants de Mohammad Achour, promoteur du projet, le ton monte. On en vient aux mains. On se bouscule. Un militant est aspergé d'eau. Un autre est blessé à l'œil et doit être hospitalisé. Des malabars usent de leur grosse voix, histoire d'intimider les protestataires, d'interdire à la presse l'accès au site. Mais rien n'y fait. Les militants redoublent de colère. Ils invitent le promoteur à rectifier le tir, à déplacer les murs de sable vers l'intérieur du chantier et à déverser les eaux de trop dans des réservoirs, pour protéger le sable marin. « Je vais l'enterrer ici », bougonne excédé le directeur du projet, Mohammad Chbib, à l'intention d'un Raja Noujaim intarissable sur les violations de loi. « Il est interdit d'empiéter sur les biens publics. Vous n'avez pas le droit de défigurer la plage », crie ce dernier inlassablement.

Dépêchées sur place, toutes sirènes hurlantes, les Forces de sécurité intérieure tentent de ramener tout le monde à la raison. Elles y parviendront à force de patience. Les représentants du promoteur reconnaîtront même « avoir empiété sur les biens publics, de manière provisoire ». Mais les militants promettent de porter plainte pour agression. Et menacent surtout de recourir à l'escalade dès ce soir.

 

(Lire aussi : Les travaux se poursuivent... et le sable disparu est irremplaçable !)

 

Un grave précédent
C'est un ras-le-bol qu'ont tenu à exprimer hier les militants de la société civile. Ras-le-bol, d'abord, parce qu'un complexe balnéaire privé, de 6 000 mètres carrés environ, est en train de voir le jour sur une plage publique, en dépit de la loi qui l'interdit. « La loi 144s de 1925 considère comme faisant partie du domaine public maritime tout bout de terre atteint par les vagues en hiver », explique à ce propos Nazih Rayess, directeur de la plage de Ramlet el-Baïda. Citant l'article 3 de cette même loi, il poursuit que dans le cas où une personne serait propriétaire d'un bien public, quand bien même la loi l'interdit, l'État est dans l'obligation de l'acheter. « Le problème est que le promoteur réclame 80 millions de dollars », déplore-t-il. « Pire encore, le bien-fonds avait une forme elliptique. Mais aujourd'hui, le projet s'étend en rectangle », constate M. Rayess, faisant part d'un « grignotage de terrain ».

Chargée en 2003 par la direction générale des Travaux publcs et des Transports terrestre et maritime de veiller à la préservation de la plage de Ramlet el-Baïda, l'association du Grand Bleu a aujourd'hui les mains liées. « Cette plage est connue sous le nom de plage des tortues. Elle est importante pour sa biodiversité, outre le fait qu'elle est un bol d'air frais pour les Beyrouthins, explique Effat Idriss Chatila. Autoriser la construction dessus est un grave précédent », souligne-t-elle.
Quoique illégal, le projet a, semble-t-il, le feu vert des autorités. « Nous avons attendu que le ministère des Travaux publics et des Transports bouge. Mais rien », gronde de son côté Raja Noujaim. « Les promoteurs du projet veulent même nous interdire l'accès au site, alors qu'il est situé sur une plage publique. »

Le coup de grâce a été porté aux activistes par le gouverneur (mohafez) de Beyrouth, Ziyad Chbib, qui a levé l'interdiction de construire sur le bien-fonds en août dernier. « Il a considéré que le terrain est surélevé par rapport à la plage, que la nature de son sol n'est pas en continuité avec la plage et que les vagues ne l'atteignent pas en hiver. Il s'est enfin basé sur le titre de propriété dont dispose la société Eden Rock. »
L'escalade est aujourd'hui la seule option des activistes qui envisagent, outre des actions populaires sur le terrain, de recourir à la justice.

 

 

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Ramlet el-Baïda. Lundi 14 novembre 2016. À l'extrémité sud de la plage publique de sable blanc, face à l'ambassade des Émirats arabes unis, le chantier du complexe balnéaire de l'entreprise Eden Rock bat son plein. Lentement mais sûrement, les travaux avancent. Des structures métalliques émergent déjà du sol sablonneux. Tracteurs, pelleteuses, camions, grues et ouvriers s'activent,...

commentaires (4)

Balad hayawanet

Tabet Karim

10 h 43, le 15 novembre 2016

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Commentaires (4)

  • Balad hayawanet

    Tabet Karim

    10 h 43, le 15 novembre 2016

  • Il faudrait une marche nationale du peuple ...pour sauvez "l'âme côtière" de Beyrouth....!!

    M.V.

    08 h 58, le 15 novembre 2016

  • https://zeinazerbe.wordpress.com/2013/06/25/entre-plages-publiques-et-plages-privees-au-liban-une-longue-histoire-de-luttes-citoyennes-et-dexploitation-controversee/

    Zerbé Zeina

    08 h 02, le 15 novembre 2016

  • LA RAISON DU PLUS FORT EST TOUJOURS LA MEILLEURE. VOUS ME L'AVEZ DEMONTRE TOUT A L'HEURE

    Georges Airut

    03 h 11, le 15 novembre 2016

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