Malgré l'interdiction décidée par le ministère des Travaux publics et des Transports, malgré le tollé provoqué dans l'opinion publique par cette affaire, l'extraction de sable se poursuit sur un terrain à l'extrême sud de la plage de Ramlet el-Beida (Eden Rock). Des photos fournies hier par des militants montrent l'étendue des dégâts sur la dernière plage publique de Beyrouth, et prouvent que de l'eau douce jaillit sur le site des excavations.
Le militant Raja Noujaim déplore que les travaux n'aient toujours pas cessé, et que l'excavation de sable de mer « se poursuive en présence des forces de l'ordre, et après leur départ ». Il relève « l'indifférence de Wissam Achour (l'entrepreneur) concernant l'eau douce qui jaillit du site », affirmant que ces couches de sable « n'auraient pas dû être touchées étant donné que toute cette zone est sablonneuse et fait partie des biens-fonds de la plage, contrairement à ce que le mohafez (de Beyrouth, Ziad Chbib) et son équipe peuvent en dire ». Rappelons que le mohafez précise, dans le permis de construire octroyé à l'entrepreneur, que cette zone est rocheuse et privée.
Mais pourquoi ce sable est-il si convoité ? L'hydrogéologue Samir Zaatiti apporte des éléments de réponse. « C'est l'histoire de ces grains de quartz transparents (qui entrent dans la fabrication du verre) provenant de l'effritement des roches de granit tout au long du cours du Nil, et que les crues du Nil charrient vers la mer Méditerranée », explique-t-il. Il poursuit : « Les courants marins qui circulent à l'opposé des aiguilles d'une montre en Méditerranée, c'est-à-dire du sud au nord, déposent ces grains de quartz dans les zones basses sur le littoral sablonneux. Ce processus géologique se poursuit depuis des millions d'années, mais a été pratiquement interrompu depuis la construction du barrage d'Assouan. En d'autres termes, chaque grain de sable déplacé de la plage de Ramlet el-Beida pour une poignée de dollars ne pourra plus jamais être remplacé. La plage, si ces opérations se poursuivent, apparaîtra comme un marécage où l'eau douce se mélange à l'eau de mer, constituant un milieu idéal pour la prolifération des moustiques, des mouches et d'autres insectes marins. »
« En d'autres termes, insiste le spécialiste, la physionomie de la plage sera définitivement changée, et la belle façade maritime de Beyrouth défigurée à jamais. » Affirmant que ses propos sont purement scientifiques, Samir Zaatiti se demande « qui peut mettre fin à cette catastrophe écologique ». « Cette cause est juste, et tellement plus importante que les disputes entre les responsables de ce pays! s'insurge-t-il. Qui protège l'environnement au Liban et la façade maritime de Beyrouth ? Où sont les leaders, les députés, les ministres, la municipalité de la capitale et son mohafez ? »
Pour sa part, Raja Noujaim fustige les responsables pour leur inaction, notamment le ministre de l'Intérieur et le Premier ministre pour leur silence. « Si les travaux se poursuivent à ce train, il n'y aura bientôt plus de plage à Ramlet el-Baïda vu que le sable est irremplaçable, dit-il. Les forces de l'ordre doivent agir pour rendre à la plage ces quelque 5 000 mètres cubes de sable qui ont été excavés et transportés puis stockés dans les dépôts des sociétés de Jihad el-Arab à Choueifate, tout comme le sable provenant de Costa Brava (NDLR: site de construction d'une décharge) et de Nahr el-Kalb (NDLR: des travaux pour » dégager « le cours du fleuve). » Il a par ailleurs appelé la justice à se saisir de cette affaire le plus tôt possible.
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commentaires (11)
... et ou est la splendide baie du Saint-Georges, Zaitoune et l'Avenue des Francais, ses palmiers et l'Hotel Normandie ... ?
Remy Martin
10 h 20, le 13 octobre 2016