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Économie - Liban - Focus

Trust et actions au porteur : les bénéficiaires réels dans le viseur

L'adaptation de la législation en la matière était considérée comme un prérequis à la mise en œuvre des nouvelles normes d'échange d'informations fiscales.

Les résidents libanais qui exercent une activité fiduciaire pour un trust étranger doivent déclarer leurs revenus au fisc libanais. Photo Yarlander/Bigstock

Officialisé le 4 novembre par le Forum mondial pour la transparence fiscale (FM), le passage à la phase suivante de l'évaluation du système libanais d'échange d'informations fiscales sur demande a été permis par le vote de quatre lois le 19 octobre dernier. Celles-ci portent respectivement sur l'échange d'informations fiscales, la définition des critères de résidence fiscale, la suppression des actions au porteur et l'obligation de déclaration des activités fiduciaires des trusts à l'étranger. Les deux dernières lois, entrées en vigueur le 3 novembre, ont pour objectif de permettre d'identifier les bénéficiaires réels des structures juridiques, considéré comme un prérequis à l'efficacité de l'échange d'informations fiscales.

Un enjeu devenu capital suite au scandale des Panama Papers qui a jeté la lumière sur les activités opaques. Dans le communiqué publié à l'occasion de leur rencontre à Washington en avril dernier, les ministres des Finances du G20 ont déclaré qu'« améliorer la transparence sur les ayants-droit (...) est vital pour protéger l'intégrité du système financier international et empêcher l'utilisation de ces entités à des fins de corruption, d'évasion fiscale ». « Pour le FM et l'OCDE, le plus important pour la norme d'échange automatique d'informations (que le Liban s'est engagé à adopter dès septembre 2018, ndlr) est l'identification des bénéficiaires réels qui se cachent derrière les trusts et les prête-noms. C'est le système du « look through », explique l'avocat fiscaliste Karim Daher.

 

Actions au porteur
Première manifestation de cette volonté, la suppression totale des actions au porteur. Déjà en novembre 2015, un texte de loi, qui comprenait des dispositions obligeant tous les actionnaires à déclarer leurs actions, avait été proposé lors de la séance législative de nécessité de novembre 2015 mais avait été renvoyé en commission. Prenant les devants, le 29 février, la Banque centrale (BDL), via sa circulaire n° 411, avait interdit les banques et les sociétés financières « d'effectuer de quelconques opérations avec des sociétés ou des fonds communs de placement, dont les actions sont détenues au porteur, en partie ou en totalité (...) » selon son article premier. Or l'adoption d'une loi avait été expressément exigée par le FM à de nombreuses reprises : « La BDL avait émis une circulaire pour pouvoir rassurer le FM avant de passer cette loi, mais cela n'était pas suffisant, car les circulaires n'ont pas force de loi et s'appliquent seulement aux banques », souligne Karim Daher.

Le nouveau texte adopté le 19 octobre dernier interdit donc de manière totale les actions au porteur en demandant aux sociétés libanaises de changer le statut de ces actions en actions nominatives avant la première assemblée générale des actionnaires, dans un délai maximum d'un an, dès l'entrée en vigueur de la loi. « Pour modifier les statuts des actions, il faut les enregistrer au registre du commerce. C'est une longue procédure administrative, qu'il était impossible de mettre en place dans le délai de trois mois initialement prévu », détaille Karim Daher. Selon lui, l'effet concret de cette loi restera assez faible, étant donné que ce type d'actions n'est plus très répandu au Liban.

 

Trusts
Mais on ne peut pas en dire autant des activités fiduciaires des résidents libanais pour les trusts étrangers. « Un trust est un mécanisme juridique de droit anglo-saxon en vertu duquel une personne appelée"settlor" confie à une personne – morale ou physique – appelée "trustee", l'administration de certains biens ou droits pour le compte d'un ou plusieurs bénéficiaires », précise Karim Daher. Mais du fait même de la structure flexible du trust, difficile de connaître le bénéficiaire effectif : « Le "trustee" jouit d'un droit apparent de propriété (appelé "legal ownership") sur les biens mis en trust, alors que le bénéficiaire jouit d'un droit de propriété dissimulé. Ce sont surtout les grosses fortunes qui y ont recours », poursuit-il.

D'où l'adoption d'une autre loi pour encadrer ces activités. « Cette loi a été adoptée pour se mettre en conformité avec les exigences du FM, il fallait les rassurer », explique le directeur général du ministère des Finances, Alain Bifani. La loi oblige donc les résidents libanais qui exercent de manière professionnelle ou non une activité de "trustee", pour un trust constitué à l'étranger sous toutes ses formes, de s'enregistrer auprès de l'administration fiscale libanaise en déclarant les revenus de leurs activités. Ils doivent également tenir des registres comptables et les conserver pendant 10 ans.

Cette loi vise particulièrement les activités fiduciaires pour le compte de trust à l'étranger, car, depuis 1996, la loi n°520 autorise seulement les banques et sociétés financières homologuées par la BDL à exercer une activité fiduciaire au Liban.
« Il existe certaines ambiguïtés dans le texte de loi, du fait que le trust n'y est pas spécifiquement défini, relève Karim Daher. Certains termes de la loi, comme le fait d'exercer une activité de trustee de "manière professionnelle ou non", ou encore le terme "sous toutes ses formes", laissent penser que le champ de la loi est très étendu. On peut alors se demander si le portage d'actions – une pratique qui consiste à faire détenir des actions par un tiers, de manière apparente ou cachée – peut être considéré comme un trust. De même, dans le texte, il n'est pas fait mention d'un délai particulier pour se mettre en conformité... »

 

 

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