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Lifestyle - La bonne nouvelle du lundi

Une agence de taxis pour handicapés voit le jour au Liban

Crise des déchets, attentats, coupures d'électricité, malaise social, clivages politiques accrus, tensions communautaires... Face à l'ambiance générale quelque peu délétère, « L'Orient-Le Jour » se lance un défi : trouver une bonne nouvelle chaque lundi.

Le handicapé a accès à la voiture par l’arrière, installé sur sa chaise roulante. Photo fournie par Charbel Élie Daghfal

De nombreuses agences de taxis ont fleuri ces dernières années au Liban, mais une agence bien particulière, qui se distingue singulièrement des autres, vient d'être lancée. Elle met à la disposition des handicapés des taxis adaptés à leur situation et conduits par des chauffeurs attentifs et spécialement formés.

Ces taxis équipés, au nombre de trois pour l'instant, sont disponibles aujourd'hui grâce à une initiative de Charbel Élie Daghfal, lui-même handicapé. Ce Libanais avait 20 ans et suivait des études d'ingénierie électrique lorsqu'en 1999 un accident de moto a bouleversé sa vie. Durant trois ans, il a subi des opérations chirurgicales et des traitements intensifs, mais il s'est retrouvé paralysé des jambes et des bras. Un accident qui ne l'empêchera toutefois pas de vivre.

Le jeune homme voulait surtout retrouver sa capacité de se déplacer. La voiture était donc pour lui un problème majeur qu'il n'a toutefois pas tardé à régler. C'est en 2003 que Charbel Élie Daghfal, âgé aujourd'hui de 37 ans, a décidé d'acheter sa première voiture. «Paralysé des mains et des pieds, je ne pouvais pas conduire. À chaque fois que je voulais me rendre quelque part, on devait me porter pour m'installer dans une voiture», raconte-t-il à L'Orient-Le Jour. Il a alors décidé de s'acheter une voiture et de l'aménager lui même. «C'était une sept places américaine, se souvient-il. J'ai relevé le toit et installé une rampe pour que je puisse y accéder tout en restant assis sur ma chaise roulante.» C'est avec l'aide de l'association Arcenciel et d'ouvriers qu'il a réussi ce premier pari. Grâce à cette voiture, il pouvait se déplacer quand il le voulait, il suffisait qu'un proche conduise.

En 2010, Charbel Daghfal s'est procuré une nouvelle voiture, adaptée aux handicapés. «C'était une Renault Kangoo qui venait d'arriver au Liban par hasard, raconte-t-il. Je pouvais y accéder par l'arrière, installé sur la chaise roulante. Deux ceintures de sécurité, une autour de moi, une autre autour de la chaise, me protégeaient.» «Si je suis handicapé, cela ne veut pas dire que je dois rester cloîtré chez moi! lance-t-il. J'ai toujours des choses à faire, comme tout le monde.»

Mais le jeune homme ne tarde pas à réaliser que d'autres n'ont pas la même chance que lui. Pour aider les handicapés à surmonter les difficultés liées au déplacement dans un pays où les mesures spéciales se font rares, le jeune homme décide de prendre les choses en main. En 2012, il décide de mettre sur le marché des taxis adaptés aux chaises roulantes. «Malheureusement, je n'ai pas pu mettre mon idée en œuvre parce que je n'avais pas assez de voitures ni le moyen d'en acheter», confie-t-il.

Des chauffeurs formés et des GPS
Il y a quelques mois, M. Daghfal a appris qu'une nouvelle voiture pour handicapés était disponible sur le marché. «Sa propriétaire venait de décéder et la famille a voulu la vendre», raconte-t-il. Il a alors emprunté de l'argent pour l'acheter. «La personne qui m'a accordé ce prêt refusera par la suite que je rembourse le montant», ajoute M. Daghfal. À ce moment-là, son but était simplement de remplacer la voiture qu'il utilisait depuis six ans. «Mais le jour même, dit-il, une amie me contacte pour me dire que sa mère qui est handicapée ne savait pas comment se rendre à ses rendez-vous de physiothérapie trois fois par semaine. C'est alors que le projet de créer une agence de taxis pour handicapés revint me hanter.»

Mais cette fois, Charbel Daghfal n'a reculé face à aucune difficulté. Ce responsable de relations publiques au Centre de lecture et d'animation culturelle a recyclé ses trois anciennes voitures en taxis, créé une page Facebook pour son agence qu'il a appelée Wheelchair taxi, préparé des brochures et lancé un hashtag en arabe («ne laisse rien entraver ton chemin»). Il a également engagé trois de ses amis, qui ont l'habitude de le conduire, pour qu'ils soient les chauffeurs de ces taxis. «J'ai senti que c'était une grosse responsabilité, raconte M. Daghfal. Certes, ils étaient habitués à moi mais tous les handicapés ne sont pas les mêmes. Certains ont des douleurs, d'autres des troubles de mémoire...» Pour le bien-être de ses clients, M, Daghfal a alors décidé de former ses amis à l'association Kunhadi.

Il a également décidé d'équiper ses taxis d'un GPS. Il peut ainsi, à distance, savoir où se trouve le véhicule et à quelle vitesse il roule. «Le chauffeur doit conduire lentement, précise le jeune homme. Un trajet de 15 minutes nécessite 45 minutes avec un handicapé.»

 

«Cela faisait 12 ans qu'il n'était pas sorti de chez lui»
Le 15 juin dernier, le premier taxi a été commandé. Plusieurs autres ont suivi. Les taxis de Charbel Élie Daghfal permettent à des handicapés de se rendre à l'hôpital, de visiter différentes régions du pays ou simplement d'aller dîner.

Le jeune homme reçoit parfois des appels surprenants et fait des rencontres émouvantes. «Une dame m'a contacté depuis la France pour me dire qu'elle allait venir spécialement au Liban pour prendre sa mère handicapée visiter le sanctuaire de Saint-Charbel. Nous nous y sommes rendus, raconte-t-il. Ses remerciements chaleureux par la suite pour l'avoir aidée à réaliser son rêve m'ont beaucoup ému.» Parfois, M. Daghfal s'implique davantage. Comme lorsqu'il a été contacté par la famille d'un jeune homme handicapé et âgé de 24 ans. «Depuis qu'il avait douze ans, il n'était pas sorti de la maison. Il ne voulait pas. Et dans son immeuble, il n'y avait pas d'ascenseur», raconte-t-il. Aujourd'hui, c'est chose faite. «Lors de sa première sortie, le jeune homme était aux anges, poursuit M. Daghfal. Nous avons été dîner dans un restaurant que son frère gère afin de le surprendre. Il était très heureux de le voir et n'en croyait pas ses yeux.»

Pour M. Daghfal, «plus qu'un business», cette petite entreprise est un rêve qui se réalise. «Ces personnes sont enfermées dans leur chambre, emprisonnées dans leur maison... J'aurai voulu être riche pour pouvoir leur offrir ce service gratuitement», indique le jeune homme, ému. Si aujourd'hui les voitures de l'agence Wheelchair taxi sont opérationnelles dans toutes les régions, 24 heures par jour, sept jours sur sept, il espère à l'avenir ouvrir des bureaux dans le Nord, dans la Békaa et dans la banlieue sud, pour un meilleur service.

 

Pour réserver un taxi : contacter Charbel Élie Daghfal directement au 03-385995

 

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