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Lebanons aux USA

« Election Day » en territoire Trump

A Minot, dans le Dakota du Nord, un panneau publicitaire pour tous les désenchantés de la présidentielle, qui souhaiteraient émigrer au Canada. Photo Fadi Boukaram

Ma visite de deux jours à Lebanon, Nebraska, s'achève. Je prends la route pour Lebanon, Kansas, à deux heures vers l'Est.

Nous sommes le 8 novembre, jour de la présidentielle américaine. La veille, tous les médias et instituts de sondage prévoyaient une victoire facile pour Hillary Clinton. Et je suis en territoire Trump.

A San Francisco, Boston ou New York, mes amis américains fêtent déjà la victoire annoncée de la première femme président des Etats-unis. Mais là où je me trouve, les partisans de Clinton vont certainement faire profil bas. Mais étant donné la très faible densité de population au kilomètre carré dans les environs, je ne m'attends pas à des mouvements de protestations majeurs après la défaite annoncée de Donald Trump.



J'ai garé ma caravane dans un parking de la ville et me suis couché avec le soleil, soulagé à l'idée qu'au moins, je n'allais pas être réveillé par le bruit de tirs (de joie) de pistolets et autres AK-47 comme trop souvent lors des célébrations au Liban.
Au bout de quelques heures, je suis réveillé par les vibrations de mon téléphone sur lequel s'affichent des dizaines de notifications Facebook. Je lis que la présidentielle prend un tour imprévu, Trump engrange des Etats-clés dont on estimait pourtant qu'ils allaient tomber dans l'escarcelle des démocrates.
Je ferme les portes du van et descend les rideaux. Pendant la campagne électorale de Trump, des propos virulents ont été tenus contre les immigrants et les musulmans. Franchement, je suis inquiet pour ma sécurité.

 

 

Leb, Nebraska, population 70. As close to a ghost town as can be. #lebanonusa

A photo posted by Lebanon, USA (@lebanonusa) on Nov 7, 2016 at 2:44pm PST



Mais cette peur – subitement, tous les non-Blancs aux Etats-Unis devraient avoir peur pour leur vie- ne colle pas avec mon expérience depuis le début de mon voyage. Certes, mon voyage n'a débuté que depuis quelques semaines, et mes rencontres ont été limitées. Il y avait tout de même un point commun entre ces petites villes majoritairement républicaines que j'ai traversées : un point commun tenant plus du statut économique que de la haine de l'autre.

A Lebanon, Dakota du Sud, une septuagénaire, Hazel McRoberts m'a raconté, le sourire aux lèvres, les années 60, quand il y avait, en ville, des banques, des écoles et des épiceries. Quand l'autoroute a été déplacée d'un miles, tout a fermé dans la ville. Aujourd'hui, le magasin ou la station essence la plus proche se trouvent à 20 kilomètres. Selon les standards américaines, ce n'est pas grand-chose. C'est tout de même la distance entre Beyrouth et Jounieh.
A Lebanon, Nebraska, Virginia Grafton m'a parlé des années 50 quand les engins agricoles ont commencé à devenir plus efficaces et que moins de main-d'oeuvre agricole était nécessaire. La population a commencé à diminuer. Le gouvernement a fermé l'école, la poste. L'asphalte sur les routes s'est érodé, et personne n'a voulu payer pour l'entretenir.
Nous sommes aux Etats-Unis, mais ces gens-là vivent dans des conditions dignes du tiers monde. Ce sont ces gens qui ont voté pour Trump.

 

 

 

En 2008, les sondages de sortie des urnes indiquaient que 45% d'entre eux avaient voté pour Obama, un Afro-américain. En 2016, seulement 34% d'entre eux ont voté pour Clinton. La classe ouvrière a toujours été au coeur de l'électorat démocrate. Mais ces dernières années, le parti a de plus en plus été associé avec les riches et l'élite.


On entend ici et là que ceux qui votent pour un homme ayant tenu des propos scandaleusement xénophobes doivent l'être aussi.
Il est clair que certains des partisans de Trump sont xénophobes. Dans un bar du Dakota du Sud, un homme m'a demandé d'où je venais. Quand je lui ai répondu « du Liban », il est parti d'un grand rire et a dit que Barack Obama aurait pu être le président du Liban puisqu'« il est musulman », une rumeur encore bien enracinée en certains endroits des Etats-Unis. Je n'ai pas pris la peine d'expliquer qu'au Liban, la répartition confessionnelle des pouvoirs voulait que le président soit maronite.

Dans un autre bar, dans le Nebraska, un homme complètement saoul m'a demandé ce que je faisais dans « sa » ville. Oui, les intolérants existent. Mais il ne serait pas honnête de tirer de grandes conclusions de ces expériences. Dans le même bar, au Nebraska, un barman qui avait entendu l'échange tendu, a fait sortir l'homme saoul et m'a dit que la maison m'offrait mes consommations. Et les clients se sont excusés pour le comportement de l'homme qui m'avait interpellé, me priant de ne pas garder une mauvaise impression de leur ville à cause de lui. Dans d'autres bars, on m'a offert plus de bières que je n'en ai offert moi-même. Les clients étaient tellement enthousiastes à l'idée de parler à un étranger, un arabe qui plus est ! Leur hospitalité m'a rappelé celle qui règne dans nos villages, au Liban.


Oui, il existe de mauvaises graines, mais on ne peut qualifier tout un peuple de raciste simplement à cause de l'homme qu'il a porté à la Maison Blanche.
Les électeurs américains ont voté « contre », une forme de représailles contre le fait que leurs besoins économiques étaient ignorés. Les élites libérales des côtes Est et Ouest ont souvent moqué les populations rurales, des arriérés, des ploucs, des bigots.

En 2004, après la défaite de John Kerry face à George W. Bush lors de la présidentielle, le caricaturiste Ted Rall avait écrit, dans The Villager : « Donc notre homme a perdu l'élection. Pourquoi nous, de la côte, ne devrions pas nous sentir supérieurs? Nous mangeons mieux, nous nous habillons mieux, nous regardons de meilleurs films, nous gagnons de meilleurs salaires, nous rencontrons plus de personnes intéressantes, nous écoutons de la meilleure musique et nous savons mieux qu'eux ce qui se passe dans le reste du monde. »

 

Peut être qu'en 2016, les gens habitant sur la côte devraient, sans faire de compromis sur leurs valeurs, remiser leur condescendance et commencer à tendre la main vers les ruraux.
Leur souffrance est réelle et plus d'attention devrait y être accordée.

 

(Cet article fait partie du road trip de Fadi Boukaram, sur la piste des villes baptisées Lebanon aux Etats-unis. Découvrez ses précédents récits de voyage ici)

 

Ma visite de deux jours à Lebanon, Nebraska, s'achève. Je prends la route pour Lebanon, Kansas, à deux heures vers l'Est.Nous sommes le 8 novembre, jour de la présidentielle américaine. La veille, tous les médias et instituts de sondage prévoyaient une victoire facile pour Hillary Clinton. Et je suis en territoire Trump.A San Francisco, Boston ou New York, mes amis américains fêtent...

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