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Culture - Exposition

De la liberté de peindre à la liberté de vivre

Adelita Husni-Bey, dans son exposition au musée Sursock, « Une vague dans le puits »*, trace son propre sillon, qui s'éloigne des mécanismes du pouvoir politique et économique, et redessine un chemin pédagogique.

Adelita Husni-Bey, « After the Finish Line », 2015. Vidéo, couleur, son, 12’39’’, en anglais avec sous-titrage en arabe. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de Laveronica arte contemporanea

Adelita Husni-Bey, artiste chercheuse, a les yeux clairs et le regard déterminé. Née à Milan en 1985 de père libyen et architecte et de mère italienne et journaliste, elle passe sa jeunesse entre Bengazi et Milan. Très jeune, elle aime peindre et décide, à 17 ans, de partir pour Londres où elle rejoint l'école Chelsea Arts. Elle obtient son Bachelor of Arts, mais réalise très vite que la peinture la limite, l'ennuie et l'empêche d'atteindre les horizons qu'elle s'était tracés. C'est dans le domaine de la sociologie et de l'interaction qu'elle veut, en tant que citoyenne du monde, faire ses preuves. Elle décide alors de passer un master en sociologie. Cette formation va nourrir en elle une réflexion critique sur les systèmes dominants des sociétés capitalistes et la portera à intervenir dans les domaines de l'éducation et du travail.

Adelita Husni-Bey a 23 ans et plutôt que de se balancer sur les cimaises des galeries, elle s'empare de son archet pour défendre et parler au nom des plus démunis. Le monde, pour elle, est une forêt de Sherwood qu'elle arpente, forte de ses convictions et de son énergie contagieuse. Depuis, l'artiste tente de produire des imaginaires sociaux alternatifs pour un monde meilleur.

 

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Forcer les portes pour un rayon de soleil
Au Moyen Âge, Robin des bois, défenseur des pauvres et des opprimés, détroussait les riches au profit des pauvres, ou rendait au peuple l'argent des impôts prélevés. Au XXe siècle, Adelita Husni-Bey fait partie de groupes activistes et pratique le housing struggle. Cela consiste à occuper des maisons vides appartenant à de riches propriétaires possédant plus d'une demeure, pour en faire des espaces ouverts à tous, y tenir des ateliers interactifs, dans le but de promouvoir une éducation non radicalisée. C'est une pratique illégale passible d'amende, mais une pratique anticapitaliste pour le bien commun, qui répond aux idéaux de l'artiste. « À Londres, les loyers sont très élevés et tout le monde ne peut pas se permettre de posséder un local », rappelle-t-elle. Pour les manifestants et les protestataires, elle met à leur disposition un lieu pour mener à bien leur combat.

 

 

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Pour une communauté non compétitive
Comment abolir l'individualisme, former des esprits libres dans leurs discours et leurs choix, respecter l'altérité, anéantir les catégories et annihiler la compétition et la concurrence ? C'est armée d'une recherche expérimentale et artistique et d'une approche pédagogique que Adelita Husni-Bey fera le tour du monde et se penchera sur des sujets pour briser les frontières de la parole et du comportement. Au musée Sursock, elle donne à voir deux installations vidéo et une installation tout court.

La première œuvre vidéo, After the Finish Line, traite d'un thème très hot aux États-Unis : le sport au niveau professionnel. C'est à San Francisco que l'artiste a réalisé ce documentaire pour mettre en exergue la condition des athlètes pris en charge très jeunes, endoctrinés dans un esprit compétitif et qui finiront par se briser les ailes. Physiquement diminués, ils réussiront, à travers la démarche d'Adelita Husni-Bey, à visualiser leurs souffrances et à se faire entendre.

La seconde installation vidéo, Ard, est un film documentaire filmé au Caire et qui soulève un problème universel : le délogement des populations pour des raisons économiques. Dans Ard, les maisons des pêcheurs égyptiens seront remplacées par des centres commerciaux luxueux, et l'étendue du sable désertique aura eu raison du bleu de la mer qui nourrissait leurs enfants. Dans une dynamique de révolte, ils détruiront pour mieux reconstruire leur propre lieu de vie.

La troisième œuvre de Husni-Bey, exposée ici, est le résultat d'un atelier qu'elle a animé à Beyrouth avec des architectes, des urbanistes et des artistes de différentes classes sociales. Dans cette ville de contrastes, dont elle a arpenté les rues durant une journée entière, elle leur a donné le choix d'un lieu porteur de messages et de souvenirs. Sept spots différents qui réveillent en eux une émotion et leur suggérèrent des mots qu'ils coucheront sur une plaque de plexiglas autour de leur silhouette dessinée par l'artiste. Une plage de femmes, un cinéma abandonné, ou un café de quartier...

Adelita Husny-Bey laboure la mémoire, libère la parole et s'en va après avoir créé des liens, ceux que le monde aujourd'hui tente de défaire. Pour ce petit soldat de la liberté, l'art contemporain ne peut exister que dans un questionnement de soi.

* « Une vague dans le puits », d'Adelita Husni-Bey, musée Sursock, jusqu'au 30 janvier 2016. Tél. : 01/202001.

 

 

 

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