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Culture - Table ronde

L’art, question de (sur)vie ou de mort ?

Dans le cadre du Salon du livre de Beyrouth, cinq « petits soldats de la culture » étaient invités par « L'Orient-Le Jour » à réfléchir sur l'utilité de l'art.

Les participants à la table ronde de « L’OLJ » sur l’art et son utilité au Liban : (de gauche à droite) Karim Ghattas, Rita Hayek, Nayla de Freige, Rony Arayji, Christine Tohmé et Ziyad Makhoul. Photo Michel Sayegh

À quoi sert encore l'art au Liban ? À rechercher le beau ? À philosopher ? À protester ? À résister ? À se réunir ? À assister à des cocktails VIP ? À recycler les dollars ? Sans doute un peu de tout cela à la fois. Mais pour les participants à la table ronde, samedi, de L'Orient-Le Jour au Salon du livre, à savoir Raymond (Rony) Arayji, ministre de la Culture ; Nayla de Freige, présidente du Festival international de Baalbeck ; Karim Ghattas, fondateur de Liban-Jazz ; Christine Tohmé, directrice de Ashkal Alwan ; et Rita Hayek, actrice – « un quintette de l'art qui joue en toute harmonie alors que ses membres n'ont pas les mêmes moyens », comme l'a souligné notre rédacteur en chef Ziyad Makhoul – l'art est surtout une question de (sur)vie.

Beauté contre laideur

Le ministre de la Culture a observé durant son mandat une frénésie artistique, notamment chez la jeunesse. Cette volonté de faire de l'art tous azimuts, il la perçoit comme un cri ontologique et une révolte face à l'absence de perspective d'avenir. « Les œuvres d'art témoignent du potentiel extraordinaire de notre jeunesse et de l'urgence à réagir », a-t-il martelé.
Pour Rony Arayji, l'art est également « le sursaut vital, la résistance de la beauté face à la laideur rampante ». Il est aussi un terrain d'entente entre les hommes, « lorsque la communication entre eux devient impossible car trop de murs s'érigent et les séparent ». Mais pour le ministre, l'art réconcilie aussi avec l'humain. Avec toutes les atrocités qu'il commet, une seule poésie nous rappelle que l'homme peut aussi créer le meilleur.

Un air d'éternité

« Au Liban, malgré les temps difficiles que nous vivons, où nous constatons la déliquescence et la "brutalisation" de notre société, l'art installe dans une éternité le Liban qui fut et auquel notre inconscient s'identifie. Il élève en icônes les figures qui restaurent notre fierté et nous rattachent à nos racines », estime M. Arayji qui se dit « convaincu que ce qui préserve le Liban de la contagion des conflits régionaux est cette aptitude à se retrouver autour d'un même idéal et de vivre cette même sensibilité, qui réunit en chorale notre peuple autour d'un mijana entonné par notre grande chanteuse Feyrouz ».

Résilience culturelle

Pour Nayla de Freige, présidente du Festival de Baalbeck, l'art est surtout une question de résilience plutôt que de résistance, mot qui selon elle comporte un affrontement, une certaine violence. Après s'être attardée sur la période 2013-2016, « un an après avoir pris la présidence d'un festival qui se tenait dans une région très sensible et qui faisait face à des difficultés financières », et après avoir affronté maints défis, elle constate avec un effet rétrospectif que le Festival de Baalbeck, un événement artistique par excellence, a servi à donner de l'espoir ; à remettre une région délaissée sur la carte touristique du Liban ; à faire découvrir aux jeunes un lieu inestimable qui fait partie de leur histoire et qu'ils ne connaissaient souvent que dans les livres ; à permettre aux habitants de demander des mesures sécuritaires tout au long de l'année...
« Si, comme on aime à le dire et le croire, le Liban est un laboratoire du vivre-ensemble, conclut Nayla de Freige, je pense que Baalbeck peut être un micro-laboratoire expérimental qui peut étonner. Et l'art et la culture en sont des moteurs incontournables. »

La directrice-fondatrice de l'Association Ashkal Alwan, Christine Tohmé, note pour sa part la nécessité de reconnaître que l'art ne prend pas une forme singulière. Pour elle, l'art est une pratique collective et poreuse. Une pratique qui revêt surtout une importance et une signification sociale et politique.
La résistance culturelle est au cœur du festival de Karim Ghattas, pour qui le jazz est une musique de résistance en soi. « Le jazz, c'est présenter la musique différemment, c'est aussi faire passer des messages qu'on ne peut pas entendre à la radio. »

Mourir pour l'art

L'art est, selon lui, d'une violence extrême, « nous pouvons mourir pour l'art », dit-il. Le fondateur de Liban Jazz considère vraisemblablement l'art tel un instrument de résistance contre le contrôle social. Il affirme que son rôle est d'assurer que ce qui se passe musicalement au Liban se déroule à Beyrouth comme dans n'importe quelle capitale du monde. Et Ghattas de conclure : « L'art est ce quelque chose qui résiste à la mort. »
Aujourd'hui, avec toutes ces violences à nos portes, est-il encore important d'aller au cinéma, d'ouvrir un livre, d'écouter de la musique ou d'assister à une pièce de théâtre ? Pleine d'émotion, l'actrice Rita Hayek rappelle que notre terre transmet beaucoup de douleurs. Elles sont non seulement une source d'inspiration mais également la raison pour laquelle les Libanais ont besoin de s'évader.

Une (r)évolution de la jeunesse ?

L'institution de l'art en tant que quatrième pilier de l'économie doit se faire à travers une (r)évolution de la jeunesse. Conseillère du ministre de la Culture, Lynn Tehini explique d'ailleurs que le ministère met tout en œuvre pour permettre aux jeunes d'être sensibles à l'art dès leur plus jeune âge.
« Le Liban sans l'art est un pays déchiré », déclare une personne de l'assistance, très nombreuse ce soir-là. Au-delà de n'être qu'une option de luxe, l'art est nécessaire. Rita Hayek cite d'ailleurs très justement Nietzsche : « Nous avons l'art pour ne pas mourir de la vérité. »


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C,EST LA FETE... TOUT A ETE DIT !

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 55, le 07 novembre 2016

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Commentaires (2)

  • C,EST LA FETE... TOUT A ETE DIT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 55, le 07 novembre 2016

  • "LA RESISTANCE DE LA BEAUTÉ FACE À LA LAIDEUR" MALHEUREUSEMENT CE COMBAT EST TERMINÉ DEPUIS LONGTEMPS. LE GAGNANT C'EST LA LAIDEUR. L'ART CONTEMPORAIN PAR EXEMPLE EST DEVENU UNE POLLUTION VISUEL. IL N'Y A PLUS DE PLACE POUR LES VRAIS ARTISTES. TOUT EST DEVENU TRUQUÉ BASÉ SUR LA PUBLICITÉ. LE 20E SIÈCLE A CRÉE DES ARTISTES SANS OEUVRES. L'ARTISTE EST DEVENU UN PHILOSOPHE QUI FAIT RIEN PAR SES MAINS. QUE DES FAUX ARTISTES. DES ESCROS. IL N'A JAMAIS ÉTÉ SI FACILE DE SE DÉCLARÉ ARTISTE, ERIC EMMANUEL SCHMITT, L'ÉCRIVAIN FRANCOPHONE LE PLUS LU AU MONDE, DÉNONCE LE SYSTÈME. https://www.youtube.com/watch?v=MazCnEDHkB8

    Gebran Eid

    14 h 51, le 07 novembre 2016

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