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Lifestyle - Rencontre

Chantal Goya : tous contes fées

Rencontre enjouée avec Chantal Goya, qui a fait l'éducation sentimentale d'une grande partie des gamins de ce globe. Sans essoufflement aucun. La chanteuse était de passage à Beyrouth pour son spectacle « Les aventures de Marie-Rose », qu'elle a interprété pour la première fois sur les planches du Casino du Liban.

Chantal Goya, Marie-Rose et le Chat botté. Photo DR

On se l'était promis depuis la nuit des temps de notre enfance. Rencontrer Chantal Goya sous sa frange rideau tirée sur une moue sans âge. Elle qui a goudronné les autoroutes des premières années à la guimauve et qui continue à ramener ces adultes d'aujourd'hui sur les ruines encore fumantes de la petite enfance. Elle qui fut et demeure la baby-sitter en taffetas qui balise les émois de bacs à sable, la Marie-Rose plus rose que rose, qui fait pétiller les petits cœurs en sucre et leur fourgue en douce des conseils un rien désuets. Elle, découverte dans une émission télé en 1975, Adieu les jolis foulards, en remplacement de Brigitte Bardot, mais qui est vite devenue l'arrêt obligé des petits. Un pilier de la vie d'un bambin, tout comme les Lego ou les Playmobil. En tête à tête, finalement, Chantal Goya est une femme enjouée, emportée, pas alambiquée, pas perturbée, qui dit souvent : « Eh ben, dis-donc ! », assez tactile, et qui ne se lasse pas de répéter ce qu'elle a déjà tant de fois partagé. Mais comment faire autrement ? Portrait de la chanteuse en trois titres inspirés de ses personnages.

Un matin, un lapin

On l'aurait imaginée en (pur) produit préfabriqué d'une enfance rose marshmallow, à chouchouter ses peluches et coiffer les longs cheveux de ses poupées à qui elle préparerait des après-midi au thé. Rien de cela, Chantal Goya a vu le jour sur les cendres fumantes de la guerre du Vietnam. Un matin, haute comme trois pommes, sur les traces de son lapin qui a tué un chasseur, elle tient tête à un homme qui laisse entendre qu'on couperait celle de son papa. Selon elle, rien n'est hasard car, confie-t-elle, sans une once d'amertume grise : « Mon enfance vietnamienne a sans doute été la raison pour laquelle j'ai eu envie de montrer aux enfants une face plus joyeuse du monde. » Et de poursuivre : « En tant qu'aînée d'une fratrie de six, j'ai toujours joué le rôle de deuxième maman. C'est instinctif chez moi. »

Bécassine, ma cousine

Chantal Goya est une chanteuse heureuse que n'a réussi à écailler aucune bourrasque d'une vie plus amère que ce que l'on pense. Elle a vendu des albums par millions, des chansons traduites dans toutes les langues et canonisé un bestiaire foutraque (Monsieur le Chat botté, Bécassine, Un Lapin, Pandi Panda). En tireuse de diables par la queue, elle se produit encore sur les scènes du monde, et sans exténuation aucune, en toupie dopée au Duracell, « pour que je puisse payer mes impôts, aussi », elle libère une énergie festive en une farandole d'hymnes naïfs qui provoquent de l'urticaire à ses détracteurs dont elle fait des boulettes de papier à jeter. De fait, bien des fées s'étaient penchées sur son berceau. D'abord Barbara, qui la mettait en garde contre le monde à crocs saillants dans lequel elle s'embarquait, lui répétant inlassablement : « Ils vont te jalouser. » Ensuite Jean-Luc Godard, qui a fait d'elle l'étoile filante d'un cinéma intello et souterrain sous les projecteurs de Masculin-Féminin. « On m'avait prédit une espérance de vie d'un ou deux ans. Trente ans plus tard, je suis avec ma Bécassine! » Elle va même jusqu'à affirmer : « Je ne veux pas m'adapter à la technologie. C'est à elle de s'adapter à moi. On m'a mise sur YouTube, mais bon, à part ça, dans mes techniques, rien n'a changé. »

Marie-Rose, son alter ego

Chantal Goya tient à se distancier de Marie-Rose, son incarnation scénique, en s'égosillant : « Je suis l'agent de Marie-Rose ! » Elle répète en boucle : « Je ne nie pas mon âge, mais je l'oublie quand il s'agit de ma carrière. En tout cas, il ne m'a jamais posé de problème. Tout le monde trouve ça limite irréel. » Face à elle, on se rend compte que ce qui fait sa force, c'est cette intégrité surannée qu'elle trimballe du décor de la scène à celui de sa vie.
Elle ne boit pas, remplace l'alcool par du Coca, est plutôt Pandi Panda couche-tôt que Chat botté insomniaque. Elle fustige la cigarette et parle « d'un courant de gentils et d'un courant de méchants » en évoquant le monde d'aujourd'hui, tout en se jurant apolitique. Elle avait refusé de poser nue dans son film avec Godard et conserve jusqu'à présent toutes ses robes meringuées qui ont fait tomber en pâmoison des gamin(e)s intergalactiques. Et, pour clôturer, son antidote idéal contre la morosité ambiante, elle nous le chante a capella : « Si tu as le cœur en peine/Viens avec moi je t'emmène/Au monde magique/Au monde magique ! »


Pour mémoire

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