S'exprimant lors d'un dîner donné en son honneur par l'ambassadrice du Liban à l'Onu à Genève, Najla Assaker, lundi soir, en présence des députés Yassine Jaber, Bassem el-Chab et Gilberte Zouein, le président de la Chambre, Nabih Berry, a affirmé que l'élection d'un chef de l'État est « indispensable » mais « reste insuffisante ». Pour souligner la difficulté de la période qui suivra la réouverture du palais de Baabda devant le successeur de Michel Sleiman, il a employé le mot Jihad qui veut dire « guerre sainte » mais qui, dans ce contexte précis, signifie « un dur labeur ». Ce dur labeur s'exprime selon M. Berry, par les échéances auxquelles il faudra s'attaquer une fois le Liban doté d'un président, dans la mesure où elles requièrent toutes un consensus.
« Il y a d'abord la loi électorale qui devra être fondée sur la proportionnelle et juste pour les femmes. On va devoir déterminer un quota pour les femmes au Parlement. Ce texte doit nous permettre de franchir un pas en avant et d'atténuer le confessionnalisme tout en préservant les communautés religieuses, parce que le confessionnalisme est une chose et les confessions une tout autre », a expliqué M. Berry avant d'aborder les risques d'un débordement de la guerre en Syrie ainsi que la nécessité d'une redynamisation des institutions « que nous avions nous-mêmes paralysées ».
Pas un mot cependant sur le gouvernement dont la mise en place représente pourtant la principale échéance postélectorale et, surtout, un premier test pour les nouvelles alliances qui ont émergé à la faveur des tractations pour le déblocage de la présidentielle. Selon des sources fiables, les contacts ont déjà commencé en coulisses au sujet de la composition de la nouvelle équipe gouvernementale, parallèlement à ceux qui sont entrepris afin d'assurer le succès de la réunion parlementaire du 31 octobre.
(Lire aussi : Les alliances politiques traditionnelles sérieusement ébranlées)
On sait que celle-ci ne sera pas reportée, mais la majorité requise pour élire un président fait toujours l'objet d'un débat qui devrait être réglé avec le retour de M. Berry, vendredi de Genève. Les avis restent diamétralement opposés sur ce point entre le bloc du Changement et de la Réforme, et celui de Nabih Berry. Au terme de la réunion hebdomadaire de Rabieh, le député Ibrahim Kanaan a sans ambages souligné que « le premier tour de vote a eu lieu il y a deux ans », lorsque, avant la fin du mandat Sleiman, le Parlement avait tenu une réunion, en avril 2014, sans réussir à élire un président au premier tour. Un second tour n'a pas pu se tenir, des députés ayant quitté la salle et provoquant un défaut de quorum. Selon M. Kanaan, Michel Aoun a donc besoin de 65 voix (la majorité absolue) pour accéder au palais de Baabda, au moment où Nabih Berry avance le chiffre de 86, soit la majorité des deux tiers, requise au premier tour.
Au sein du bloc Berry, on se refusait hier à tout commentaire sur ce point, en faisant état d'une décision prise « à haut niveau de ne pas aborder des questions politiques ». Avec le retour du président de la Chambre, les concertations devraient cependant s'intensifier afin d'assurer un passage en douceur vers la réunion du 31 octobre. Dans les milieux aounistes, on propose même la tenue d'une séance du dialogue national afin de régler, une fois pour toutes, les sujets litigieux.
D'ici là, le chef du bloc du Changement et de la Réforme poursuivra sa tournée auprès des leaders politiques. Il est attendu sous peu à Clemenceau pour un entretien avec le chef du PSP, Walid Joumblatt. Le directoire de ce parti s'est réuni hier en fin d'après-midi pour discuter de la présidentielle. Il y a quelques jours, le bloc parlementaire de M. Joumblatt avait tenu une réunion similaire. Selon une source du PSP interrogée par L'Orient-Le Jour, « le parti n'a toujours pas pris de décision quant au vote, mais il est favorable à tout compromis de nature à débloquer la présidentielle ».
Cela signifie en pratique que les députés joumblattistes, ou du moins la majorité d'entre eux, voteront pour Michel Aoun. Tard en soirée, M. Joumblatt devait d'ailleurs écrire sur son compte Twitter: « Quelles que soient les objections, ce sont le sacrifice et les compromis pour l'avenir qui restent les plus importants. »
Selon la source du PSP, le bloc de M. Joumblatt tiendra une seconde réunion dans les jours à venir et son chef est supposé s'entretenir avec le président de la Chambre à son retour de Genève avant d'annoncer sa décision définitive. De même source, on laisse entendre dans le même temps que tout le bloc ne votera pas forcément pour le fondateur du CPL.
Si l'élection de Michel Aoun semble acquise, le nombre de voix qu'il obtiendra reste ainsi aléatoire. Certains vont même jusqu'à relever que les partis qui ont fini par se rallier à l'initiative du chef du courant du Futur, Saad Hariri, feront en sorte de lui donner le nombre de voix juste nécessaire à son élection, en le privant d'une majorité confortable à laquelle il aspire. L'un des objectifs de la tournée effectuée par le CPL auprès des différents leaderships politiques est justement d'inverser cette tendance. Hier, une délégation de ce courant, composée du ministre Élias Bou Saab et des députés Nabil Nicolas et Hekmat Dib, s'est rendue auprès des deux députés baaasistes, Assem Kanso et Qassem Hachem, favorables comme on le sait à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié. Selon M. Nicolas, les deux parlementaires « prendront leur décision en temps opportun, après des concertations au niveau du parti ». Parallèlement, une délégation du PSNS – également favorable à Sleiman Frangié –, conduite par Ali Kanso, discutait de l'échéance présidentielle avec le numéro 2 du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem, sans se prononcer au sujet de ses intentions de vote.
Lire aussi
La fin et les moyens, l'éditorial de Issa GORAIEB
Le tandem chiite se partage les rôles, l'éclairage de Philippe Abi-Akl
Les États-Unis satisfaits de la perspective d’élection d’un président
La séance du 31 octobre ne sera pas reportée, assure Kanaan
Bkerké soutiendra le chef de l’État quel qu’il soit, selon des visiteurs du patriarche
" QUELLE ÉPOQUE TERRIBLE QUE CELLE OÙ DES IDIOTS DIRIGENT DES AVEUGLES "
13 h 36, le 26 octobre 2016