Trois mois. C'est le temps dont dispose Moscou pour essayer de renforcer sa position en Syrie avant l'arrivée d'un nouveau locataire à la Maison-Blanche. Le 45e président des États-Unis pourrait en effet se montrer plus agressif que son prédécesseur, Barack Obama, concernant le dossier syrien. Surtout s'il s'avère être une femme.
C'est pourquoi Moscou compte bien profiter de ces quelques mois où tout le pays est focalisé sur l'élection présidentielle et où le président sortant voit sa marge de manœuvre se réduire. En poursuivant sa politique de la terre brûlée à Alep qui vise à anéantir l'opposition armée sous prétexte de lutter contre les groupes terroristes. Et en faisant une nouvelle démonstration de sa force militaire, qui prend parfois des allures de provocation à l'encontre des Américains.
Ainsi, après avoir déployé ses batteries de défense anti-aérienne S-300 à Tartous la semaine dernière, Moscou, par la voix du général-major Igor Konachenko, a menacé d'utiliser ces missiles en cas d'intervention militaire américaine contre Bachar el-Assad. Et la Russie a encore renforcé hier son déploiement militaire puisqu'une corvette lance-missiles a traversé le Bosphore à Istanbul en direction de la Méditerranée. Preuve que ce qui se joue dépasse désormais la question syrienne et rappelle, à bien des égards, l'ambiance de la guerre froide, des agences de presse russes ont rapporté hier que Moscou envisage de rétablir une présence militaire au Vietnam et à Cuba.
(Repère : La Russie renforce sa présence militaire et son arsenal en Syrie)
La réaction des Américains se fait attendre. Mais les possibilités sont assez limitées puisque Barack Obama ne semble pas vouloir revenir sur sa décision de ne pas intervenir militairement contre M. Assad. « L'utilisation de la force militaire américaine contre le régime Assad aurait des conséquences significatives », affirmait cette semaine Josh Earnest, le porte-parole de Barack Obama. « Ce serait onéreux, cela mettrait en danger des vies américaines et il n'y aurait aucune certitude sur l'issue d'un tel conflit », a-t-il déclaré.
L'option militaire écartée, reste celle des sanctions multilatérales et de la pression diplomatique. Sous l'impulsion française, la machine diplomatique occidentale s'est mise en marche, multipliant les déclarations visant à dénoncer les « crimes de guerre » auxquels participe Moscou à Alep. « La Russie et le régime doivent au monde plus qu'une explication sur les raisons pour lesquelles ils ne cessent de frapper des hôpitaux, des infrastructures médicales, des enfants et des femmes », a tonné le secrétaire d'État américain, John Kerry, en réclamant, aux côtés du ministre français des Affaires étrangères, Jean Marc-Ayrault, « une enquête adéquate pour crimes de guerre ».
L'initiative française, qui consiste à faire adopter une résolution au Conseil de sécurité qui imposerait un cessez-le-feu à Alep, devrait être soumise au vote aujourd'hui. La résolution devrait prévoir la fin des raids, l'acheminement de l'aide humanitaire et l'arrêt du survol aérien militaire de la ville. L'objectif est d'isoler diplomatiquement la Russie pour la pousser à stopper ses bombardements.
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Gagner du temps
Mais Moscou a d'ores et déjà annoncé qu'il mettrait son veto à cette résolution. « Je ne vois tout simplement pas comment nous pourrions laisser passer cette résolution (...) confectionnée à la hâte », a ainsi condamné Vitali Tchourkine, ambassadeur de la Russie à l'Onu. Les Russes justifient leurs bombardements par la présence des jihadistes du Fateh al-Sham (ex-Front al-Nosra, branche syrienne d'el-Qaëda) dans la zone d'Alep-Est. « Si le Front al-Nosra avec toutes ses armes part en direction d'Idleb où ses forces principales sont basées, nous serons prêts à soutenir la proposition de (l'envoyé spécial de l'Onu en Syrie Staffan) De Mistura (qui consiste à stopper les bombardements dans le cas d'un départ des jihadistes) et serons également prêts à appeler le gouvernement syrien à l'accepter », a déclaré hier le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov à la chaîne de télévision publique russe Pervy Kanal.
S'ils ne sont pas majoritaires, les jihadistes du Fateh al-Cham combattent aux côtés des forces rebelles, particulièrement au sud de la ville, sous l'appellation de Jaïch al-Fateh. L'absence de soutien des Occidentaux aux forces dites « modérées » a permis à cette formation de gagner en importance et il est aujourd'hui peu probable de les voir quitter la région d'Alep. D'autant que cela affaiblirait la rébellion qui craint que Damas et ses alliés n'en profitent pour s'emparer de la totalité de la ville.
« Nous ne nous résignons pas (...) à ce qu'Alep soit rasée », a plaidé hier Jean-Marc Ayrault. Mais la pression internationale pourrait ne pas suffire à convaincre les Russes de calmer le jeu. Ces derniers vont chercher à gagner du temps pour que les forces loyalistes puissent continuer de progresser sur le terrain. Mais du temps, les quartiers est d'Alep en ont de moins en moins, selon Staffan de Mistura qui a prévenu jeudi « qu'à ce rythme, dans deux mois, deux mois et demi au maximum, la partie est d'Alep risque d'être totalement détruite ». Soit avant l'arrivée d'un nouveau locataire à la Maison-Blanche...
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Ils peuvent faire même les russes et Corée du Nord et la Chine ne pourront pas suivre ... mais le serait il dans leur intérêts?!? Haha les russes font ce que les USA voulaient qu'ils fassent vous pouvez en etre certains et l'Avenir nous le montrera
22 h 26, le 08 octobre 2016