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Culture - Exposition

Les gouvernements enterrent et Ayman Baalbaki déterre

Blowback* ou la rencontre de deux visionnaires, Saleh Barakat, le galeriste beyrouthin, et Ayman Baalbaki, le plasticien. Un parcours pictural qui secoue par son approche sur les mutations du monde. Un témoignage presque violent de réalisme par un maître de la matière.

Ayman Baalbaki devant les ruines d’un vaisseau libanais. Photos Michel Sayegh

Ayman Baalbaki peint avec une rare constance et une inflexible ardeur les fracas du monde et les violences inhérentes à la cupidité humaine.
Plastiquement impressionnantes, voire parfois renversantes, ses toiles confrontent le spectateur à une cinglante réalité. Elles ne sont jamais sinistres, mais renvoient en pleine figure la force d'un souffle humaniste et sauvage. L'artiste développe une œuvre en écho à l'actualité de son temps, celui d'un engagement militant, comme un message dans lequel s'enchaînent les images qui nous livrent la mélancolie d'un monde qui s'effondre.

La peinture plus forte que la politique
« La peinture n'est autre chose que la peinture, elle n'exprime qu'elle-même », proclamait Manet.
Surtout ne pas s'arrêter à l'univers chaotique qu'Ayman Baalbaki tente de dénoncer. Et pourtant, il est difficile de nier que la mémoire, qu'il laboure et soulève à force de bras et de pinceaux, nous interpelle et nous porte à revoir l'histoire. Une histoire chargée d'abus et d'injustices. Comment ne pas se révolter face au Blowback des grandes puissances ?

Blowback (titre de l'exposition à la galerie Saleh Barakat, à Clemenceau), mot sans équivalent particulier en français mais qui peut désigner les effets négatifs ou involontaires d'une situation politique ou d'un acte militaire offensif. Blowback ou les conséquences désastreuses d'une opération secrète, qui sont subies par la population civile du gouvernement qui les commandite. Les gouvernements enterrent et Ayman Baalbaki déterre. Pourquoi l'ambassade américaine a-t-elle été dévastée un 18 avril 1983 ? Pourquoi les avions de la MEA ont-ils vu leurs ailes démembrées un 28 décembre 1968 ? Et qu'est-il advenu de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies de 2004 ? Un simple mention lumineuse 1559 ?

Comment ne pas réagir face au texte de Ralph Peters, ce général américain qui s'interroge avec ses Blood Borders (expression écrite en toutes lettres illuminées sur un mur de la galerie) sur le sens des frontières, qui ne sont plus que le vecteur primaire de l'influence politique, ou une réalité qui entrave la continuité géographique d'un espace. Pour Ayman Baalbaki, les frontières ne bloquent pas l'avancement des groupes humains, elles les contraignent plutôt, et l'appartenance identitaire est pour lui un concept qui se perd. L'ADN de chacun est un champ ouvert à tous les possibles, à toutes les nationalités et qui renvoient à une seule, celle universelle.

L'artiste poursuit plus loin sa réflexion, avec une toile intitulée No Flag Zone. Un autodafé de drapeaux – comme on en voit souvent dans les journaux télévisés, repris par les coups de pinceaux à multiples strates de l'artiste – enflamme les cimaises et vient consolider cette nécessité de partage d'une conscience collective. Toutes nations et appartenances confondues, les drapeaux se consument comme dans un mouvement de purification et d'illumination. Au détour de ce parcours pictural qui secoue les consciences, Ayman Baalbaki a planté un Cheval de frise (croisillons assemblés en croix et formés de poutres longues aiguisées qui servaient de herses ou de barrières depuis au moins la protohistoire), mais aussi des poutres métalliques, des pneus, tout ce qui réfléchit l'idée de frontières et de barrières, que le peintre exhorte l'humanité à abolir. La force du geste artistique de Baalbaki ? Cette faculté de transcender un sujet très actuel en une peinture qui dans 100 ans persistera, au-delà de l'histoire, par la seule puissance de ses pigments.

L'esthétique baalbakienne
Pour le galeriste Saleh Barakat, il est, dans l'histoire de l'art, des artistes qui bousculent, déconstruisent et tracent leur propre trajectoire. Jackson Pollock était parti de la figuration européenne pour la transformer en expressionnisme abstrait. Ayman Baalbaki utilise cette abstraction expressionniste et la ramène à la figuration. Sa peinture procède d'une autre puissance d'expression factuelle, celle de prendre forme quand on s'éloigne, et de rendre compte d'un travail manuel et laborieux quand on s'en approche.

L'artiste a recours à une peinture sous forme de couches qui lui permettent d'élaborer un style très personnel. Il s'applique à faire valoir une maîtrise autrement que par l'usage convenu et exclusif de pigments colorés appliqués sur une toile, autrement que par la pratique habituelle consistant à recouvrir de couleurs une surface plane, mais en un certain ordre assemblé de superpositions qui noient le regard du spectateur. Un spectateur qui tantôt s'y perd, tantôt s'y retrouve dans un réalisme troublant.
Sa capacité de mixer tissus fleuris, posters et affiches arrachées aux murs, ajoutée à la technique de marouflage, confère à l'art d'Ayman Baalbaki une dimension surprenante. Un art ombrageux et exalté, dénonçant le passé et le présent. Baalbaki le dénonciateur, à l'affût des travers de son siècle, réussira-t-il un jour à regarder le monde avec bienveillance ? Un monde à l'ombre des ruines et exempté de souffrances. Un monde auquel l'humanité entière aspire.

*À la Saleh Barakat Gallery, Clemenceau, jusqu'au 26 novembre. Tél. : 01/365615.

 

 

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commentaires (3)

UN CHIMP AVEC DES PINCEAUX ET DES BOITES DE PEINTURES AURAIT IMITE MIEUX LES SINGERIES DE SES COLLEGUES... LISEZ, ET COMPRENEZ...

LA LIBRE EXPRESSION

15 h 02, le 22 septembre 2016

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Commentaires (3)

  • UN CHIMP AVEC DES PINCEAUX ET DES BOITES DE PEINTURES AURAIT IMITE MIEUX LES SINGERIES DE SES COLLEGUES... LISEZ, ET COMPRENEZ...

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 02, le 22 septembre 2016

  • https://www.youtube.com/watch?v=MazCnEDHkB8 ÉCOUTZ SVP ERIC EMMANUEL SCHMITT, L'ÉCRIVAIN FRANCO/PHONE LE PLUS LU AU MONDE. IL DONNE SON AVIS ET DÉNONCE CE GENRE DES FAUX ARTISTES.

    Gebran Eid

    14 h 20, le 22 septembre 2016

  • On peut aussi bien découper dans les tas d'ordures et exposer....

    Beauchard Jacques

    11 h 34, le 22 septembre 2016

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