Fantôme de nuit s’émancipe en plein jour

Créé en 2014 par Nabih Esta, Nesta pour les 7 325 fans de sa page Facebook, Fantôme de nuit est le label de musique électronique qui fait le plus parler de lui cette année. Car Nesta est un fantôme très occupé à hanter les meilleurs clubs de la planète, comme le Sisyphos ce week-end à Berlin ou sa résidence au Garten l'hiver et au Uberhaus l'été, et des apparitions toujours remarquées au B018 ou à Decks On the Beach pour des sets moins furieux. À 29 ans et des cheveux poivre et sel, celui qui, travaillant et vivant essentiellement la nuit et se considérant comme le fantôme de nuit éponyme, est un acteur majeur de la scène. Il y a sévi depuis la fin de son adolescence quand il mixait, encore mineur, et fait partie de la génération née au biberon du Basement. En solo ou en duo (Ronin & Nesta), il a participé à tous les événements électroniques majeurs, à toutes les soirées marquantes, a été partie prenante de tous les endroits « techno » depuis plus de 10 ans, mixant aussi bien pour des soirées underground que pour des soirées commerciales, et a même été ambassadeur de « Dance 4 Life » aux côtés des mathusalemiens Carl Cox et Tiesto, se battant pour une meilleure connaissance et une meilleure défense du virus HIV.

Mais le DJing n'est pas assez pour ce Sisyphe des platines, et son amour de la musique électronique devait forcément passer par la production et l'écriture de ses propres morceaux, objectifs qu'il voulait atteindre après des études de Sound Design à Londres. C'est donc à l'issue de ces études que le label voit le jour, sous son impulsion, et accompagné de son double de jour, Wissam Jabour. Les missions fondatrices du label ne se limiteront pas aux frontières du Liban et à l'activité de production, elles comprendront l'organisation de « showcases », la production de vinyl et de morceaux digitaux d'artistes libanais ou étrangers, et la mise en avant du Liban et de sa scène électronique par tous les moyens digitaux, médias sociaux et artistiques. Et la direction musicale ne se contentera pas de la Deep House, elle sera aussi techno, donc plus sombre et industrielle et même expérimentale, avec la création prochaine d'un sous-label appelé Beroe et qui proposera des morceaux, entre autres, des maîtres Charbel Haber, Fadi Tabbal ou Jad Atoui.

Cette diversité artistique assumée est facilitée par la carrière de Nesta, qui arrive à vivre sous plusieurs avatars pour assouvir son besoin de s'exprimer dans différents styles musicaux, Deep House avec Nesta donc, techno avec Technophile, au moins c'est clair, et un projet plus artistique monté avec les Allemands de Silky Raven. L'album Cedar Trees, sorti il y a quelques mois, consiste en des relectures modernes de certains airs de oud de Wadih el-Safi ou de Sabah. Ces rythmes et sonorités orientaux sont très prisés des DJ internationaux, ce qui leur a permis de signer leur album sur le label Rebellion de Damian Lazarus, nom ô combien important du milieu et qui vient jouer régulièrement à Beyrouth. Le succès étant au rendez-vous, la deuxième sortie de cette collaboration se fera sur le label Fantôme de nuit.

Étant très bien représenté au Liban avec les artistes Rolbac, Monokultur et 3 Machines, le label attaque l'étranger en force, avec un « showcase » au légendaire club berlinois Katerblau le 7 octobre. Le showcase étant une soirée où ne sont présents et joués que des artistes et des morceaux du label, Nesta pourra compter sur son écurie étrangère très présente à Berlin, formée des Silky Raven, de Philipp Priebe ou encore de Nadia Popoff. Sisyphe stakhanoviste, Nesta et Fantôme de nuit ont pour ambition de continuer à hanter tous les temples mondiaux de la musique électronique. Le succès relatif de Ghostbusters 2, le film sur les chasseurs de fantômes, ne les en empêchera certainement pas.