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Économie - Focus

La halawa libanaise fait face à une concurrence aguerrie à l’étranger

Ce mets à base de sésame figure parmi les spécialités les plus exportées, mais la production nationale doit composer avec une compétition de plus en plus féroce.

Environ 60 % de la halawa produite au Liban est destinée à l’export, selon un industriel interrogé. Photo S.Ro.

« L'un des produits libanais les plus exportés au monde. » C'est en ces termes que l'entreprise agroalimentaire libanaise al-Wadi al-Akhdar présente la halawa sur son site Internet. Composé d'un mélange à peu près égal de tahiné et de sucre, ce mets hautement calorique serait originaire de Turquie. « C'est à la fin du XIXe siècle que la première usine libanaise, Ghandour, s'attelle à la fabrication de la halawa », raconte Mounir Bsat, directeur de l'usine Mounir Bsat.

Aujourd'hui, le Liban fait partie des grands producteurs de halawa au niveau mondial avec, entre autres, la Turquie, l'Égypte et l'Arabie saoudite. « La halawa est produite dans tous les autres pays de la région, du Koweït à la Jordanie, mais leur production est généralement consommée localement », précise Mounir Bsat. Il estime la production libanaise à environ 6 000 tonnes par an, dont 60 % est exportée. Plusieurs dizaines de producteurs locaux se disputent le marché, qui est dominé par les usines al-Rabih, Mounir Bsat, al-Kanater, al-Yaman, Ghandour, al-Nakhil et al-Wadi al-Akhdar. Seules Mounir Bsat et al-Rabih étaient disponibles pour répondre à nos questions. Les variétés de halawa les plus simples restent les mieux vendues, comme la halawa nature ou à la pistache.

Pour produire la tahiné qui sera ensuite incorporée dans la halawa, il faut d'abord du sésame. Or « la culture du sésame nécessite beaucoup d'espace », explique Mounir Bsat, elle se concentre donc dans des pays comme la Chine, l'Inde et le Soudan. Avec moins de 100 tonnes par an, selon Mounir Bsat, la production locale de graines de sésame est clairement insuffisante pour subvenir aux besoins nationaux. Selon les douanes, le Liban a importé environ 30 000 tonnes de sésame pour une valeur de près de 50 millions de dollars, en grande majorité du Soudan. Cela correspond à une augmentation de 29,8 % en volume et de 35,6 % en valeur par rapport à 2012.

Changement d'image

Cependant, cette hausse des importations du sésame ne refléterait pas forcément une forte progression de la demande de halawa, selon les producteurs interrogés, mais plutôt un intérêt croissant pour la tahiné, ingrédient de base pour de nombreux plats régionaux renommés, tel le hommos. « La demande de halawa reste stable depuis plusieurs années au Liban, comme à l'étranger », indique le directeur d'al-Rabih, Georges Nasraoui.

L'un des facteurs potentiels à son essor pourrait être un changement de son image de « douceur du pauvre », lorsqu'elle était surtout prisée des paysans qui ne pouvaient s'offrir des sucreries réalisées à partir d'ingrédients chers comme le beurre ou la farine blanche. Une image en quelque sorte confortée par le faible coût du produit – environ 2 dollars pour 500 grammes, selon Georges Nasraoui – comme par les valeurs nutritives du sésame (calcium, fibres, etc.) et sa haute teneur en calories, soit environ 500 calories pour 100 grammes, selon Mounir Bsat. Mais ce changement d'image serait déjà à l'œuvre dans certains marchés. Dans un long article sur la popularité croissante des desserts à base de crème de sésame publié en avril dernier, le prestigieux New York Times notait ainsi qu' « aujourd'hui, les chefs modernes de la région s'ouvrent à ces saveurs anciennes, et inventent de nouvelles friandises comme la halawa à plusieurs couches, la glace au sésame et la pâte brisée confectionnée avec de la tahiné à la place du beurre ».

L'industrie libanaise est-elle la mieux placée pour profiter de cet engouement naissant ? Rien n'est moins sûr... « J'espère que la halawa va devenir plus connue dans un grand marché comme les États-Unis, mais il faudrait pour cela faire une analyse poussée des goûts américains et nous n'en avons pas les moyens », soupire Mounir Bsat. De fait, « aux États-Unis, c'est Israël qui domine le marché », déplore Georges Nasraoui.

Et dans le Golfe, la halawa libanaise doit faire face à une concurrence de plus en plus aguerrie de la part de rivaux comme l'Arabie saoudite, qui en produit de grandes quantités depuis quelques décennies. « Les pays du Golfe hébergent de grandes entreprises agroalimentaires dont les dépenses énergétiques sont moins élevées (qu'au Liban), qui sont plus importantes en taille et qui peuvent proposer des prix inférieurs. Elles peuvent notamment réaliser des économies d'échelle en ce qui concerne l'emballage qui coûte très cher aux industriels libanais », peut-on lire dans un rapport que la BlomInvest Bank a récemment consacré à la tahiné et à la halawa. « Le coût élevé de l'emballage représente un vrai obstacle pour le développement du secteur », confirme Mounir Bsat. Il indique avoir envisagé de commercialiser de petites portions de 50 grammes de halawa dans les hôtels, restaurants ou même dans les avions ; mais que le remplissage manuel des pots rend pour l'instant trop cher ce type d'initiative.


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Histoire de "halawé" : Dès ma prime enfance dans les années 30, je n'ai connu comme douceur que le "halawé " de Ghandour sur notre table à Jounieh, pourquoi ? Parce que mes parents ne descendaient que deux fois par an à Beyrouth pour rentrer avec une boite en bois de baklawa Arayssi. Donc notre dessert, entre temps, variait entre le "halawa" et la mélasse de kharroub pour les gens non-riches que nous étions. Le "halawa" fait partie du folklore du Kesrouan depuis qu'on colle à ses habitants le dicton : "Ekel hléwi mjalghem bouzou" (Il a mangé du "halawa" et salit sa bouche).

Un Libanais

12 h 45, le 05 septembre 2016

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  • Histoire de "halawé" : Dès ma prime enfance dans les années 30, je n'ai connu comme douceur que le "halawé " de Ghandour sur notre table à Jounieh, pourquoi ? Parce que mes parents ne descendaient que deux fois par an à Beyrouth pour rentrer avec une boite en bois de baklawa Arayssi. Donc notre dessert, entre temps, variait entre le "halawa" et la mélasse de kharroub pour les gens non-riches que nous étions. Le "halawa" fait partie du folklore du Kesrouan depuis qu'on colle à ses habitants le dicton : "Ekel hléwi mjalghem bouzou" (Il a mangé du "halawa" et salit sa bouche).

    Un Libanais

    12 h 45, le 05 septembre 2016

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