« Genius », ou la vie entre les lignes

Maxwell Perkins, interprété par un excellent Colin Firth, est un monsieur « bien rangé » avec une famille (de cinq filles) qui habite la campagne alors que lui croule sous le poids des paperasses et des livres dans son bureau en ville. Perkins est un monsieur modeste qui ne crie pas ses victoires et ses conquêtes puisque c'est lui qui a réussi à éditer Francis Scott Fitzgerald et Ernest Hemingway. Un jour entre dans son bureau un volcan en éruption, un homme exubérant, passionné, un certain Thomas Wolfe, auteur à la phrase longue, au verbe prolifique, au geste large et qui lui propose de lire son livre et de ne pas en couper une ligne car ce serait lui hacher ses tripes. Au cours du voyage en train qui l'amène et le ramène de chez sa famille, Perkins lit et relit ces papiers griffonnés, raturés. Le livre semble lui plaire. Il ne le lit pas simplement, mais y pénètre. Contrairement à Wolfe, Perkins est avare en expressions. Il décide le lendemain de faire connaître au monde ce génie. Dès lors naît entre les deux hommes une relation unique, une amitié solide. L'un cherche le fils qu'il n'a pas eu alors que l'autre est en quête de reconnaissance également paternelle.
Adapté par John Logan d'un livre de Scott Berg, Max Perkins : un éditeur de génie, qui d'autre que Michael Grandage, homme de théâtre célèbre pour ses magnifiques productions, pouvait mettre en scène ce récit qui transforme le personnage anonyme en figure historique ?
Il signe là son premier long-métrage. Plus qu'une réussite. Interprété par un Colin Firth remarquable de pudeur et de réserve qui remplaça Sean Penn au pied levé et un flamboyant Jude Law qui lui donne la réplique (lui aussi était un second choix après Michael Fassbender), les deux acteurs principaux, entre lesquels l'alchimie passe avec fluidité, sont entourés des non moins bons acteurs Guy Pearce, Nicole Kidman et Laura Linney.
Bien qu'abordant deux sujets difficiles, à savoir les rapports humains souvent insondables et inexplicables et le monde des livres devenu hermétique à beaucoup, Genius, grâce à une mise en scène minimaliste mais solide, à des interprètes (principaux et seconds rôles), garde le rythme du début jusqu'à la fin, et malgré certaines répétitions que notre esprit zappe illico parce que l'esprit du film est séduisant, l'œuvre replonge le spectateur dans cet univers des livres qui tend aujourd'hui à disparaître.