Transposer la maille d'or d'un bracelet-manchette sur un abat-jour entièrement tissé en fils de laiton doré ; s'inspirer de pendants d'oreilles pour concevoir un somptueux lustre-grappe ; reprendre les formes florales et Art nouveau d'une parure dans un banc et un paravent en laiton oxydé ou encore agrandir démesurément les pastilles d'un collier pour composer une très belle sculpture lumineuse en laiton argenté mat et brillant... Il fallait y penser. Marie Munier l'a fait. « Il y a tant de jolies formes dans un bijou, pourquoi ne pas les décliner dans d'autres compositions, en sculptures lumineuses notamment ? » lance, comme une évidence longtemps ignorée, celle qui a été durant des décennies la créatrice attitrée du Tout-Beyrouth.
L'allure stylée, calmement lovée dans l'antre feutrée de sa bijouterie, où les fresques murales et les effigies antiques jouent les présentoirs, comme en tribu à cette antiquité méditerranéenne source féconde de son inspiration, Marie Munier confie que c'est « la peur de l'ennui, le spectre de la déprime qui guette en période d'inactivité » qui sont le moteur de sa créativité. « J'ai constamment besoin de produire. C'est pour moi une manière de m'exprimer. Je suis passée par plusieurs étapes dans ma vie professionnelle. En partie par goût du renouvellement, mais aussi, parfois, parce que la situation l'exigeait », soutient cette femme active et qui se définit comme « intrinsèquement urbaine ». « Et voilà une étape de plus », dit-elle en désignant d'un geste les sculptures lumineuses et pièces mobilières qui ponctuent, désormais, l'espace de sa bijouterie. Le déclic se serait produit dans son esprit, il y a trois ans, lors d'une recherche infructueuse d'un luminaire pour son salon. « Ne trouvant rien à mon goût, j'ai décidé de le concevoir moi-même », dit-elle.
Elle a alors l'idée (lumineuse) de reprendre, en dimension agrandie, la forme circulaire et filamenteuse d'une paire des boucles d'oreilles tirée de sa collection Astralis.
« Et j'ai laissé tomber l'art... »
Celle dont la signature était, jusqu'à ce jour, synonyme de parures uniques, élégantes réinterprétations de bijoux gréco-romains, phéniciens, byzantins, assyriens ou perses, passe ainsi du ciselage d'ornements humains à la conception de « bijoux pour les intérieurs ». Car les pièces mobilières qu'elle créées sont des traductions, sur grande échelle, de ses créations joaillières. Travaillées dans des matériaux nobles avec un fini impeccable et en éditions limitées, elles sont avant tout des objets précieux.
Une nouvelle page dans le parcours créatif de Marie Munier. Mais aussi quelque part un retour aux sources de son talent. Car – le saviez-vous ? – c'est par la peinture et la tentation du métier d'architecte d'intérieur que la créatrice, qui a fait des études de beaux-arts, a débuté, à la fin des années soixante, sa prolifique carrière. « J'ai eu ma première exposition en 1967 à l'hôtel Vendôme. Cela a été un succès. Mais, avec mon mari, nous étions jeunes et fauchés, il fallait que je fasse autre chose en parallèle. Je me suis lancée dans le bijou, qui, dès lors, a accaparé tout mon temps. Et j'ai laissé tomber l'art... » Voilà que, d'une certaine manière, elle y revient avec ces pièces, lumineuses ou pas, mais toujours sculpturales. Des créations qui ont déjà fait l'objet d'une exposition l'année dernière à la galerie Dutko à Paris et que la bijoutière-designer-sculptrice projette de présenter dans un grand projet de rétrospective sur l'ensemble de son parcours auquel elle se prépare. Activement. Cela va sans dire !
Pour mémoire
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