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Lifestyle - Rencontre

Guillaume Taslé d’Héliand : Tout comme dans les affaires, on se place dans le jazz en position de risque

Guillaume Taslé d'Héliand, consultant en management et fondateur de SoundsMine en 2012 (plateforme de partage musical), mélomane et collectionneur de dizaines de milliers d'enregistrements qu'il met au service de rencontres sur le jazz, a trouvé son vocabulaire et la (juste) note qui fait du bien à sa vie. Journaliste, rédacteur en chef (Le Figaro, Le Parisien, Libération...), manager dans l'édition professionnelle (lexisNexis), entrepreneur, éditeur et journaliste dans la presse spécialisée (TP Media), il abandonne toutes ses casquettes pour se consacrer entièrement à sa passion, la musique. Rencontre avec un homme bavard et convaincant, qui souligne la complémentarité entre musique et monde des affaires, après une soirée particulière sur le sujet organisée à l'École supérieure des affaires.

 

D'où vous est venue l'idée d'une soirée mixant le monde du jazz et celui des affaires ?
C'est à l'occasion d'un dîner en présence de Cyril Dewaleyne et de Stéphane Attali, directeur de l'ESA, qui organise des rencontres musicales, tout comme, parallèlement, il attise la curiosité des étudiants au monde de l'art. La problématique au sein d'une entreprise est assez comparable à celle de la musique. Il faut en permanence se nourrir et s'enrichir de nouveautés. La musique est un modèle formidable dans lequel nous retrouverons de nombreuses métaphores inspirantes pour le management.

 

Pourquoi le jazz en particulier ?
Le jazz se base sur une rigueur mathématique, mathématico-logique même. Toutefois, il se caractérise par l'improvisation et le dialogue entre instrumentistes. Il nécessite cependant une direction, on y trouve un cadre, une partition, une façon d'interpréter, il y a un leadership dans le jazz, individuel ou collectif, qui conduit à un accord sur le rythme, sur la façon d'interpréter. Chaque instrument et la voix dialoguent, se jettent des défis, jouent, improvisent plus ou moins, se provoquent, anticipent ou retardent un propos pour créer un inconfort créateur d'un nouveau confort. Le jazz est typiquement une musique dans laquelle on se place en position de risque, relativement maîtrisé puisque les musiciens connaissent la musique ; situation tout à fait comparable dans le monde du business.

 

En quoi la mondialisation est-elle illustrée par la musique ?
Il y a une vingtaine d'années est apparue ce que l'on appelle la World music, oubliant qu'en réalité ce concept date d'il y a près d'un siècle avec l'émergence du jazz et sa popularisation ; le jazz : mélange de gospel, de chants d'esclaves noirs dans les champs de cotons et de percussions africaines, sur lesquels se sont plaqués des instruments occidentaux. Dans le management, on peut s'inspirer en termes de mondialisation de deux exemples. Le premier est l'exploitation de certains outils ou façons de penser que l'on peut trouver sur d'autres continents afin de les adapter à nos besoins. Dans le jazz, on remarque que différents musiciens ont recours à des instruments venant des quatre coins du monde (Hadouk Trio qui utilise le doudouk, un des plus vieux instruments du genre humain; vieux de plus de 3 000 ans). Le deuxième exemple nous laisse constater qu'une même mélodie est adaptée différemment sur tous les continents du monde ; exemple : Summertime de George Gershwin et ses 58 000 versions enregistrées, de quoi plaire à tout le monde. On y voit donc l'adaptation d'un produit à ses cibles locales.

 

Comment la soirée organisée récemment à l'Esa pour illustrer la complémentarité entre le jazz et le monde des affaires peut-elle intéresser le public libanais ?
Ces initiatives permettent au public de comprendre et d'apprécier un genre musical auquel il n'a pas été confronté ou initié auparavant ; parfois, les gens adorent une musique mais ne savent pas que c'est du jazz. Pourquoi comprendre ? Parce que c'est un genre beaucoup plus subtil qu'on ne le pense. De plus, ce genre de symposium mène à des remises en cause sur les façons de procéder et de dynamiser sa vie professionnelle, amoureuse ou sociale. Autant pour un artiste que pour un homme d'affaires, il est important, voire nécessaire, de faire de nouvelles rencontres culturelles, professionnelles ou sociales...

 

Quelques mots sur SoundsMine ?
SoundsMine est une entreprise qui vous invite à écouter la musique autrement. Pour le grand public, c'est une page Facebook dans laquelle de nouvelles musiques, insolites et rares, de tous les genres et de tous les continents, sont postées ainsi que des enregistrements de célébrités tout à fait privés et méconnus. Partager de la musique, une passion qui remonte aux cassettes, en passant par les CD et enfin sur clés USB, aujourd'hui beaucoup plus accessibles sur Facebook.

 

Un souvenir rendu inoubliable par la musique ?
C'était il y a près de six ans lors d'une manifestation sur la place des Martyrs où pas moins de 10 000 personnes participaient. Une musique a donc été interprétée, qui n'aurait pu être interprétée qu'à Beyrouth. Grande première pour la musique dans un pays où 18 confessions cohabitent, la scène se dessine comme suit : un muezzin chante accompagné d'instruments locaux ; à sa voix se mêle l'Ave Maria de Schubert, interprété par Tania Kassis, simultanément avec une recherche particulière pour faire rimer les syllabes du « Allah we Akbar » et l'Ave Maria. La prestation transporte les auditeurs. La chaire de poule parcourt la foule et les larmes montent aux yeux d'un peuple ému.

 

Quelques titres à ajouter à notre playlist de l'été ?
Bien évidemment Summertime de George Gershwin et ses 58 000 versions. Et ces quelques artistes : Mahalia Jackson, Keith Jarrett, Scarlett Johansson...

 

 

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